JLE

Cahiers d'études et de recherches francophones / Santé

MENU

Le paludisme côtier lagunaire à Cotonou : données entomologiques Volume 10, numéro 4, Juillet - Août 2000

Auteur
Centre de recherche entomologique OCCGE, 06 BP 2604 Cotonou, Bénin.
  • Page(s) : 267-75
  • Année de parution : 2000

De nos jours, plusieurs faciès de paludisme sont décrits en Afrique subsaharienne. Dans le présent article, nous rapportons des informations sur le cas des zones côtières lagunaires de l’Afrique de l’Ouest, en particulier celui du Bénin, caractérisées par la présence d’un complexe de lacs et de lagunes, la plupart en communication avec la mer. Dans une étude longitudinale, nous avons observé la dynamique de population des espèces vectrices assurant la transmission du paludisme dans les différents biotopes du milieu côtier lagunaire, la variation du taux d’inoculation dans ces biotopes, les compétences vectrices des anophèles rencontrés, l’influence de l’anthropisation sur la transmission, l’action de la crue et de la décrue lors des inondations et celle de la variation du taux de salinité des gîtes sur le peuplement anophélien. Deux espèces assurent la transmission du paludisme dans le milieu : An. melas et An. gambiae. An. melas a représenté l’espèce la plus abondante en milieu lagunaire rural. En effet, dans les villages du type traditionnel des pêcheurs, il a représenté 86,2 % sur 2 936 identifications chromosomiques. En revanche, dans les secteurs lagunaires influencés par l’urbanisation, la présence d’An. melas est très faible. Sur 406 identifications chromosomiques, cette espèce n’a représenté que 4,9 %. Sur le plan du polymorphisme chromosomique, l’examen des chromosomes polytènes a permis de mettre en évidence sur le bras droit du chromosome 2 (chromosome 2R) une inversion n1 très semblable à l’inversion n (2Rn) observée en Gambie et en Guinée-Bissau [15, 19]. Toutefois, nous avons observé une légère différence : le segment chromosomique de n1 est légèrement plus long que celui de n. Par ailleurs, il semble exister une corrélation entre la variation de la fréquence de l’inversion n1 et celle de la densité d’An. melas. La période (octobre-novembre : inondation) correspondant à l’augmentation de la fréquence de l’arrangement 2Rn1 correspond à celle de la diminution de la densité d’An. melas. Sur le plan épidémiologique, ce milieu apparemment homogène fait apparaître plusieurs degrés de transmission. Dans les localités construites sur la plage, la transmission du paludisme est faible : le taux d’inoculation ne dépasse guère 5 piqûres infectées par homme et par an. Dans les villages lagunaires à l’état naturel occupés en général par les pêcheurs, on observe une situation paradoxale où, à une forte agressivité anophélienne pour l’homme (ma = 4 502 piqûres) correspond un niveau de transmission faible (h = 12,1 piqûres infectées par homme par an). Une des explications majeures de ce paradoxe est la présence d’une forte densité d’An. melas, un mauvais vecteur du paludisme. En revanche, l’urbanisation de ces villages augmente le potentiel de transmission du paludisme par la création de nouveaux gîtes d’eau douce, favorables au développement larvaire d’An. gambiae, un bon vecteur du paludisme. En milieu lagunaire urbain (cas de Cotonou), l’absence de relief avec des quartiers situés au-dessous des eaux (mer et lagunes) crée des inondations chaque année, aux moindres pluies, et favorise la multiplication des gîtes d’anophèles contrairement à la situation du paludisme en milieu urbain décrite par différents auteurs.