JLE

L'Information Psychiatrique

MENU

Psychiatres… et psychothérapeutes ? Conceptions et pratiques des internes en psychiatrie Volume 88, numéro 4, Avril 2012

Auteurs
Internes DES de psychiatrie à Paris, membre du bureau de l’AFFEP, 75012 Paris, France, Chargé de recherche HDR en sociologie de la santé mentale au CNRS, CERMES3, CNRS UMR 8211, EHESS, université Paris-Descartes, Sorbonne Paris-Cité, Inserm U988, 75006 Paris, France, Chargée de recherche en sociologie de la santé mentale au CNRS, CERMES3, CNRS UMR 8211, EHESS, université Paris-Descartes, Sorbonne Paris-Cité, Inserm U988, 75006 Paris, France

L’article présente les principaux résultats et interprétations, dans les cadres d’analyse de la sociologie des professions, d’une enquête qualitative par entretiens semi-directifs menée auprès d’internes en psychiatrie, concernant leurs conceptions et pratiques des psychothérapies et la place qu’ils leur donnent au sein de la psychiatrie. La pratique de la psychothérapie, dès lors qu’elle est définie extensivement, sans être limitée aux psychothérapies structurées, apparaît constitutive de l’identité des (futurs) psychiatres tout en suscitant des engagements d’intensité variée. Les orientations psychothérapeutiques des internes sont diverses, la pluralité des méthodes étant défendue à la fois pour elle-même, en tant que richesse et bonne pratique de la psychiatrie et parce que les internes l’estiment indispensable à leur formation. La psychanalyse n’est plus en position hégémonique et la demande par les internes d’une véritable formation à la psychothérapie dans le cursus de psychiatrie vient dans le même mouvement manifester la fin de la juridiction intellectuelle de la psychanalyse sur la psychothérapie et la volonté de lui substituer celle de la psychiatrie. Les internes ne veulent pas délaisser la pratique effective de la psychothérapie (la juridiction pratique) au profit des seuls psychologues : leur refus d’être seulement des « prescripteurs de psychothérapies » pose de fait – parce que l’histoire est faite d’« effets non recherchés » par les acteurs – la question de la limitation du marché des psychothérapies en faveur des psychiatres. Les internes en psychiatrie se veulent médecins et reconnus comme tels, mais s’estiment généralement mal reconnus par leurs collègues médecins et internes en médecine somatique. La médicalisation de la psychothérapie est susceptible de transformer les regards des médecins sur la psychothérapie dans un sens positif, mais cela impose aussi que les internes acquièrent une solide compétence en psychothérapie et reçoivent une vraie formation, de haut niveau pratique et théorique, dans ce domaine. Celle-ci ne constituerait qu’une possibilité offerte aux internes et non une obligation, tout en étant vigilant à éviter le risque d’une division des psychiatres entre des « psychiatres-psychiatres » et des « psychiatres-psychothérapeutes ». Le projet d’instaurer une formation à la psychothérapie des internes en psychiatrie comporte des enjeux qui dépassent la seule volonté de répondre au déficit de compétence des psychiatres. Il est sans doute nécessaire d’anticiper les possibles « effets non recherchés » d’un tel projet, mais sans que cela ne retarde pour autant sa mise en œuvre.