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Hépato-Gastro & Oncologie Digestive

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Cholangite à IgG4 et overlap syndrome Volume 25, numéro 9, Novembre 2018

Tableaux

La cholangite à IgG4 et l’overlap syndrome sont-elles vraiment des maladies rares ?

Bien que l’épidémiologie de ces affections soit très mal connue, la réponse est indiscutablement oui, une maladie étant définie comme rare lorsque sa prévalence est inférieure à 1/2000. La cholangite à IgG4, c’est-à-dire l’atteinte biliaire observée au cours de la maladie à IgG4 (qui est habituellement une affection touchant plusieurs organes), a une prévalence extrêmement faible en Europe et plus élevée en Asie du Sud-Est. La prévalence de la pancréatite auto-immune de type I (PAI I), qui est l’atteinte le plus souvent associée à la cholangite à IgG4, est estimée à 2,2/105 au Japon [1]. Dans l’expérience de l’hôpital Beaujon, une atteinte biliaire est présente dans environ 15 % des PAI I. Pour les overlaps, définis par la présence chez un même patient, d’une part de signes de cholangite biliaire primitive (CBP) ou de cholangite sclérosante primitive (CSP) et d’autre part de signes d’hépatite auto-immune (HAI), de façon simultanée ou successive, la prévalence relative est estimée grossièrement à 10 % dans les séries de CBP et CSP et à 4-5 % dans les séries de HAI, elles-mêmes, maladies rares [2].

La cholangite à IgG4 et l’overlap syndrome sont des maladies rares, voire très rares mais auxquelles il est important de penser en raison des connaissances thérapeutiques

Quand penser à une cholangite à IgG4 ou un overlap syndrome ?

En un mot, la réponse est « presque toujours », mais ceci doit bien sûr être nuancé ! Pour les cholangites à IgG4 dont la présentation cholangiographique (extra- et/ou intrahépatique) est très variable, le diagnostic doit être systématiquement évoqué devant toute sténose biliaire, que le diagnostic évoqué initialement soit celui de malignité (cholangiocarcinome, cancer du pancréas) ou de cholangite sclérosante (cholestase et anomalies cholangiographiques). Ainsi, la société américaine d’hépatologie recommande de doser systématiquement les IgG4 lors du diagnostic initial de cholangite sclérosante [3] malgré une sensibilité et spécificité modérées de ce dosage. En pratique clinique, le diagnostic doit être particulièrement évoqué dans les circonstances suivantes : homme de la soixantaine ou plus, signes cliniques ou radiologiques de pancréatite, absence de colite inflammatoire (MICI) [4]. Pour les overlaps, le diagnostic doit de même être évoqué systématiquement (pour éventuellement mieux l’exclure) lorsque la présentation est différente du phénotype classique ou en cas de réponse non satisfaisante au traitement habituel de toute CBP, CSP ou HAI. Pour les overlaps HAI-CSP, une attention particulière doit être portée aux enfants ou adultes jeunes. Lors du diagnostic de HAI, une cholangio-IRM est ainsi recommandée systématiquement dans cette population (ou en cas d’association à une MICI). En effet, des anomalies cholangiographiques compatibles avec une CSP ont été décrites chez près de 50 % des enfants ayant une présentation de HAI, amenant à proposer le terme de cholangite sclérosante auto-immune.

L’hypothèse d’une cholangite à IgG4 doit être systématiquement évoquée devant toute sténose biliaire (dosage des IgG4 sériques) et celle d’un overlap devant toute cholangite biliaire primitive, cholangite sclérosante primitive ou hépatite auto-immune, surtout en cas de présentation atypique ou de résistance au traitement habituel

Comment faire le diagnostic de cholangite à IgG4 ou d’overlap syndrome ?

Le diagnosticdes cholangites à IgG4, tout du moins de certitude, est souvent difficile. Le diagnostic repose sur trois types de signes :

  • clinico-radiologiques (atteinte d’un organe extrahépatique, pancréas en particulier) ;
  • histologiques (fibrose particulière et infiltrat lymphoplasmocytaire IgG4 + avec cellules IgG4+ > 10/champ ou rapport IgG4/IgG > 40 %, ± veinulite oblitérante) ;
  • biologiques (IgG4 > 1,4 g/L).

Différentes classifications (diagnostic certain, probable ou possible) ont été proposées. Les critères HISORt sont les plus utilisés [5](tableau 1). Plusieurs remarques peuvent être faites. La certitude histologique n’est souvent obtenue que sur des pièces de résection chirurgicale et la performance diagnostique de la biopsie hépatique est faible. L’épaississement important et symétrique de la paroi biliaire est un élément évocateur. L’élévation des IgG4 n’est ni très sensible (absente dans au moins 30 % des cas) ni spécifique sauf si supérieure à 4 N. En pratique, l’étude systématique de l’aspect radiologique du pancréas à la recherche de signes de PAI (présente dans 80 % des cas) est un élément très important. L’effet bénéfique d’une corticothérapie de quatre semaines est un argument supplémentaire. Cependant, ce test thérapeutique chez les patients ayant une suspicion de cholangite à IgG4 mais sans certitude doit préalablement être discuté avec un centre ayant l’expérience de cette maladie et après explorations visant à exclure une affection maligne type cholangiocarcinome (prélèvements endobiliaires voire cholangioscopie) [6].

Le diagnostic de cholangite à IgG4 est souvent difficile à établir avec certitude. Un éventuel test de réponse aux corticoïdes ne doit être proposé que sur des arguments forts d’orientation

Pour les overlaps,si la définition générale de ces formes est consensuelle, il n’en est pas de même des critères précis, ce qui est à l’origine d’une grande confusion dans la littérature [7]. L’utilisation du score diagnostique d’HAI proposé par l’International Autoimmune Hepatitis Group n’est pas recommandée dans ce contexte [8]. En pratique, en cas de maladie cholestatique, les signes devant faire suspecter une HAI associée sont : 1) une élévation de l’activité des transaminases supérieure à 5 N, 2) une élévation des IgG supérieure à 20 g/L ou la présence d’anti-muscles lisses de spécificité anti-actine, 3) des lésions inflammatoires périportales (hépatite d’interface) ou lobulaires marquées. Le diagnostic d’overlap syndrome CBP ou CSP/HAI peut être retenu lorsqu’au moins deux des critères majeurs de CBP ou CSP et deux des critères majeurs de HAI, incluant obligatoirement le critère histologique, sont présents (tableau 2). Il est important de noter que la biopsie hépatique est indispensable et que la présence d’un seul signe (incluant les autoanticorps) ne permet pas de porter un diagnostic de maladie associée et donc d’overlap. Les formes simultanées sont les plus fréquentes. Chez l’adulte, la maladie cholestatique (CBP ou CSP) est habituellement au premier plan. Ainsi le terme de forme « hépatitique » de CBP a été proposé. Chez l’enfant, le seul overlap possible est CSP/HAI en raison de la non-existence de CBP et la présentation est habituellement celle d’une HAI. Les formes successives sont plus rares. La maladie initiale peut être soit la CBP ou la CSP, soit l’HAI. Le diagnostic est évoqué devant des modifications des caractéristiques de l’hépatopathie ou une résistance au traitement initialement institué.

La biopsie hépatique est indispensable pour porter un diagnostic d’overlap

Quel traitement pour la cholangite à IgG4 ou l’overlap syndrome ?

Le traitement de la cholangite à IgG4 repose sur la corticothérapie selon un protocole empirique qui reste mal codifié, par exemple 40 mg/j pendant quatre semaines puis réduction de 5 mg tous les 15 jours [5]. Une amélioration des tests hépatiques (et des IgG4 si initialement élevées) est typiquement observée rapidement dès deux semaines de traitement, suivie par une amélioration radiologique. L’absence d’amélioration peut être en rapport avec une forme très évoluée essentiellement fibreuse ou surtout avec un autre diagnostic, notamment un cancer, et doit faire reprendre les investigations. La récidive est néanmoins fréquente (environ 50 %), surtout dans les formes proximales. Le même schéma de corticothérapie est alors repris avec adjonction de l’azathioprine (ou le mycophénolate). L’azathioprine est poursuivi de façon prolongée (jusqu’à 2-2,5 mg/kg/j). Certains auteurs utilisent plutôt une corticothérapie prolongée à petites doses (< 10 mg/j). En cas de forme résistante ou de récidives fréquentes se discute un traitement endoscopique ou le rituximab (anti-CD20) dont l’utilisation est surtout basée sur l’expérience acquise dans les PAI [4].

Les cholangites à IgG4 sont très sensibles aux corticoïdes mais les récidives sont fréquentes

Pour les overlaps, aucun essai thérapeutique randomisé n’a été mené en raison de la rareté de ces affections, et seules sont disponibles des observations isolées ou de courtes séries ouvertes. Cependant un traitement combiné associant immunosuppresseurs et acide ursodésoxycholique (AUDC) peut globalement être recommandé. Dans la plupart des cas, il est possible d’identifier une maladie « dominante » qui doit d’abord être traitée avec adaptation du traitement en fonction de la réponse. Par exemple, l’EASL, dans ses recommandations 2009 sur les overlaps CBP-HAI, conseille d’ajouter les corticoïdes (éventuellement le budésonide) à l’AUDC, soit d’emblée lors du diagnostic d’overlap, soit secondairement en cas de réponse biochimique non satisfaisante après trois mois d’AUDC [9]. En pratique, le schéma que nous utilisons est le suivant : traitement combiné associant AUDC et predniso(lo)ne : 0,5 mg/kg/j (dose initiale puis abaissée) + azathioprine : 50-100 mg/j. Il faut noter que plusieurs études ont suggéré que, chez les répondeurs, les posologies d’immunosuppresseurs au long cours pourraient être plus faibles et le taux de succès de leur arrêt complet plus élevé que dans les HAI classiques. En cas de forme successive, il existe un consensus pour adapter le traitement et associer les immunosuppresseurs et l’AUDC.

Le traitement des overlaps repose initialement sur celui de la maladie semblant dominante avec ensuite éventuelle combinaison d’immunosuppresseurs et d’acide ursodésoxycholique en fonction de la réponse au traitement initial

Quel suivi pendant et après le traitement ?

Pour les cholangites à IgG4, le suivi repose bien sûr sur les tests hépatiques usuels, les IgG4 sériques (bien que la corrélation avec l’activité de la maladie soit modérée) et la cholangio-IRM (par exemple annuelle). Les données cliniques sont essentielles et la décision d’une éventuelle intensification thérapeutique doit être essentiellement basée sur les symptômes. Le devenir à long terme n’est pas bien établi : très favorable dans l’expérience japonaise, associée à un sur-risque de cancer dans une série anglaise. Le mode de surveillance n’est pas bien établi (avis d’expert).

Après mise en rémission des cholangites à IgG4, une surveillance annuelle, clinique, biologique (tests hépatiques, IgG4) et cholangiographique apparait raisonnable

Pour les overlaps, le suivi combine les règles générales applicables à chacune des maladies (CBP, CSP, HAI) [8, 10, 11]. Il est en particulier important de surveiller la concentration sérique des IgG. L’élastométrie n’est pas rigoureusement validée dans les overlaps mais un examen annuel peut raisonnablement être conseillé. Une biopsie hépatique est indiquée pour guider l’adaptation thérapeutique en cas d’absence de réponse biologique satisfaisante (ou en cas d’augmentation confirmée des valeurs d’élastométrie).

Il ne faut pas oublier le dosage des IgG sériques dans la surveillance des overlaps

Liens d’intérêts

Soutien à la recherche : Arrow ; Consultant : Mayoly Spindler, Intercept. Conférences : Mayoly Spindler, Falk Fondation, Intercept.

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