JLE

Contaminants

Rayonnements ionisants

YearBook 2018

Énora Cléro

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire
Pôle Santé et Environnement-Direction de la Santé
Service de recherche sur les effets biologiques et sanitaires des rayonnements ionisants
Laboratoire d'épidémiologie des rayonnements ionisants, France

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Synthèse publiée le : 28/05/2018

SYNTHESE : Risque sanitaire associé au radon : avancées des connaissances en 2017

À ce jour, le cancer du poumon est le seul effet sanitaire démontré associé au radon. Quelques études ont observé une relation significative entre l’exposition au radon et le risque de leucémie, de cancer de la peau ou du cerveau, mais d’autres travaux sont nécessaires pour confirmer ces résultats.

Le niveau de référence de 300 Bq.m-3 comme valeur maximale tolérée de concentration annuelle moyenne en radon remplacera les niveaux d’action de 400 et 1 000 Bq.m-3 actuellement en vigueur dans le dispositif de gestion du radon : son application est prévue en 2018.

 

Cette synthèse décrit l’avancée des connaissances sur le radon dans le domaine de la santé, sur la base des publications de 2017. Le radon est classé cancérogène pulmonaire certain chez l’humain par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé [1]. Le radon est un gaz radioactif d’origine naturelle issu de la désintégration de l’uranium présent dans la croûte terrestre et plus particulièrement dans les roches granitiques ou volcaniques. En s’échappant du sol, le radon se dilue rapidement dans l’air extérieur, mais il peut atteindre des concentrations élevées dans des lieux confinés tels que les grottes, les mines souterraines ou encore les habitations mal ventilées. De ce fait, l’ensemble de la population est naturellement exposé au radon à des niveaux de concentration variables selon la géologie du territoire et les caractéristiques de l’habitat.

Actuellement, le cancer du poumon est le seul effet sanitaire démontré associé au radon [1]. En effet, de nombreuses études épidémiologiques, réalisées chez les mineurs d’uranium et en population générale, ont montré que l’exposition cumulée au radon et à ses descendants entraînait une augmentation du risque de cancer du poumon chez l’adulte. Certaines études ont suggéré une association entre l’exposition au radon et le risque de leucémie, mais son existence n’est pas confirmée à ce jour. Quelques études ont également analysé l’association entre l’exposition au radon et la survenue d’autres maladies telles que le cancer de la peau ou le cancer du cerveau, mais avec des résultats discordants.

 

Exposition au radon et risque de cancer de la peau

Dernièrement, une étude suisse a été publiée sur le risque de cancer de la peau associé à l’exposition au radon et aux rayons ultraviolets (UV) [2]. Après l’Australie et la Nouvelle-Zélande, la Suisse est le troisième pays au monde à avoir le taux d’incidence de mélanomes malins le plus élevé : 20,3 cas de mélanome malin pour 100 000 habitants en Suisse en 2012 contre 10,2 pour 100 000 habitants en France. Une explication pourrait être l’exposition importante aux UV à haute altitude due au relief montagneux de la Suisse et/ou l’exposition élevée au radon due à la géologie du pays. De ce fait, l’objectif de cette étude était d’analyser les effets de l’exposition aux rayonnements UV et au radon sur la mortalité par cancer de la peau en Suisse, en distinguant les mélanomes malins des autres cancers de la peau. Le risque de décès par mélanome malin à 60 ans augmente de 16 % (IC à 95 % : 4 - 29 %) par 100 Bq.m-3 de radon et de 11 % (1 - 23 %) par W.m-2 en dose UV. Les auteurs de cette étude suisse concluent que les expositions au radon et aux UV sont deux facteurs de risque importants du cancer de la peau. Les rayons UV sont un facteur de risque reconnu du mélanome, avec un lien très fort avec la pigmentation de la peau, mais il existe encore trop peu de preuves scientifiques sur la relation entre les rayonnements ionisants et le mélanome. Quelques études ont analysé l’association entre les radiations et le risque de cancer cutané, mais les résultats sont discordants. Bien que l’estimation de l’exposition au radon soit peu décrite, cette analyse apporte des connaissances supplémentaires sur la relation entre la mortalité par cancer de la peau (mélanome malin et non mélanome) et l’exposition au radon et aux rayons UV. Cependant, ces résultats méritent d’être confirmés par d’autres études.

 

Exposition au radon et risque de cancer du cerveau

Il existe peu d’information sur les facteurs de risque du cancer du cerveau. L’un des facteurs de risque les plus établis est l’exposition aux rayonnements ionisants [1], en particulier issue de l’imagerie médicale. Selon les auteurs, il est donc biologiquement plausible que l’exposition au radon puisse augmenter le risque de tumeur cérébrale. Toutefois, très peu d’études ont analysé la relation entre le radon et le cancer du cerveau. En 2017, une étude écologique a été publiée sur l’association entre la concentration en radon et la mortalité par cancer du cerveau en Galice, en Espagne [3]. Le risque relatif de décéder d’une tumeur cérébrale a été estimé pour chacune des 251 municipalités incluses dans cette étude. Une corrélation significative a été observée entre l’exposition au radon dans l’habitat et la mortalité par cancer du cerveau chez les hommes (R = 0,29 ; p < 0,001) et chez les femmes avec une corrélation plus élevée (R = 0,51 ; p < 0,001). Cette étude suggère une association entre la mortalité par cancer du cerveau et l’exposition au radon domestique ; cependant, elle ne permet pas de conclure à une relation de cause à effet. Ces résultats doivent donc être interprétés avec précaution. Pour confirmer cette association entre le radon et le risque de cancer du cerveau, il est nécessaire de réaliser davantage de recherches utilisant des concepts épidémiologiques plus robustes tels que les études étiologiques (études de cohorte ou études cas-témoin). D’autres recherches utilisant des concepts expérimentaux sont également nécessaires pour justifier l’hypothèse biologique selon laquelle l’exposition au radon pourrait augmenter le risque de tumeur cérébrale.

Une nouvelle cohorte internationale PUMA (Pooled Uranium Miners Analysis) est en cours d’élaboration et devrait inclure plus de 100 000 mineurs exposés au radon au sein de sept cohortes issues de cinq pays différents (Allemagne, France, République Tchèque, États-Unis, Canada). Cette cohorte devrait notamment permettre d’apporter des éléments de réponse supplémentaires concernant l’association entre l’exposition au radon et la mortalité par cancer de la peau ou du cerveau chez les mineurs d’uranium.

 

Prévention du risque radon

En France, lorsque la concentration en radon moyenne annuelle dépasse 400 Bq.m-3 dans les établissements recevant du public (ERP - établissements scolaires, thermaux, pénitentiaires et médicosociaux avec fonction d’hébergement [hôpitaux, maisons de retraite]), les responsables doivent prendre des mesures pour réduire l’exposition au radon ; au-delà de 1 000 Bq.m-3, des mesures doivent être prises « sans délai ». Ce dispositif de gestion du radon dans les ERP est actuellement en cours de révision : conformément à la directive 2013/59/Euratom [4], le niveau de référence de 300 Bq.m-3 va remplacer les niveaux d’action de 400 et 1 000 Bq.m-3 actuellement en vigueur. Le travail de transposition de la directive européenne est en voie d’achèvement dans les états-membres de l’Union européenne ; son application en France est prévue en 2018. Il n’existe pas de réglementation en France pour l’habitat privé. La mesure de radon n’est pas une obligation, mais la politique actuelle encourage le recensement des logements dans lesquels les concentrations moyennes annuelles en radon dépassent 300 Bq.m-3 et préconise, le cas échéant, la mise en œuvre de solutions techniques pour abaisser le niveau de radon dans ces logements [5].

Liens d’intérêts : aucun

 

Références

[1]    IARC (International Agency for Research on Cancer). IARC monographs on the evaluation of carcinogenic risks to humans, Volume 100D : A review of human carcinogens - Part D : Radiation. Lyon : France, 2009 ; 363 p.

[2]    Vienneau D, de Hoogh K, Hauri D, et al. Effects of radon and UV exposure on skin cancer mortality in Switzerland. Environ Health Perspect 2017 ; 125 : 067009.

[3]    Ruano-Ravina A, Aragonés N, Kelsey KT, et al. Residential radon exposure and brain cancer : an ecological study in a radon prone area (Galicia, Spain). Sci Rep 2017 ; 7 : 3595.

[4]    Directive 2013/59/Euratom du Conseil du 5 décembre 2013 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants et abrogeant les directives 89/618/Euratom, 90/641/Euratom, 96/29/Euratom, 97/43/Euratom et 2003/122/Euratom.

[5]    Rannou A. Le nouveau cadre réglementaire pour le radon. Journée technique de la société française de radioprotection (SFRP) sur la « Transposition de la directive européenne sur la radioprotection ». 21 novembre 2017. URL : http ://www.sfrp.asso.fr/medias/sfrp/documents/manifestations/Journees_techniques_/2017_11_21/S3 %20b %20- %20RANNOU %20A.pdf