JLE

Virologie

MENU

Epidemiological surveillance of Usutu virus in avifauna Volume 22, issue 5, Septembre-Octobre 2018

Figures


  • Figure 1

Tables

Le virus Usutu (USUV) est un arbovirus maintenu et amplifié dans la nature selon un cycle enzootique impliquant les oiseaux (principalement les Passériformes et les Strigiformes) comme hôtes réservoirs et les moustiques du genre Culex comme vecteurs. Dans l’avifaune, USUV peut être responsable de mortalité importante chez les oiseaux sauvages et captifs. Depuis 2015, le virus est détecté chaque année en France dans l’avifaune, mais en 2018, la circulation virale est particulièrement élevée. Elle a débuté plus précocement dans l’année et a touché très rapidement de nombreux départements avec une mortalité importante, en particulier des merles et des chouettes lapones. Il apparaît donc pertinent de surveiller ce virus « émergent » très pathogène chez certaines espèces d’oiseaux sauvages et pouvant être à l’origine de maladies neurologiques chez l’homme.

La surveillance épidémiologique des maladies dans la faune sauvage est assurée par le réseau Sagir (réseau de surveillance épidémiologique des oiseaux et des mammifères sauvages terrestres en France), associant l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et la Fédération nationale des chasseurs (FNC) qui procèdent au suivi de la mortalité chez les oiseaux sauvages. Ce suivi permet d’être vigilant en particulier sur toute mortalité groupée d’oiseaux survenant entre mai et octobre dans le cadre de la surveillance du virus West Nile (WNV). En effet, WNV et USUV, deux flavivirus, sont très proches génétiquement et ont des cycles de transmission semblables (même réservoir et même vecteur) mais le WNV est beaucoup plus pathogène pour l’homme que l’USUV conduisant à une maladie neuro-invasive sévère dans 1 % des cas [1]. L’infection par USUV passe le plus souvent inaperçue chez l’homme mais de très rares cas de méningo-encéphalites, principalement chez des patients immunodéprimés ont été décrits en Italie, Croatie et plus récemment en France [2]. Un des volets de la surveillance du WNV repose sur le suivi des mortalités anormales d’oiseaux (en priorité corbeaux, corneilles, pies, merles, moineaux, et rapaces diurnes et nocturnes), système décrit comme le plus sensible pour la détection du WNV mais aussi de l’USUV en Europe [3]. En revanche, des infections expérimentales qui ont été conduites chez les volailles domestiques (poule et oie) montrent que ces espèces sont résistantes aux virus [4, 5]. Les cadavres d’oiseaux détectés sur le terrain par le réseau Sagir sont transférés aux laboratoires départementaux d’analyses vétérinaires (LDAV) et les prélèvements d’organes envoyés au Laboratoire national de référence WNV pour un diagnostic différentiel entre l’USUV et le WNV.

Circulation du virus Usutu en France au 07 septembre 2018

Le virus Usutu (USUV) circule activement dans l’avifaune sauvage, notamment en période estivale, période de multiplication des moustiques vecteurs appartenant au genre Culex. USUV a été détecté pour la première fois en Autriche en 2001, puis rétrospectivement en Italie sur des cadavres d’oiseaux collectés en 1996 dans la région de la Toscane montrant que l’USUV a été introduit bien plus tôt en Europe [6, 7]. Il a ensuite été détecté dans de nombreux pays européens (Belgique, République Tchèque, Croatie, France, Allemagne, Hongrie, Italie, Espagne, Suisse et Pays-Bas) [8]1. En 2015, l’USUV a été isolé pour la première fois par le laboratoire de santé animale Anses de Maisons-Alfort sur des merles noirs suite à une mortalité accrue observée dans cette espèce dans deux départements français (Haut-Rhin et Rhône) [9]. À ce jour, les oiseaux reconnus les plus sensibles sont les passereaux (par exemple, merle noir, grive, mésange, moineau domestique, étourneau sansonnet, rouge-gorge) et les rapaces nocturnes (chouette lapone, chouette hulotte ou chouette épervière…).

Le flavivirus USUV est un virus enveloppé avec un génome à ARNsb de polarité positive long d’environ 11 kb. Le diagnostic de l’infection s’appuie sur la détection de l’ARN viral dans le sang (oiseau vivant) et/ou sur les tissus d’oiseaux morts (encéphale, foie et rate) après extraction et amplification spécifique du génome viral (RT-PCR).

Depuis 2015, la France fait face chaque année à des mortalités aviaires dues à ce virus. Cependant, l’année 2018 montre à l’évidence un début de circulation plus précoce par rapport aux autres années et surtout une forte augmentation du nombre de cas et de leur distribution (tableau 1, figure 1). En effet, entre le 31 juillet (date du 1er isolement) et le 07 septembre 2018, l’USUV a déjà été détecté dans dix-huit départements (tableau 1 et figure 1) touchant en majorité les merles noirs (Turdus merula) prélevés sur le terrain par le réseau Sagir et les chouettes des parcs zoologiques [chouette lapone (Strix nebulosa), chouette hulotte (Strix aluco), chouette harfang (Bubo scandiacus)]. Les oiseaux infectés présentent des troubles nerveux centraux tels qu’une désorientation et une prostration. Les oiseaux atteints meurent généralement en quelques jours. Histologiquement les lésions sont principalement centrées sur les vaisseaux sanguins, avec une nécrose fibrinoïde de la paroi vasculaire, s’étendant dans le parenchyme avoisinant et à distance. L’organe touché de manière récurrente est la rate, associée le plus souvent au foie et aux poumons. Des atteintes myocardiques nécrosantes et/ou inflammatoires sont notées de manière plus sporadique. Au niveau de l’encéphale, des zones de gliose avec neuronophagie et nécrose neuronale sont observées de manière variable, mais surtout au niveau du pédoncule cérébelleux et de la moelle allongée. D’un point de vue macroscopique, une hépatomégalie ainsi qu’une splénomégalie sont visibles après autopsie et des foyers de nécrose peuvent également être observés dans le foie et la rate.

En cette année 2018, la situation est aussi préoccupante en Europe. Une augmentation du nombre de cas d’oiseaux infectés a été également recensée en Allemagne, Belgique, Suisse et aux Pays-Bas2. L’infection par USUV peut avoir un effet négatif sur l’évolution démographique de certaines espèces aviaires telles que le merle noir commun. Il sera important de collecter le maximum de données concernant cette épizootie afin d’évaluer le suivi populationnel au printemps 2019 et d’approfondir les connaissances sur la circulation du virus au moyen d’une surveillance renforcée chez les vecteurs (moustiques) et les hôtes du virus (avifaune sauvage et homme).

Liens d’intérêts

les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.


1 (Le bulletin européen sur les maladies transmissibles : European communicable disease bulletin).

Licence This work is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International License