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L'Information Psychiatrique

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Le secteur comme modèle démocratique et éthique Volume 79, numéro 7, Septembre 2003

Auteur
Psychiatre des Hôpitaux, EPSMD de l’Aisne 02320 Premontré. E-mail : georges.joveletepsmd-aisne.fr
  • Page(s) : 565-8
  • Année de parution : 2003

Auteur(s) : Georges Jovelet*

* Psychiatre des Hôpitaux, EPSMD de l’Aisne 02320 Premontré. E-mail : georges.jovelet@epsmd-aisne.fr

J’ai lu avec intérêt et attention, à quelques jours de la tenue des Etats généraux de la psychiatrie, l’article de M. Eynaud publié dans la Tribune des lecteurs du numéro de mars 2003 de l’Information Psychiatrique intitulé Le secteur psychiatrique peut-il expérimenter la démocratie sanitaire [2]. 

Notre collègue développe un ensemble de thèmes, concepts, considérations très critiques sur l’état actuel de la psychiatrie et des pratiques. La démarche peut paraître surprenante dans le contexte de crise vécue et reconnue par tous, y compris de notre ministre de tutelle et des différents auteurs de rapports qui ont été publiés autour du projet Hôpital 2007. M. Eynaud y expose de façon très incisive des préjugés, des attaques, des accusations qui émanent habituellement de l’extérieur de notre champ. 

Le discours reprend à la fois la thématique, les signifiants martelés par le précédent ministre de la Santé (démocratie sanitaire, usagers, réseau, droit des patients...), mais emprunte également à la terminologie contenue dans le projet Hôpital 2007 transfuge direct du modèle libéral, je cite : l’hôpital « entreprise de soins », efficience « un itinéraire qui imposerait à la psychiatrie d’être efficiente dans son champ, les soins spécialisés efficaces... », le patient client ou ailleurs usager est surtout une valorisation et une justification appuyée de la contractualisation ! Je le cite : « Dans la démocratie sanitaire tout processus de changement passe par un processus de contractualisation » (opposé à la planification ou au projet médical). 

Ce mixage des préconisations ministérielles inclut des accents sévères de dénonciation de « l’autocratie », de la « caste », de la « nomenklatura », du « monopole » de la « hiérarchie », du « pouvoir médical» et de ses chapelles, qui empruntent par son lexique à la lutte de classe, mais aussi aux références anthropologiques l’hôpital sanctuaire, le sacré, le magico-religieux, le totem, ou issues de la métaphore militaire et des ouvrages de fortification, « à l’abri de leurs frontières ou de leurs murs », « ériger des murs », « institution centrée sur le client et non sur les murs », « territoire », « s’arc-bouter sur ses institutions et ses pouvoirs », que nous avons déjà eu l’occasion de commenter à partir des écrits de S. Kannas, et de sa « Bunkerisation de l’appareil psychiatrique » ou de propos proches de ceux d’un médecin inspecteur régional, A. Lopez [4]. Le texte contient également des formules issues du domaine juridique, dont la transposition dans nos pratiques du « débat contradictoire », la référence appuyée au droit, aux contre-pouvoirs, comme si la psychiatrie était devenue le lieu d’un affrontement juridique plus souhaité que subi. 

Je ne tenterai pas ici de saisir la logique à l’œuvre ni la portée ou la finalité de tels propos : Est-ce vraiment le moment de « charger la barque » du côté de la culpabilité, de la « rhétorique de la faute » (J.-P. Liauzu) de l’insuffisance, du manque ou de l’abus de pouvoir... ? Ce développement risque d’exacerber les malentendus, la perplexité, le malaise ressentis dans nos rangs et chez l’ensemble des soignants. 

L’article a le mérite certain d’ouvrir un débat d’idées, au sein de cette tribune de l’Information psychiatrique, une controverse probablement à prolonger lors de nos XXIIes journées scientifiques de Tours du 1er au 4 octobre prochain. 

Le texte amène en effet le lecteur à se positionner à partir de propositions idéologiques, mais aussi cliniques et éthiques sous-jacentes et que je soumettrai au commentaire. Ces avancées de notre collègue ont une portée générale à partir de grandes notions, psychiatriques, sociologiques ou politiques comportant des formules parfois peu précises ou qui nous paraissent en décalage avec la réalité. 

Je m’en tiendrai à des réponses plus ancrées sur la réalité de terrain. Notre place de praticien nous impose d’élaborer nos réflexions en s’appuyant sur la clinique et la spécificité du fait psychotique ou psychopathologique pour définir des positions générales et non de la démarche contraire... même si elles recèlent des accents de générosité et d’égalitarisme : « On pourrait légitimement se demander si la lutte contre la stigmatisation des malades mentaux ne devrait pas tout simplement être abandonnée pour se fondre dans les efforts de lutte contre l’exclusion » ou « la solidarité intégratrice nécessaire au maintien de la pleine citoyenneté pour tous ». 

La limite à la portée du texte de M. Eynaud et de son commentaire critique est contenue dans cette phrase de L. Bonnafé : « Je veux surtout souligner combien s’oppose à la déclaration arbitraire sur les mots, à la vaine agitation des totems, le sérieux de l’expérience et de la réflexion sur l’expérience, quand celle-ci porte sur les coordonnées réelles dans lesquelles évoluent la maladie et la cure... » [1]. 

La déclinaison, dans un second temps, de ce que j’appellerai les « points de réserve », terme emprunté à un récent plan de paix, dans lesquels quelques collègues pourront peut-être y reconnaître des convergences, constitue une sorte de commentaire, qui s’éloigne parfois de la lecture serrée du texte et dont la mise en série constitue une sorte de credo, repérable dans l’après coup. 

À propos de dialogue constructif, S. Freud [3], dans sa réponse à A. Einstein contenue dans le texte Warum Krieg, ensemble de considérations sur la genèse de la guerre qu’il a élaborées en 1932, considère que A. Einstein dans la formulation de sa question a dit l’essentiel, il ajoute « vous m’avez pour ainsi dire ôté le vent de la voile » ; ici je dirai dans une transposition qui se veut modeste que les formulations de M. Eynaud permettent de gonfler la voile... à savoir qu’elles permettent d’avancer dans l’élaboration de la politique de secteur, du service public et les pratiques qui s’y réfèrent.

Démocratie sanitaire, réseau, santé mentale, psychiatrie citoyenne 

Ces signifiants, promus par notre précédent ministre de la Santé comme autant d’incitations à une psychiatrie communautaire, repris et amplifiés par certains comme tenant lieu de vision moderne de la psychiatre, m’apparaissent tautologiques redondants à « l’esprit du secteur » (L. Bonnafé), c’est-à-dire à des pratiques fidèles à la doctrine sectorielle. 

Chaque ministre cherche à marquer de son empreinte son exercice : choix de conseillers techniques, rapports diligentés auprès d’experts supposés se caler sur ce que M. Eynaud nomme « les a-prioris des spécialistes professionnels », les attentes, le programme politique ou une compétence reconnue, promotions de textes et réformes, de signifiants nouveaux dont les soignants redoutent une fois de plus qu’ils n’aient que peu de conséquences sur leurs pratiques de terrain. 

Qu’apportent la série de termes précités à la pratique du secteur : rien... ils en sont un décalque qui a plus exacerbé le malaise que fait progresser la psychiatrie. 

Il est plus facile de modifier l’appareillage lexicographique, de créer quelques slogans, de grandes idées que de s’appuyer sur la force de l’expérience et de répondre aux demandes des personnes en charge du soin. 

Cette terminologie, démocratie sanitaire, etc. pourrait plus légitimement s’appliquer aux services de médecine, de chirurgie et d’obstétrique hiérarchisés (de moins en moins) fermés sur l’extérieur (mais considérons la médecine sociale, les urgences) ou la parole et l’information circuleraient mal... méfions-nous des généralisations hâtives. L’hôpital général a beaucoup évolué dans le sens de son ouverture... Si cette structure est parfois en retard sur les mutations sociales, elle n’en est pas protégée. 

Quant au secteur, il y a longtemps que nous avons effectué notre « révolution culturelle ». La démocratie est en effet contemporaine des principes de la psychothérapie institutionnelle mise en place dès les années 1936 à Fleury-les-Aubrais par G. Daumezon, puis développés à Saint-Alban durant la guerre. Place de l’associatif au sein de la structure hospitalière, collectif de soins, parole du patient, du soignant en sont les éléments marquants qui ont subverti l’institution totalitaire. 

La démocratie au sein des équipes, dans les collectifs soignants-soignés, grâce au partage du savoir, à la formation des infirmiers au travers des stages CEMEA (Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation actives à l’initiative de G. Leguillant et G. Daumezon) signent un discours de rupture, un renversement historique de la psychiatrie promus à l’après-guerre et dont nous sommes les légataires. 

C’est la naissance d’une psychiatrie progressiste où parole, droit, liberté sont au travail dans nos institutions et dans nos associations scientifiques (Société de l’information psychiatrique). Cette mise en commun des actions est présente au sein de stratégies thérapeutiques vis-à-vis des patients, dans les projets de service qui sont élaborés à plusieurs (collectifs de soin, réunions de service). 

Nous n’avons pas attendu la promulgation de la loi de la réforme hospitalière de 1991, les conseils de service pour rassembler régulièrement l’ensemble de l’équipe (ne nous a-t’on pas reproché notre « réunionnite ») ou la loi du 2 mars 2002 pour informer les patients, les familles au cas par cas en fonction de ce qu’ils pouvaient ou voulaient entendre : à l’exigence de la transparence du maître moderne s’oppose le « mi-dire » (J. Lacan) du praticien à adapter à la situation clinique. 

Le secteur est donc à la fois précurseur et modèle en matière de démocratie sanitaire ou plutôt d’espace démocratique et éthique d’où notre titre

Le réseau 

Beaucoup de soignants ont témoigné de leur perplexité face à l’émergence du terme et de son application en psychiatrie, car il convient de le rappeler, après le dispositif de lutte contre la tuberculose, le secteur constitue le modèle du réseau hôpital-ville... Cela fait 75 ans (la circulaire Rucard promouvant les consultations d’hygiène mentale date de 1937) que nous avons mis en place, puis largement développé la politique de réseau... dans le domaine premier de la maladie mentale qui s’est progressivement étendue au champ de l’alcoolisme, de la toxicomanie, à la psychiatrie de liaison, aux urgences, à la précarité-exclusion, etc. Cette politique vise le partenariat avec l’ensemble des acteurs médico-sociaux. 

Alors pourquoi complexifier ce dispositif en désignant un responsable « technicien réseau » autre que le médecin chef de secteur, en étendant le réseau à plusieurs secteurs ou en le spécialisant par entité nosographique ou tranche d’âge, c’est-à-dire par territoire ou population ciblée. 

G. Masse [5] partant du réseau en revient implicitement à la définition même et aux missions du secteur : « Dans la période de mutation forte que vit la psychiatrie en France, la question doit être posée, des perspectives ouvertes par l’outil « réseau », tout en pointant que les résistances que rencontre ce dernier, paraissent bien proches de celles que le secteur a rencontrées... En maniant les termes de « secteur » et de « réseau », il importe avant tout de parler vrai, de préciser des objectifs dont les seuls acceptables sont ceux concernant la santé mentale et la santé publique. Il ne s’agit, en aucune façon, d’imposer un instrument de maîtrise et de pouvoir, encore moins de gommer les différences et de simplifier, mais de référencer et d’articuler les actes de prévention de soins et d’insertion ».  

Pour rappel, la circulaire du 15 avril 1960 préconisait « La même équipe médico-sociale devra assurer pour tous les malades, hommes et femmes, la continuité indispensable entre le dépistage, le traitement sans hospitalisation lorsqu’il est possible, les soins avec hospitalisation et, enfin, la surveillance de post-cure ». L’unité et l’indivisibilité de la prévention, de la prophylaxie, de la cure et de la post-cure ont été proclamées dès 1945 ! 

Il y a une parité troublante entre les missions dévolues au coordonnateur du réseau de santé mentale et celles de « l’hygiéniste mental » telles que les a définies et élaborées H. Duchene dès 1959. 

La santé mentale 

L’extension de la psychiatrie vers la santé mentale ne date pas d’aujourd’hui. Le terme de psychiatrie d’extension a été conçu par B.A. Morel en 1860 attaché à un projet de « traitement moral généralisé » ! En 1959 à Tours, lors de la LVIIe session du Congrès de neurologie et de psychiatrie de langue française, les tenants de la santé mentale et de l’extrahospitalier se sont affrontés avec les défenseurs de l’intra-hospitalier, ceux-là même qui fustigeaient la dérive « sociatrique ». Ces points de divergence, cet affrontement doctrinal ont marqué la rédaction des premières circulaires sur le secteur qui n’ont retenu dans leur formulation que les mots psychiatrie et maladie mentale ; le terme santé mentale n’est apparu qu’en 1972 avec l’arrêté du 14 mars organisant « La protection de la santé mentale sur la base de la sectorisation » ou promouvant avec la circulaire du 12 décembre 1972 les « conseils de santé mentale de secteur ». La question est bien celle de notre champ de compétence, de ses limites en fonction de réflexions cliniques, éthiques, mais également celle de nos moyens ! S’agit-il de traiter de la psychiatrie étendue à la santé mentale ou de privilégier dans une visée d’utilitarisme social la santé mentale, c’est-à-dire la clinique psychosociale aux dépens du traitement de la psychose. M. Eynaud reconnaît : « les besoins en santé mentale sont infinis, la question est surtout de savoir où placer les limites. C’est d’ailleurs la logique du réseau que de tenter de définir, de négocier... ». Les partenariats naturels, médecins généralistes, justice, enseignants, police, structures médico-sociales sont à instaurer ou à développer. Le conseil de secteur est une instance à ce titre très intéressante. Mais a-t’on toujours les moyens de cette politique d’ouverture, de développement des concertations qui amplifie la file active de nos secteurs déjà saturée. 

La psychiatrie citoyenne

La formule de J.-L. Roelandt et P. Desmons [6] est heureuse, mais qu’apporte-t-elle ? La définition qu’en donne M. Eynaud : « Médecine philanthropique, laïque, gratuite et de qualité pour tous » n’emprunte-t-elle pas les qualificatifs habituellement accolés aux principes sectoriels. La psychiatrie de secteur est par définition citoyenne, car elle s’inscrit dans la cité et elle est aussi politique au sens où la polis est l’équivalent grec de la cité, de l’espace public. 

Dans la cité, le psychiatre de service public, l’équipe en place sont des acteurs de la zone démo-géographique desservie. Les contacts sont déployés avec la mairie, l’office d’HLM, les médecins généralistes, les magistrats, la police, les enseignants, les services sociaux... Les représentants du secteur ont une place institutionnelle reconnue dans la cité. 

Le psychiatre de service public intervient à la fois comme professionnel, mais aussi comme citoyen, il a des interventions dans la communauté et par la communauté, il participe au travail de réinsertion et œuvre à modifier l’image, les représentations de la psychiatrie. Parfois, il habite son secteur ou le secteur voisin, ce qui lui permet d’appréhender de plus près la réalité culturelle de « son » secteur. 

L’autre versant c’est la dimension politique de la psychiatrie : au service de qui œuvrons-nous ? des patients, des familles, de la société... Il s’agit également de réfléchir sur l’usage, l’instrumentalisation de la psychiatrie aux fins de colmatage de la crise sociale... et de la médicalisation des réponses... 

La tentation est grande de réduire toute déviance, tout dysfonctionnement social en termes de souffrance et de convoquer les équipes de secteur. « La psychiatrie citoyenne se refuse à psychiatriser les cas sociaux et le social en général. C’est pour cela qu’elle est dans le social avec les précaires, les démunis, les SDF. Elle travaille avec et dans le social, mais pas à sa place. La psychiatrie citoyenne se refuse dorénavant à remplir les failles et vider, les interstices laissés vacants pour cause de folie » [6]. 

L’art, et M. Eynaud s’appuyant sur J.-L. Roelandt le souligne, est à même de subvertir des réponses uniquement psychiatriques et de donner au soin sa véritable dimension d’avoir le souci de l’autre.. Mais n’est-ce pas étrange de lâcher l’art pour la technique chez le psychiatre et de revendiquer la création artistique pour le patient-citoyen : humaniser l’un en déshumanisant l’autre, soit d’un excès à l’autre. 

Ces signifiants nouveaux, démocratie sanitaire, réseau, santé mentale, psychiatrie citoyenne, non seulement n’apportent rien à la politique de secteur, mais contribuent à la vider de sa substance : ils s’inscrivent en concurrence ou franchement en opposition. 

En témoigne la difficulté à faire apparaître dans les écrits techniques du ministère la référence au service public, au secteur comme préambule aux travaux, aux textes, aux dépens des termes précités, en particulier le réseau. 

J’ai proposé d’aborder dans un second temps, des éléments de débat plus circonscrits, colligés sous la rubrique des « points de réserve » qui sont au nombre de treize et qui ont comme sous-titre : psychiatrie et filiation, psychiatrie et état, psychiatrie et démocratie, autocratie et autorité, pouvoir des soignants et pouvoir des soignés, psychiatrie et anti-psychiatrie, psychiatrie et société, psychiatrie et démographie, psychiatrie et sanctuaire, psychiatrie et efficience... qui, pour des raisons éditoriales, ne peuvent trouver place dans ce texte, mais sont disponibles, ainsi que la bibliographie complète sur le site du SPH (www.psychiatrie.com.fr) auquel je renvoie le lecteur : je terminerai ce commentaire à partir des trois derniers « points de réserves ».

Psychiatrie et contractualisation 

Comment peut-on se faire le chantre de la contractualisation et en même temps défendre la démocratie ? Comment peut-on brader ainsi notre statut, fruit de cent ans de luttes syndicales des aliénistes, des médecins des hôpitaux psychiatriques, puis des psychiatres des hôpitaux. 

M. Eynaud décrit d’ailleurs plus une convention qu’un contrat : Il prône « un contrat tripartite entre décideur (payeur), acteur (technicien), représentants des usagers »

N’est-ce pas ce même fonctionnement, le managed care, que dénoncent de plus en plus les psychiatres américains, dont les pratiques sont subordonnées aux organismes payeurs (les compagnies d’assurance) et aux exigences des associations d’usagers. 

Le psychiatre est réduit à un rôle de prestataire de service, contraint par les enveloppes budgétaires, les protocoles de soin et la menace de rétorsions judiciaires. 

Le contrat proposé dans le cadre du plan Hôpital 2007 est un contrat duel : directeur-médecin pour exercer une psychiatrie « efficiente », une manière d’injonction : vous ferez là et comme on vous dit de faire... Au sens juridique, du droit privé, un contrat lie deux personnes sur des obligations, des devoirs réciproques au sein d’un pacte. 

Contrat et contrainte 

Le principe du contrat par essence affaire duelle s’oppose au modèle de la démocratie qui suppose une triangulation Etat-citoyen-représentants du citoyen (les députés).

N’aliénons pas, au sens premier du terme qui consiste au fait de céder ou de perdre un bien, un droit, des libertés, notre statut garant de nos conditions d’exercice et d’une éthique du soin. 

M. Eynaud entrevoit la sujétion, la contrainte pour les équipes en charge du soin incluse dans le terme « condamnation » : « C’est une des évolutions majeures de la démocratie sanitaire que de promouvoir un droit contractuel qui aménage les intérêts différents, voire opposés, d’acteurs condamnés à participer au même ensemble, plutôt qu’un droit intégrateur, qui assurerait un droit commun ».  

Le service public jacobin, centralisateur, n’est-il pas plus garant du dispositif sectoriel, égalitaire avec répartition « sans discrimination d’ordre géographique, nosographique et ou économique » (J. Ayme) que le système de droit privé... laissé à l’initiative de personnes à même d’engendrer « la turbulence du chaos ». Le chaos, même tempéré, serait-il le nouveau modèle prôné face aux « absolus ». 

« Ce n’est pas se résigner à un scepticisme généralisé ou à un relativisme absolu, c’est placer les repères provisoires dans les turbulences du chaos, l’ordonner sans le figer »...  

Faut-il considérer avec M. Eynaud que le plan Hôpital 2007 est « un changement paradigmatique majeur : le passage de l’auto-légitimation à la contractualisation ». 

Il est certain que l’immixtion des valeurs libérales et des techniques scientifiques marque, sinon un changement de paradigme tel que l’a importé G. Lanteri-Laura dans notre champ et exploré T. Trémine [9], du moins une rupture de discours. 

Ne cédons pas aux effets de séduction, au conformisme, à la position qui consiste à se caler sur le discours de l’autre. Maintenons réserve, vigilance et esprit critique...

Expérimentation ou expérience 

Pour conclure : à la proposition du secteur comme « lieu d’expérimentation », nous opposerons l’expérience du secteur, c’est-à-dire à la fois la somme des connaissances issue de la clinique de secteur, les savoirs, les aptitudes à travailler à plusieurs, les enseignements mobilisés depuis plus de 30 ans au service de la population desservie, mais aussi un espace clinique d’observation et de recherche, un lieu de l’éthique du soin, toujours à élaborer et à préserver. 

Références

1. Bonnafé L. Intervention-discussion. In : Congrès de psychiatrie et de neurologie de langue française. LVIIe session, Tours 1959. Masson 1960.

2. Eynaud M. Le secteur psychiatrique peut-il expérimenter la démocratie sanitaire ? L’information Psychiatrique 2003 ; 79 : 203-5.

3. Freud S. Pourquoi la guerre ? In : Résultats, idées problèmes. Tome II, PUF 1985, 202-15.

4. Jovelet G. Le secteur et au-delà du secteur. L’information Psychiatrique 1999 ; 75 : 887-9.

5. Masse G. La sectorisation, ses conséquences, son avenir. In : La santé mentale des français, Lepoutre R, de Kervasdoué J, Paris : Odile Jacob, 2002.

6. Roelandt JL, Desmons P. Manuel de psychiatrie citoyenne, l’avenir d’une désillusion. Paris : Ed In Press, 2002.

7. Trémine T. De quelques ambiguïtés de la notion de paradigme en psychiatrie, penser la psychiatrie et son histoire. Les cahiers Henri Ey 2000 ; n°1 : 23-41.