JLE

ANALYSE D'ARTICLE

Exposition professionnelle au plomb et sclérose latérale amyotrophique

L’exposition chronique au plomb est l’un des facteurs de risque suspectés de sclérose latérale amyotrophique. Cette méta-analyse de neuf études cas-témoins indiquant un quasi doublement du risque de survenue de la maladie en cas d’exposition professionnelle passée au plomb renforce cette présomption.

Chronic exposure to lead is one of the suspected risk factors of amyotrophic lateral sclerosis. This meta-analysis of nine case studies indicates a nearly doubled risk of the disease after past occupational exposure to lead and thus strengthens this suspicion.

La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est une maladie dégénérative des motoneurones, rare mais rapidement évolutive, qui survient en moyenne autour de 60 ans. Environ 10 % des cas s’expliquent par la mutation d’un gène (SOD1 ou C9orf72 le plus souvent), tandis que le rôle du polymorphisme génétique et celui de facteurs environnementaux (pesticides, métaux lourds, choc électrique, traumatisme et tabagisme notamment) sont évoqués pour 90 % des cas. L’association entre l’exposition au plomb et la SLA est explorée depuis une cinquantaine d’années et plus de 20 études épidémiologiques ont été réalisées, la plupart mettant en évidence un excès de risque chez les sujets professionnellement exposés. Les limites de ces études – en premier lieu l’évaluation habituellement rétrospective de l’exposition – rendent l’ensemble peu conclusif. Quelques travaux utilisant des biomarqueurs (concentration de plomb dans le sang, l’os ou le liquide céphalorachidien) et l’investigation d’un agrégat de cas de SLA autour d’une fonderie dans l’État du Missouri sont récemment venus relancer l’intérêt pour l’exploration du lien entre l’exposition au plomb et la SLA, motivant cette méta-analyse.


Sélection des études

Les auteurs ont interrogé huit bases de données à la recherche des études observationnelles (cohortes, cas-témoins ou transversales) publiées en langue anglaise jusqu’en septembre 2013. Vingt-et-une études ayant examiné l’association entre l’exposition professionnelle au plomb et le risque de SLA ont été identifiées, dont trois avaient inclus des populations également analysées par ailleurs. Dans ce cas, les auteurs ont conservé la première analyse, postulant que la reconstitution de l’exposition passée au plomb perdait en fiabilité avec le temps. Les 18 publications retenues comportaient cinq articles qui donnaient uniquement une estimation du risque (sous forme d’odds ratio [OR] ou de risque relatif) et 13 autres qui fournissaient les données de base nécessaires pour calculer un OR de SLA chez les sujets ayant été exposés par rapport aux sujets ne l’ayant jamais été (analyse « ever versus never »). Quatre études (dont les deux seules cohortes disponibles) avaient estimé le risque lié à l’exposition à des métaux lourds en général (incluant mais ne se limitant pas au plomb) et les neuf autres étaient focalisées sur le plomb. L’analyse principale a porté sur ce groupe de neuf études, qui incluait une population totale de 1 228 cas de SLA (dont 191 exposés) et 1 544 témoins (dont 160 exposés) et ne présentait pas d’hétérogénéité significative (I2 = 14 %). La répartition en « funnel plot » ne suggérait pas de biais de publication. Excès de risque de SLA La méta-analyse des neuf études aboutit à un OR égal à 1,81, avec un intervalle de confiance compris entre 1,39 et 2,36 quand un modèle à effets aléatoires est utilisé et entre 1,42 et 2,29 avec un modèle à effets fixes. La fraction des cas de SLA attribuables à l’exposition au plomb est estimée à 4,9 % (61 cas sur 1 228). La méta-analyse des quatre études dans lesquelles le facteur de risque examiné était l’exposition aux métaux lourds aboutit à un résultat proche : OR = 2,13 (IC95 : 1,33-2,42) à partir de 97 cas exposés. Les 13 études réunies donnent un OR égal à 1,87 (IC95 : 1,57-2,33). Un effet de la qualité méthodologique sur ce résultat a été recherché après avoir attribué à chaque étude un score de qualité (sur une échelle à 20 points). La méta-analyse des sept études présentant la meilleure qualité aboutit à un OR égal à 1,71 (IC95 : 1,32-2,23), légèrement inférieur à l’estimation issue de la méta-analyse des six études de moins bonne qualité : OR = 2,23 (IC95 : 1,54-3,21). Dans leur ensemble, ces résultats soutiennent l’hypothèse d’un effet de l’exposition professionnelle au plomb sur le risque de SLA. Même si la situation actuelle est plus favorable que par le passé (la pollution au plomb a été fortement réduite depuis 30 ans et les produits en contenant sont de plus en plus strictement réglementés), les efforts visant à diminuer l’exposition à ce neurotoxique méritent d’être poursuivis. 

Laurence Nicolle-Mir


Publication analysée :

Wang MD1, Gomes J, Cashman NR, Little J, Krewski D. A meta-analysis of observational studies of the association between chronic occupational exposure to lead and amyotrophic lateral sclerosis. JOEM 2014;56: 1235-42.

doi: 10.1097/JOM.000000000000323 


1
Department of Epidemiology and Community Medicine, Faculty of Medicine, University of Ottawa, Canada.