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Médecine thérapeutique / Pédiatrie

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Niveau de preuve des solutions sucrées, crème EMLA® et soins non médicamenteux pour l'analgésie du nouveau-né Volume 5, numéro 2, Mars - Avril 2002

Auteur
Service de Pédiatrie et Médecine Néonatale, Site Poissy du CH Poissy-Saint Germain 10, rue du Champ Gaillard, 78300 Poissy, France.

La période où la communauté médicale pensait que le nouveau-né était incapable de ressentir la douleur est révolue. De nombreux arguments physiologiques, hormonaux et comportementaux confirment que le nouveau-né, même très prématuré, est sensible aux stimulations nociceptives (voir article de O. Gall dans ce numéro). Et, contrairement aux croyances largement répandues, ces expériences désagréables précoces ne sont pas immédiatement oubliées car il a été montré qu'elles peuvent modifier le comportement ultérieur de l'enfant face à la douleur (voir l'article de V. Pierrat et al. dans ce numéro). Le nouveau-né hospitalisé en réanimation subit des gestes douloureux à répétition. Barker et Rutter ont rapporté que leur nombre s'élevait à plus de 3000 chez 54 nouveau-nés admis consécutivement en réanimation néonatale et que 74 % de ces gestes étaient réalisés chez des nouveau-nés prématurés âgés de moins de 31 semaines d'aménorrhée (SA). Un enfant né au terme de 23 SA avait ainsi subi 488 gestes douloureux [5]. Cependant, la douleur liée à ces gestes n'est pas l'apanage du nouveau-né en réanimation : les enfants hospitalisés dans les unités de médecine néonatale, ou même les nouveau-nés sains en maternité, subissent également des procédures douloureuses. Nous avons étudié les dossiers de 136 nouveau-nés sains admis consécutivement dans la maternité de l'hôpital de Poissy et répertorié les gestes douloureux effectués chez ces enfants. Le nombre total des gestes douloureux était de 498, comportant 312 ponctions capillaires au talon, 178 ponctions veineuses, 5 sections du frein de la langue, et 3 vaccinations. Le nombre moyen (extrêmes) des gestes était de 3 (1-13) et 28 % d'enfants ont subi plus de 5 gestes douloureux [6]. La douleur des actes diagnostiques et thérapeutiques est considérée comme une des douleurs les plus intenses par les enfants [7]. Cependant, elle ne fait pas encore l'objet d'une prise en charge antalgique systématique. Porter et al. ont rapporté en 1997 les résultats d'une enquête réalisée aux Etats-Unis, auprès de 374 infirmières et médecins travaillant dans des services de néonatalogie et de réanimation néonatale [8]. Ces soignants étaient interrogés sur la capacité des nouveau-nés à ressentir la douleur comparée à celle de l'adulte et 63 % d'entre eux considéraient qu'elle était identique. 27 % et 10 % des soignants pensaient que la douleur était respectivement plus ou moins intense. Les moyens analgésiques médicamenteux et les mesures de réconfort étaient rarement utilisés, même pour les gestes considérés les plus douloureux. Les infirmières et les médecins souhaitaient que ces moyens soient plus fréquemment appliqués. Traiter la douleur du nouveau-né est essentiel pour plusieurs raisons : éthiques et humaines et, ensuite, pour améliorer la morbidité. En effet, la douleur peut être associée à une diminution de l'oxygénation, une instabilité hémodynamique, ou une hypertension intracranienne [9]. Les moyens utilisés pour soulager la douleur des nouveau-nés lors des actes douloureux courants peuvent être médicamenteux ou non. Nous développerons dans ce chapitre toutes les techniques de soins souvent dénommées " petits moyens " par opposition aux traitements antalgiques par paracétamol ou morphine, détaillés dans un autre chapitre (voir articles de V. Zupan et M. Feldmann dans ce numéro).