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Innovations & Thérapeutiques en Oncologie

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Résistance aux inhibiteurs de PARP Volume 5, numéro 2, Mars-Avril 2019

BRCA1 et BRCA2 sont des acteurs essentiels d’une voie majeure de réparation des cassures double-brin de l’ADN, la recombinaison homologue (HR pour Homologous Recombination). L’intérêt thérapeutique du ciblage de cette voie est devenu majeur car :

  • la voie HR est fréquemment inactivée par des mutations non seulement constitutionnelles mais aussi tumorales de BRCA1, BRCA2, ou d’autres gènes impliqués dans l’HR ;
  • le défaut de la voie HR (HRD pour Homologous Recombination Deficiency) est retrouvé dans un nombre significatif d’autres tumeurs solides – citons le cancer du pancréas, de la prostate, de l’estomac, du poumon ;
  • l’HRD est un talon d’Achille de la tumeur contre lequel des drogues prometteuses ont été développées. Ces molécules exploitent l’HRD en générant des lésions de l’ADN ou en bloquant les systèmes de réparation alternatifs. Dans le premier cas, il s’agira des chimiothérapies alkylantes ou des inhibiteurs des topoisomérases par exemple. Dans le second cas, il s’agira principalement de la famille des inhibiteurs de la poly-ADP ribose polymérase (PARP).

Le ciblage de la PARP a été une révolution thérapeutique permettant le développement de drogues efficaces et peu toxiques dans les tumeurs présentant une HRD. Leur développement arrive à maturité avec l’arrivée dans la pratique quotidienne de l’olaparib, du niraparib, du talazoparib et du rucaparib, dans la prise en charge des patientes atteintes de cancers mammaires BRCA mutés (BRCAm) ou de cancers ovariens.

Le diagnostic d’HRD

L’évaluation de l’HRD tumorale est un biomarqueur important afin de sélectionner les patients à même d’obtenir le plus large bénéfice d’une thérapie ciblant l’HRD. Deux grandes méthodes se distinguent : la recherche de mutations de gènes de la réparation double-brin et les signatures génomiques.

La recherche de mutations

La première approche, la plus directe, la plus ancienne et la seule actuellement validée pour la pratique clinique est l’identification de mutations délétères germinales et tumorales des gènes BRCA1 et BRCA2. Cependant, la diversité des gènes impliqués dans l’HR et pouvant être mutés rend ce mode de diagnostic obsolète. De plus, il existe des limites dans les performances du séquençage haut débit :

  • dans l’identification de remaniements complexes de ces gènes ;
  • dans l’obtention d’un séquençage de qualité pour analyser correctement des échantillons tumoraux contaminés par des cellules normales ;
  • dans l’interprétation des mutations faux sens et des mutations de gènes n’appartenant pas directement à la voie HR ;
  • dans l’absence de règle d’exploration des deux allèles, pourtant indispensable au diagnostic de l’inactivation d’un gène ;
  • dans l’absence de règle de diagnostic des épimutations, pourtant relativement fréquentes ;
  • et finalement dans les difficultés de mise en place d’une procédure permettant ce diagnostic génétique très complexe compatible avec un délai qui ne retarde pas le traitement.

Les signatures génomiques

Pour contourner ces difficultés, un pan de la recherche s’est focalisé sur la caractérisation de signatures moléculaires témoignant de l’HRD, quelle que soit son origine [2-5]. Un des principaux avantages de ces signatures génomiques est de donner rapidement un statut HR, quel que soit le mécanisme moléculaire en cause, qu’il soit connu ou inconnu. Notons cependant que ces signatures reflètent le statut initial HR de la tumeur, mais non le statut actuel de la tumeur.

Les traitements des tumeurs HRD

Les défauts de réparation des lésions double-brin de l’ADN tumoral permettent d’envisager de sélectionner ces tumeurs pour certains traitements spécifiques.

La première famille de traitement est celle des chimiothérapies alkylantes (sels de platine, cyclophosphamide, ifosfamide, témozolomide, etc.) qui vont induire des liaisons alkyles sur les bases puriques de l’ADN, créant des adduits ainsi que des ponts intra- ou inter-brins. La transcription, mais aussi la réplication de l’ADN, sont bloquées au niveau de ces lésions. La voie HR est nécessaire pour réparer les lésions inter-brins, d’où la plus grande sensibilité des tumeurs HRD à ces drogues. Les inhibiteurs des topoisomérases I et II génèrent des lésions au niveau des fourches de réplication bloquées nécessitant également la voie HR pour être réparées. Ces molécules sont également des bons candidats pour cibler les tumeurs avec HRD.

Une seconde famille majeure de traitement est la famille des inhibiteurs de PARP. Les enzymes PARP permettent la signalisation des lésions de l’ADN simple-brin. Elles se lient à l’ADN monocaténaire et induisent la synthèse d’une chaîne de poly-ADP ribose qui agit comme signal pour déclencher la réparation, et ceci pour plusieurs voies de réparation des cassures simple-brin et double-brin de l’ADN. Le modèle actuel, dit de létalité synthétique, propose que la survie des tumeurs HRD repose sur une ou des voies de réparation accessoires, qui seraient inhibées par les inhibiteurs de PARP. Cette voie de réparation accessoire pourrait être la voie de jonction des extrémités avec micro-homologies (AltEJ) [1]. Ce concept de létalité synthétique a été démontré dans des travaux publiés en 2005 [6] dans lesquels les cellules HRD (mutées pour BRCA1 ou BRCA2) présentaient une sensibilité très accrue aux inhibiteurs de PARP par rapport aux cellules sans HRD. Plusieurs essais cliniques ont depuis confirmé cette observation et ont démontré l’applicabilité clinique de la létalité synthétique. Certains auteurs, se basant sur des données pré-cliniques, suggèrent une supériorité de certaines de ces molécules en fonction du mécanisme d’inhibition (inhibition catalytique vs piégeage de PARP). Ceci n’a pas été démontré en clinique mais cette question ouvre celle de la résistance aux inhibiteurs de PARP.

Résistance aux inhibiteurs de PARP

Les mécanismes de résistance aux inhibiteurs de PARP sont étudiés depuis près de 15 ans. Certains de ces mécanismes ont été élucidés. L’un des premiers mécanismes décrits fut celui de réversion de la mutation BRCA1/2. Ainsi, l’apparition d’une large délétion ou d’un saut d’exon, emportant le site muté du gène, permet alors de rétablir une protéine certes tronquée mais fonctionnelle. Ce mécanisme ne concerne pas que BRCA mais également les autres gènes de l’HR, tels que les paralogues RAD51. Un second mécanisme est l’augmentation d’expression de la P-glycoprotéine, une pompe à efflux évacuant les drogues du milieu intra-cellulaire. Ce mécanisme a été observé dans des tumeurs résistantes aux sels de platine et serait lié à une translocation du promoteur du gène. Un troisième mécanisme est la diminution d’expression de 53BP1, la protéine qui oriente le choix du mode de réparation de l’ADN vers un mécanisme de type non-homologous end-joining. Cette question de la résistance aux drogues ciblant l’HR est une question quotidienne en oncologie et en particulier en oncogynécologie. L’utilisation de signatures de l’HRD n’est pas pertinente dans ces situations avancées car, bien que le statut tumoral puisse évoluer au cours du temps vers une restauration de la voie HR, celui-ci ne peut être observé par les signatures qui témoignent des événements tumoraux initiaux. Une des principales pistes pour lutter contre cette résistance est la combinaison de drogues. Celle-ci pourrait permettre une meilleure cytotoxicité et/ou une efficacité plus durable, mais cette stratégie présente plusieurs limites. La première est celle de toxicités, en particulier hématologiques, parfois dose-limitantes. La seconde est que certains mécanismes de résistance entraînent des résistances croisées aux inhibiteurs de PARP. Parmi les pistes de combinaisons les plus intéressantes, on citera l’association à la radiothérapie afin d’augmenter l’impact des cassures double-brin de l’ADN radiques ou l’association à l’immunothérapie afin d’exploiter deux voies thérapeutiques totalement différentes mais potentiellement complémentaires.

Conclusion

Le ciblage de la PARP a été une révolution thérapeutique en oncologie. Cependant, les patients présentent fréquemment des résistances à ces drogues et les mécanismes par lesquels cette résistance survient restent à mieux explorer afin de prédire quels seront les patients qui bénéficieront d’une ré-exposition à ces drogues et quels autres bénéficieraient plutôt de combinaisons thérapeutiques innovantes.

Take home messages

  • La recherche de biomarqueurs prédictifs de sensibilité et de résistance aux inhibiteurs de PARP est un enjeu majeur.
  • Parmi les mécanismes de résistance connus on distingue entre autres : les réversions de mutations de la voie de la recombinaison homologue, la surexpression de MDR1 ou la diminution de l’expression de 53BP1.

Remerciements et autres mentions

Financement : aucun.

Liens d’intérêts : EM, TP et MHS sont les inventeurs d’un brevet décrivant la signature LST, dont la licence d’exploitation appartient à Myriad Genetics. MR, PC, SF ont été investigateurs des essais SOLO-2, PAOLA-1 et OREO. Les autres auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt.

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