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Hématologie

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Maladie résiduelle dans les leucémies aiguës Volume 26, supplément 1, Avril 2020

La maladie résiduelle minimale ou mesurable (MRD) est devenue un outil incontournable de la prise en charge des patients dans de nombreuses hémopathies. Dans les leucémies aiguës et notamment lymphoblastiques (LAL), la MRD s’est imposée comme critère pronostique et stratifiant majeur. Les premières études publiées dans les LAL basées sur le suivi des réarrangements des gènes des immunoglobulines (IG) et du récepteur T à l’antigène (TCR) ont maintenant 20 ans [1, 2]. Que s’est-il passé depuis ?

Du point de vue technologique, les outils de mesure de la MRD ont bénéficié des avancées de la biologie moléculaire et de la cytométrie de flux. À la clé, une amélioration de la sensibilité qui reste cependant suspendue à la qualité du prélèvement. La MRD basée sur l’identification des réarrangements IG/TCR reste la référence européenne dans les LAL alors qu’en Amérique du Nord, la cytométrie de flux (CMF) s’est beaucoup développée. C’est pourtant le séquençage de nouvelle génération (NGS) qui est devenu en 2018 la première technique approuvée par la Food and Drug Administration (FDA). Dans les LAM, la MRD s’est initialement concentrée sur les transcrits de fusion, puis s’est étendue aux mutations de NPM1 et, plus récemment, à la quantification de certaines mutations par NGS. Les approches plus ubiquitaires reposent sur la quantification de WT1, dont la faible sensibilité limite l’utilisation, ou la CMF. Cette dernière s’enrichit du développement de nouvelles techniques d’analyse multidimensionnelle permettant de mieux cerner la complexité des sous-populations leucémiques. Quoique prometteuse, la CMF dans la LAM doit encore faire l’objet d’homogénéisation et de validation prospective. La NGS et la CMF apportent dans la LAM des informations différentes et leurs résultats ne sont pas superposables.

Du point de vue du clinicien, la MRD est devenu l’élément de stratification majeur des protocoles français pédiatrique CAALL-F01 et adulte GRAALL-2014 actuels, notamment pour l’indication de l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Pour la première fois, un médicament, le blinatumomab, a également été approuvé pour prendre en charge les patients présentant une MRD persistante après chimiothérapie. Dans les LAM, la MRD basée sur les transcrits de fusion ou sur NPM1 a fait sa place dans le suivi des patients dans les protocoles CBF-2006 puis BIG-1, alors que le protocole pédiatrique MyeChild est entièrement stratifié sur la MRD en CMF centralisée. Chez l’adulte, la MRD en CMF s’est mise en place dans les deux groupes coopérateurs FILO et ALFA et des premiers résultats sont attendus cette année.

Enfin, les agences se sont emparées de la question de la MRD comme marqueur surrogate de la survie ou du risque de rechute et donc de l’efficacité de nouveaux médicaments. Solution séduisante pour réduire drastiquement la durée des études mais qui doit encore faire ses preuves. Deux études françaises illustrent la dissociation possible entre MRD et survie : le R-GRAALL – pour lequel l’avantage en survie ne se traduisait pas dans la MRD post-induction [3] –, et le CBF-2006 – pour lequel la différence de MRD entre les bras n’a pas eu d’impact sur le devenir des patients [4]. Les réponses MRD spectaculaires observées après l’utilisation des immunothérapies dans la LAL jettent également le trouble sur notre compréhension de la valeur de la MRD dans ce contexte.

Cette monographie vous donnera un aperçu des techniques biologiques disponibles et en cours d’évaluation, comment elles se comparent et se complètent. Des vignettes illustrent l’utilisation de la MRD en clinique toute en pointant du doigt les questions scientifiques et cliniques que soulève l’utilisation de ces techniques au quotidien. Bonne lecture !

Liens d’intérêt

NB a reçu des honoraires du laboratoire Amgen.

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