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Virologie

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Hypertension pulmonaire primitive et herpèsvirus humain 8 Volume 7, issue 6, novembre-décembre 2003

Author
Service de virologie, EA 2387, Groupe hospitalier Pitié‐Salpêtrière, Paris
  • Page(s) : 465-6
  • Published in: 2003

Auteur(s) : H. Agut

Service de virologie, EA 2387, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris

L'article de Cool et al. [1] paru récemment dans le New England Journal of Medicine, rapporte l'association entre l'hypertension pulmonaire (HTP) primitive, une maladie des vaisseaux pulmonaires survenant de façon sporadique ou chez des sujets génétiquement prédisposés, et l'infection par l'herpèsvirus humain 8 (HHV8), un gammaherpèsvirus impliqué par ailleurs dans la maladie de Kaposi, la maladie de Castelman multicentrique et le lymphome diffus des séreuses. Plusieurs raisons ont fait initialement évoquer cette association a priori inattendue : il existe une association entre l'HTP et l'infection à VIH1, situation pour laquelle l'infection à HHV8 est plus fréquente ; deux cas d'HTP primitive ont été décrits chez des sujets atteints de maladie de Castelman ; l'HTP primitive est associée à des taux sériques très élevés de cytokines inflammatoires et des infiltrats lymphocytaires sont présents dans les lésions vasculaires, suggérant l'hypothèse d'une réaction immunitaire participant au processus pathogène ; enfin, il existe des similitudes histologiques entre les lésions vasculaires de l'HTP et celles de la maladie de Kaposi cutanée. Les résultats de l'article paraissent de prime abord très convaincants. Un premier criblage avait montré la présence de HHV8 dans 4 prélèvements de lésions vasculaires d'HTP sur 15 testés. Dans l'étude proprement dite, 10 parmi 16 sujets atteints d'HTP primitive avaient des lésions pulmonaires dans lesquelles était exprimée la protéine de latence LANA1 du HHV8 alors qu'aucun parmi 14 sujets atteints d'HTP secondaire ne présentait cette caractéristique. Chez les 10 sujets positifs pour LANA1, le HHV8 était également détecté par PCR et la séquence nucléotidique des produits amplifiés de quatre de ces sujets montrait un polymorphisme génétique qui excluait a priori la possibilité d'une contamination de la PCR par de l'ADN amplifié.

À la réflexion cependant, certains faits sont troublants. Passons sur la reproduction des images d'immunohistochimie qui sont supposées montrer le marquage ponctué nucléaire de l'antigène LANA1 mais dont la lecture critique est quasi-impossible car ces images ont la taille d'un timbre-poste. Le fait le plus préoccupant est l'absence de toute donnée sérologique ou épidémiologique. Les sujets étudiés, souffrant d'une maladie chronique et inscrits sur une liste d'attente pour une transplantation pulmonaire, devaient pourtant avoir un dossier médical bien fourni et des prélèvements de sérum stockés dans une biothèque. Le fait que 62 % des sujets atteints d'HTP primitive soient infectés par le HHV8 alors que la prévalence de cette infection dans la population générale américaine est inférieure à 5 % ne suscite aucune discussion, ni aucune vérification par la recherche d'anticorps sériques anti-LANA1, une technique sérologique amplement validée et diffusée. On se pose évidemment la question de l'appartenance des sujets malades à des groupes à risque pour le HHV8 (en particulier, par exposition à des maladies sexuellement transmissibles) et celle d'une fréquence particulière de l'HTP dans ces groupes à risque.

Aucune réponse à ces questions pourtant cruciales n'est donnée dans l'article. Ce manque rappelle malheureusement les publications antérieures, fracassantes mais infondées, sur l'association entre le HHV8 et le myélome ou la sarcoïdose. Certes, les auteurs ne concluent pas à une relation de causalité entre HHV8 et HTP primitive, mais la publication dans un journal médical aussi prestigieux confère à leurs résultats une légitimité qu'ils ne méritent probablement pas encore. Cet article va sans nul doute conduire à une controverse qu'une plus grande prudence dans la publication et une étude plus approfondie auraient permis d'éviter. Ethel Cesarman, une grande spécialiste du HHV8 qui signe l'éditorial accompagnant l'article, est d'ailleurs d'un grand laconisme vis-à-vis des données présentées [2].

Références

1. Cool CD, Rai PR, Yeager ME, et al. Expression of human herpesvirus 8 in primary pulmonary hypertension. N Engl J Med 2003 ; 349 : 1113-22.

2. Cesarman E. Kaposi's sarcoma-associated herpesvirus-the high cost of viral survival. N Engl J Med 2003 ; 349 : 1107-9.