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Utilisation des psychotropes en pédopsychiatrie Volume 94, numéro 2, Février 2018

Bien qu’ayant profondément évolué et s’étant transformée depuis une trentaine d’années pour répondre aux attentes des usagers et des pouvoirs publics – transformation de l’hospitalisation temps plein, développement de soins à temps partiel etc. –, la pédopsychiatrie publique traverse actuellement une crise sévère et ses pratiques sont remises en cause par nombre d’associations d’usagers et ne sont pas soutenues comme elles devraient l’être par les pouvoirs publics.

Si nous comparons l’exercice de notre discipline en France par rapport à son exercice dans la majorité des pays européens, nous constatons que son haut niveau de spécialisation n’est pas reconnu à sa juste valeur. Il s’agit en effet d’un exercice très complet qui doit prendre en compte le développement de l’enfant depuis la naissance jusqu’à la fin de l’adolescence tant sur le plan développemental, que cognitif, qu’affectif. L’enfant doit être perçu d’une façon dynamique dans son développement et dans ses relations avec sa famille, avec ses pairs et avec son environnement social.

La prise en compte de ces dimensions nécessite d’avoir une approche éclectique où l’approche psychodynamique garde une place centrale. Mais, jusqu’à une époque récente, certains tenants de l’approche psychodynamique, heurtés par les pratiques de médication de psychotropes massives pratiquées outre-Atlantique, s’opposaient à la dimension plus médicale de la discipline et se montraient très réticents à prescrire. Ils ont adopté un raisonnement manichéen : la prescription médicamenteuse pourrait court-circuiter la réflexion psychodynamique. En outre nous manquons d’études sur les effets à long terme de la plupart des psychotropes prescrits chez les mineurs. Un autre aspect de cette réticence à prescrire réside dans la notion du respect du symptôme en pédopsychiatrie [1] en ce qu’il est porteur de sens et de langage exprimant la souffrance psychique de l’enfant et de son groupe familial.

Mais certains symptômes, lorsqu’ils sont installés, perturbent durablement le développement affectif et cognitif de l’enfant et imposent une réflexion sur le rapport bénéfice/risque de la prescription de psychotropes chez l’enfant.

L’effet à long terme des substances psychoactives sur le neurodéveloppement est peu connu faute d’études cliniques au long cours, ce qui est à mettre en balance avec l’impact négatif des symptômes sur le développement intellectuel.

De larges pans de la prescription, et notamment celle des psychostimulants, sont délégués aux pédiatres et neuropédiatres qui prescrivent sans articuler leur prescription avec une approche psychodynamique.

Les améliorations cliniques indéniables et les reprises évolutives apportées par certaines prescriptions ne signent pas le primat biologique des troubles, prescrire n’est pas disqualifier la psychopathologie et au contraire la prescription de psychotropes prend toute sa dimension lorsqu’elle est réalisée par un médecin ayant une formation psychodynamique et qui peut analyser les effets transféro-contre-transférentiels de sa pratique [2].

La formation des pédopsychiatres comporte peu d’enseignements spécifiques de psychopharmacologie pédiatrique et de nombreux collègues se disent mal à l’aise vis-à-vis de la prescription de psychotropes chez l’enfant ; ce qui est moins le cas en ce qui concerne les prescriptions aux adolescents.

La réappropriation par les pédopsychiatres de la prescription de psychotropes aux mineurs, leur expertise indiscutable en la matière, peut être un des éléments qui consolidera la position de notre discipline face aux attaques dont elle est l’objet.

Ce dossier a pour but de donner des outils pratiques pour la prescription de psychotropes aux mineurs en abordant successivement les aspects réglementaires – la prescription hors AMM – les aspects pharmacodynamiques puis les grandes classes de produits psychotropes et leur utilisation dans les principales pathologies.

Compte tenu de l’important volume de ce dossier, il sera publié dans deux numéros de la revue.

Liens d’intérêts

l’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

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