JLE

Médecine thérapeutique / Pédiatrie

MENU

Diarrhées parasitaires : de la zone tropicale à la zone tempérée Volume 4, numéro 1, Janvier - Février 2001

Auteurs
Hopital Saint Vincent de Paul, 82 avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris, France.

Pour la plupart des patients et pour une partie des médecins, les parasites digestifs peuvent provoquer une diarrhée. Pourtant, les diarrhées ne sont pas un symptôme habituel, ni même fréquent, des infestations parasitaires. Dans les zones tropicales, la quasi-totalité des enfants sont porteurs de parasites digestifs, mais ceux-ci ne sont à l'origine que de 5 % environ des diarrhées aiguës et de quelques diarrhées chroniques, s'ils sont en bon état nutritionnel. Le tableau 1 montre les pourcentages d'enfants porteurs de parasites digestifs dans les écoles gabonaises et des enfants hospitalisés pour une diarrhée aiguë d'origine parasitaire dans un hôpital d'enfants de Libreville. Le taux d'infestation parasitaire des populations des zones tropicales est considérable et les agents très variés. 99 % des enfants gabonais (tableau 1) portaient des parasites et 88 % plus d'une espèce parasitaire dans leurs selles. En fait, la plupart des enfants vivent en équilibre constant avec leurs parasites. Pratiquement tous excrètent des œufs de trichocéphale ou d'ascaris et seuls quelques-uns ont des selles anormales. Les helminthes donnent rarement des diarrhées, sauf l'anguillule (Strongyloides stercoralis) en cas de malnutrition, de déficit immunitaire ou de très forte infestation. Les protozoaires (Entamoeba histolytica, Giardia lamblia et Cryptosporidium sp) donnent des diarrhées aiguës beaucoup plus fréquemment et il importe de les rechercher attentivement [1-3]. Dans les pays développés de la zone tempérée, l'infestation parasitaire de la population est peu importante et le principal agent des diarrhées parasitaires de l'enfant est la Giardia [4, 5]. Dans une moindre mesure, les cryptosporidies sont à l'origine de quelques diarrhées parasitaires chez le jeune enfant et des épidémies de crèches ont été décrites [6]. La pathogénie des diarrhées parasitaires est très diverse et encore mal comprise. La dysenterie amibienne est connue depuis longtemps. Elle représente la plus caractéristique des diarrhées invasives. Bien que l'activité histolytique et hématophage de l'amibe soit importante, le mécanisme intime de l'agression de la muqueuse colique par les souches pathogènes d'Entamoeba histolytica, est mal connu. Giardia et Cryptosporidies participent à la destruction des entérocytes, mais ces lésion qui pourraient entraîner des diarrhées par malabsorption, n'expliquent pas totalement les diarrhées aigues aqueuses observées. La relation hôte-parasite est encore mal élucidée. Les parasites digestifs ne confèrent qu'une immunité médiocre et non stérilisante. Les sérologies ont peu d'intérêt diagnostique, comparées à la mise en évidence directe du parasite, seul examen de certitude. Les anticorps produits localement ou présents dans la circulation générale n'empêchent pas la persistance de l'infection ni les réinfestations successives. L'immunité locale, bien que peu efficace, est réelle chez le sujet normal, et les parasites digestifs vont exprimer par la diarrhée leur caractère pathogène en cas de malnutrition ou de déficit immunitaire. Les déficits d'immunité, congénitaux ou acquis, généralisés ou limités à certaines structures digestives, vont favoriser de façon considérable le caractère symptomatique des infections parasitaires [7]. Ces maladies sont importantes à connaître car elles réclament une attitude thérapeutique urgente et cohérente. La plus fréquente et la plus dramatique est la malnutrition, cause la plus fréquente des déficits immunitaires dans les pays en voie de développement. Les diarrhées parasitaires du malnutri, notamment à Giardia ou à anguillule, et vraisemblablement à cryptosporidies, peuvent être sévères et prolongées, et gêner considérablement la renutrition [8, 9]. La seconde situation est l'utilisation d'immunosuppresseurs, principalement les corticoïdes, qui peuvent entraîner des diarrhées parasitaires brutales et gravissimes. L'éventuelle diffusion généralisée de l'anguillulose, sous corticoïdes ou sous chimiothérapie, amène à prescrire un traitement préventif systématique en zone d'endémie ou au retour. Il faut considérer plusieurs points. Tout d'abord il faut considérer la relation spécifique diarrhée parasite selon les espèces parasitaires, amibe en particulier. Ensuite il faut envisager la gestion du trépied classique de la pédiatrie des pays tropicaux parasites/malnutrition/diarrhée. Enfin il faut replacer la diarrhée dans le complexe pathogène de l'enfant des pays en voie de développement. La diarrhée est un symptôme fréquent au cours du paludisme du jeune enfant. Le classique embarras gastrique fébrile du paludisme de primo-invasion est habituel et toutes les diarrhées fébriles de l'enfant en zone d'endémie exigent un frottis sanguin en urgence.