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Médecine de la Reproduction

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Vers une stratégie nationale de lutte contre l’infertilité et le déclin de la fertilité Volume 24, numéro 3, Juillet-août-septembre 2022

Auteur
Service de biologie de la reproduction, hôpital Arnaud de Villeneuve, Inserm U 1203, université de Montpellier, Montpellier, France
* Tirés à part : S. Hamamah

avec 3,3 millions de personnes directement touchées en France, l’infertilité est devenue un enjeu de santé publique majeur, qui n’a jamais été traitée comme telle par les pouvoirs publics. En France, comme dans l’ensemble des pays industrialisés, la hausse de l’infertilité résulte tout d’abord du recul de l’âge à la maternité. En quatre décennies, cet âge a augmenté de cinq ans. Ainsi, en 2019, les Françaises avaient-elles leur premier enfant à 29 ans, en moyenne. La fertilité déclinant progressivement à partir de 30 ans, les maternités dites « tardives » augmentent mécaniquement le risque d’infertilité. Ce recul de l’âge à la maternité résulte d’un ensemble de facteurs sociétaux, la généralisation du travail féminin et des techniques contraceptives y ayant contribué. Les sociologues identifient également d’autres déterminants, tels qu’un possible déclin du désir d’enfant chez les jeunes générations, la recherche d’une stabilité professionnelle et affective avant de concrétiser un projet parental, la crise économique ou encore l’absence d’une politique publique facilitant la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. En outre, l’ignorance, chez de nombreux couples, du déclin de la fertilité avec l’âge, conjuguée à une confiance excessive dans la performance des techniques d’assistance médicale à la procréation, se traduisent par une demande d’accompagnement médical de plus en plus tardif, limitant ainsi les taux de succès. Des facteurs environnementaux sont également impliqués dans cette hausse de l’infertilité. Une méta-analyse, réalisée en 2017, a fait apparaître un déclin de plus de 50 % de la concentration spermatique chez les hommes des pays industrialisés, entre 1973 et 2011 – déclin se poursuivant probablement au même rythme depuis lors. Ce phénomène serait notamment lié à une exposition régulière aux perturbateurs endocriniens. Par ailleurs, de récentes études montrent l’impact négatif des modes de vie occidentaux sur la fertilité des hommes et des femmes, en particulier pendant la période préconceptionnelle, à savoir les six mois précédant la grossesse : consommation de tabac ou de cannabis, obésité, troubles de l’alimentation, etc. Ces comportements pourraient même produire un effet transgénérationnel, avec des conséquences sur la santé et la fonction reproductrice de l’enfant à naître. L’infertilité est aussi très souvent liée à des causes médicales. Chez les femmes, elle peut avoir une origine mécanique ; l’endométriose, par exemple, pathologie répandue mais encore mal connue, provoque une obstruction des trompes. Elle peut aussi être d’origine hormonale. Ainsi le syndrome des ovaires polykystiques est-il la cause la plus fréquente de troubles du cycle menstruel et d’absence d’ovulation. Chez les hommes, l’infertilité peut enfin avoir une origine endocrinienne, testiculaire, ou bien être liée à des lésions des voies génitales. La cause la plus fréquente est la varicocèle. Malgré la multiplicité de ces causes, elles-mêmes souvent combinées, l’infertilité est longtemps demeurée un angle mort des pouvoirs publics. Une première étape consistait donc à bien recenser ces causes et à formuler des pistes concrètes pour les combattre. La mission présente en ce sens six axes d’améliorations formant le cadre d’un plan opérationnel de prévention de l’infertilité : éduquer et informer individuellement et collectivement sur la fertilité et les facteurs de risques de l’infertilité, renforcer la formation des médecins et des autres professionnels de santé sur la prévention de l’infertilité, développer la recherche dans le domaine de la reproduction humaine, impulser et incarner cette priorité nationale et pallier l’actuel déficit de coordination entre les différents acteurs. La mission recommande la création d’un Institut national de la fertilité, avec une approche interministérielle.