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Visages de la perversion Volume 88, numéro 1, Janvier 2012

Auteur
Historienne, directrice de recherches, université Diderot–Paris-VII (UFR-GHSS, laboratoire ICT, école doctorale 382-EESC)

Est réputé pervers, depuis l’apparition du mot au moyen âge, celui qui jouit du mal et de la destruction de soi ou de l’autre. Mais si l’expérience de la perversion est universelle, chaque époque la considère et la traite à sa façon. Elle est donc nécessaire à la distinction du bien et du mal. L’histoire des pervers en Occident est complexe ; depuis l’époque médiévale jusqu’à nos jours se sont distingués des singularités et des systèmes : Sade invente la perversion au sens moderne tandis que le XIX e siècle isole trois figures majeures de la perversion : l’enfant masturbateur, l’homosexuel, la femme hystérique. Au xx e siècle, le nazisme devient l’essence même d’un système pervers de type exterminateur : plus seulement des sujets paradigmatiques, mais l’instauration d’une loi et d’un État pour lesquels sont inversées les figures du bien et du mal. Notre époque feint de croire que la science nous permettra bientôt d’en finir avec la perversion. Mais qui ne voit qu’en prétendant l’éradiquer, nous prenons le risque de détruire l’idée d’une possible distinction entre le bien et le mal, qui est au fondement même de la civilisation ?