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Virologie

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Le mimivirus est‐il un virus comme les autres ? Volume 8, numéro 6, nov.-décembre 2004

Auteur
Unité d’épidémiologie et physiopathologie des virus oncogènes, Institut Pasteur, Paris
  • Page(s) : 459
  • Année de parution : 2004

Auteur(s) : Nancy Stella Cuerv

Unité d’épidémiologie et physiopathologie des virus oncogènes Institut Pasteur, Paris

Dès sa découverte en 1992, le mimivirus nous a révélé des caractéristiques bien différentes de celles qui correspondent à la définition classique des virus qui nous a été léguée par André Lwoff. Initialement isolé du cytoplasme d’amibes (Acanthamoeba polyphaga) trouvées dans une fontaine d’eau réfrigérée à Bradford en Angleterre lors d’une épidémie de pneumonie, il reste jusqu’à présent le seul membre de la famille des Mimiviridae, classée dans le groupe des nucleocytoplasmic large DNA virus (NCLDV). 
Après le séquençage de la totalité de son génome et de l’analyse préliminaire de ses particules virales, ce virus continue à nous étonner. En effet, il possède :
– tous les gènes impliqués dans la synthèse des protéines à l’exception de ceux qui codent les composants des ribosomes ;
– des ARN messagers et de transfert ;
– un ADN double brin, d’une taille de 1,2 Mbp dont 1 262 ORF ont été identifiées parmi lesquelles 911 pourraient coder des protéines ;
– des gènes codants des enzymes réparatrices de l’ADN impliquées dans la correction de problèmes d’ordre topologique liés à la réplication, à la transcription et à la recombinaison de l’ADN ;
– des gènes codant des enzymes impliquées dans la correction de dommages provoqués par l’oxydation, par des agents alkylants ou par les rayons UV ;
– des gènes codant des enzymes impliquées dans des voies métaboliques non indispensables à l’accomplissement du cycle viral, dont la synthèse des saccharides ;
– une capside à symétrie icosaédrique d’un diamètre d’au moins 400 nm, taille comparable à celle du mycoplasme, ce qui fait de lui le virus le plus grand décrit à ce jour.
Les particules virales sont très résistantes à des conditions adverses :
– en suspension à 4 °C, 25 °C et 32 °C, elles gardent leur pouvoir infectieux pendant un an ;
– des particules virales viables sont trouvées après l’incubation d’une suspension à 55 °C de 15 à 90 minutes à la différence de Escherichia coli qui ne résiste pas à ce traitement ;
– après 48 heures de dessiccation, la diminution de la viabilité des particules n’a pas été observée.
Toutes ces particularités génomiques suggèrent que le mimivirus se classe dans une branche indépendante de l’arbre phylogénétique des NCLDV, assez éloignée des autres membres de ce groupe, les Phycodnavirus et des Iridovirus qui infectent respectivement des algues et des insectes ; par ailleurs, il a des similitudes avec les eucaryotes.
Comment expliquer les particularités génomiques du Mimivirus ? L’explication la plus plausible est que le Mimivirus aurait gardé les vestiges d’une machinerie ancestrale de synthèse de protéines d’un microorganisme plus complexe, qui se serait graduellement perdue au cours de millions d’années d’évolution.
Ce travail a su captiver l’attention des virologistes et des journaux scientifiques non seulement parce qu’il a dévoilé les surprenantes particularités du génome viral mais surtout parce que le mimivirus a dépassé la frontière de ce qui est communément admis pour la définition d’un virus et qu’il a pénétré dans le domaine du vivant. L’actualisation de la définition de ce qu’est un virus s’avère peut-être nécessaire ou, simplement, le mimivirus n’est un virus pas comme les autres.

Références

Raoult D, Audic S, Robert C, et al. The 1.2 Mb genome sequence of Mimivirus. Science 2004, October14.

Gautheret-Dejean. Un virus bien « mimi ». Virologie 2003 ; 7.