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Médecine thérapeutique

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Prise en charge psychiatrique du suicidant Volume 5, numéro 1, Janvier 1999

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Parer au risque vital encouru par le passage à l’acte d’un suicidant est une priorité médicale évidente. Identifier et traiter une affection mentale évolutive ou récurrente dont l’acte suicidaire constitue l’une des expressions pathologiques représente sans aucun doute une autre priorité, sachant que le pronostic à court ou moyen terme dépend grandement de la précocité et de la spécificité du traitement prescrit. C’est en particulier le cas des épisodes psychotiques, des troubles de l’humeur et des attaques de panique qui nécessitent l’instauration de chimiothérapies adaptées. Mais l’approche thérapeutique des conduites suicidaires ne se limite pas à ces situations. Nombre de sujets en détresse éprouvent des sentiments de "non-existence" s’enracinant dans la profondeur de leur histoire personnelle et familiale. Ceux-là sont en quête d’une place et d’une identité que les traumatismes infantiles, les événements de vie défavorables ou l’état des relations intrafamiliales ont dangereusement malmenées, voire gommées. Plus que mourir pour "disparaître", ces personnes en souffrance pensent trouver dans l’acte suicidaire une solution à leur désespérance. Soit elles se réveilleront de leur coma toxique en espérant que leur tentative de suicide entraîne des remaniements relationnels favorables, soit elles mourront et imprimeront ainsi leur place et leur identité dans la mémoire de ceux qui restent. De telles attentes, en grande partie inconscientes, doivent être désamorçées à temps par l’offre de soins destinés à permettre l’ébauche d’un travail d’élaboration psychique. L’entreprise n’est pas aisée. Mais lorsque le médecin traitant est consulté par un patient en situation de mal-être, il doit saisir cette occasion pour faciliter l’expression d’une idéation suicidaire éventuelle, proposer un soutien et, si besoin, orienter le sujet vers le spécialiste qui convient. Si cette occasion se présente lors d’un passage aux urgences après une tentative de suicide, l’évaluation médico-psychologique doit s’assortir d’échanges avec la famille et le médecin traitant, voire s’appuyer sur l’offre d’un court séjour hospitalier, pour que l’orientation ultérieure du sujet vers un thérapeute ne reste pas lettre morte. Outre la reconnaissance du sujet en souffrance, une telle démarche suppose une volonté affirmée de travail en réseau transdisciplinaire.