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Bulletin du Cancer

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PKC412, un nouvel inhibiteur de la tyrosine kinase Volume 92, numéro 4, Avril 2005

Auteur

Auteur(s) : Jacques-Olivier Bay

Les altérations des tyrosine kinases dans les pathologies tumorales malignes constituent des cibles thérapeutiques potentielles [1]. Dans les leucémies aiguës myéloblastiques (LAM), une mutation activatrice du récepteur FLT3 a été retrouvée chez plus de 30 % des patients adultes [3]. Ces mutations concernent en majorité la région juxtamembranaire du récepteur. Elles possèdent un pouvoir oncogénique qui a été démontré in vitro en culture cellulaire et in vivo chez l’animal. Dans les LAM, la présence de mutations est corrélée à un pronostic plus péjoratif de la maladie. Cela a été observé à l’évaluation des patients, tant sur les taux de rémission complète que sur la survie. 
Les leucémies ont déjà fait la preuve de l’efficacité potentielle de thérapeutiques ciblées. On peut ainsi citer l’acide trans-rétinoïque sur la protéine oncogénique de fusion créée par la t(15 ;17) dans les leucémies promyélocytaires et l’imatinib mésylate inhibant BCR/ABL, produit de transcription de la t(9 ;22) dans les leucémies myéloïdes chroniques. La molécule PKC412 ou N-benzoylstaurosporine a été initialement développée comme un inhibiteur de la protéine kinase C (PKC) [3]. Cette molécule a également montré une activité inhibitrice sur d’autres récepteurs tyrosine kinase, notamment de classe III, tels que le vascular endothelial growth factor receptor 2 (VEGFR2), c-kit et les platelet-derived growth factor receptors α (PDGFRα) et β (PDGFRβ). Dans les essais de phase I, elle n’a pas montré de toxicité importante, la tolérance restant même plutôt satisfaisante. Une efficacité sur la réduction de l’activité de la PKC a par contre été observée. In vitro, son administration a également montré une inhibition de la croissance de lignées cellulaires leucémiques contenant des mutations activatrices du récepteur FLT3. Les essais in vivo chez la souris se sont aussi avérés positifs. C’est donc logiquement que la molécule PKC412 a été administrée à des patients affectés d’une LAM réfractaire et possédant une altération activatrice du récepteur FLT3. Dans l’étude de Stone et al., 20 patients sélectionnés ont été traités avec une posologie de 75 mg per os 3 fois par jour pendant au moins 2 semaines [4]. L’âge médian était de 62 ans et tous les patients présentaient une LAM réfractaire avec une mutation activatrice de FLT3. La tolérance thérapeutique s’est avérée satisfaisante. Quelques nausées et/ou vomissements ont été notés. La tolérance hématologique était bonne. Il faut par contre noter la présence de trois toxicités pulmonaires d’évolution fatale. L’une d’entre elles était liée à une évolution de la maladie, les deux autres restant de cause inconnue. À l’évidence, la molécule est apparue efficace avec pour 14 patients (70 %) une réduction de plus de 50 % des cellules blastiques périphériques. Pour 7 de ces patients (35 %), la réduction était d’au moins 2 logs avec une médiane de 13 semaines. Le myélogramme montrait une réponse médullaire chez 6 patients dont 2 avec un taux de cellules blastiques inférieur à 5 %. Outre les trois décès observés avec éventuelle toxicité, les auteurs donnent les raisons pour lesquelles l’étude a été interrompue pour chacun des patients. Pour la majorité d’entre eux, c’est à cause d’une reprise évolutive de la maladie. La réponse n’apparaît donc pas stable et durable dans le temps. Les études de pharmacocinétique qui ont été conduites chez 15 des 20 patients donnent quelques éléments de réponse. Elles montrent que la concentration plasmatique de la molécule est maximale dans la première semaine de traitement puis diminue progressivement. Les raisons restent imprécises (induction enzymatique spécifique, modification des capacités d’absorption ou autre raison). Cette constatation est cependant importante car elle explique peut-être l’absence de la durabilité des réponses observées.
Ces résultats cliniques sont cependant à signaler car les réponses immédiates sont spectaculaires dans ces formes réfractaires de LAM. Il est par ailleurs important de préciser que la molécule PKC412 est aussi potentiellement active sur d’autres cibles moléculaires, ce qui laisse espérer des résultats aussi prometteurs dans d’autres maladies tumorales malignes, notamment dans les leucémies de la lignée myéloïde. En effet, des altérations de VEGFR2, c-kit, PDGFRα et PDGFRβ sont souvent impliquées dans leur oncogenèse. Il a par ailleurs été décrit dans la littérature que cette molécule potentialiserait l’apoptose induite par certaines chimiothérapies [4]. Une utilisation concomitante apparaîtrait donc judicieuse. Signalons tout de même les toxicités pulmonaires. Si, pour les auteurs, elles ne sont pas à relier directement au traitement, elles doivent tout de même être considérées car il s’agit d’une incidence non négligeable.

Références

1. Blay JY, Le Cesne A, Alberti L, Ray-Coquart I. Targeted cancer therapies. Bull Cancer 2005 ; 92 : E13-8.

2. Ugo V, Legrand O, Delmer A, Rio B, Casadevall N, Marie JP. Actualités sur les hémopathies malignes. Bull Cancer 2002 ; 89 : 75-88.

3. Meyer T, Regenass U, Fabbro D, Alteri E, Rosel J, Muller M, et al. A derivative of staurosporine (CGP 41 251) shows selectivity for protein kinase C inhibition and in vitro anti-proliferative as well as in vivo anti-tumor activity. Int J Cancer 1989 ; 43 : 851-6. 4

4. Stone RM, DeAngelo DJ, Klimek V, Galinsky I, Estey E, Nimer SD et al. Patients with acute myeloid leukemia and an activating mutation in FLT3 respond to a small-molecule FLT3 tyrosine kinase inhibitor, PKC412. Blood 2005 ; 105 : 54-60.

5. Fabbro D, Buchdunger E, Wood J, Mestan J, Hofmann F, Ferrari S, et al. Meyer T. Inhibitors of protein kinases : CGP 41251, a protein kinase inhibitor with potential as an anticancer agent. Pharmacol Ther 1999 ; 82 : 293-301.