JLE

ANALYSE D'ARTICLE

Particules fines et mortalité par cancer du sein en Lombardie

Cette étude dans une région d’Italie septentrionale marquée par une forte pollution atmosphérique est la deuxième à montrer un lien entre l’exposition aux PM2,5 et la mortalité par cancer du sein, suggérant que le niveau des particules fines aurait non seulement un effet sur l’incidence de ce cancer, mais aussi sur la survie des femmes atteintes.

This study in a region of northern Italy where air pollution is dense is the second to show a link between PM2.5 exposure and mortality from breast cancer. It suggests that the level of fine particles may have an effect not only on the incidence of breast cancer, but also on the survival of affected women.

L’étude a été conduite dans la province Italienne de Varèse, située dans la plaine du Pô entourée de montagnes, où la pollution atmosphérique tend à stagner. Le niveau des PM2,5 provenant principalement de sources non industrielles (transports, chauffage résidentiel) y est l’un des plus élevés au monde. Cette province densément peuplée (731,4 habitants par km2) est également caractérisée par un fort taux d’incidence du cancer du sein (89,3 cas pour 100 000 femmes en 2012). Elle dispose d’un registre des cancers de haute qualité, relié à d’autres bases de données médico-administratives de la province (fichier de la sécurité sociale, registre de mortalité) pour le suivi de l’état de santé et du statut vital des patients.

Pour les années 2003 à 2009, ce registre mentionne 2 021 cas incidents de cancers du sein diagnostiqués chez des femmes âgées de 50 à 69 ans sans antécédent de cancer. Le suivi de cette population montre qu’à la date du 31 décembre 2013, 325 femmes sont décédées, dont 246 des suites de leur cancer du sein (soit un taux de mortalité de 12,2 %).

De façon attendue, le pronostic vital est associé au stade de la maladie lors du diagnostic (par rapport au stade I, le hazard ratio [HR] de décès est de 3,21[IC95 : 1,98-5,21] au stade II, de 13,31 au stade III et de 75,94 au stade IV), ainsi qu’au grade histologique de la tumeur (grade II versus grade I : HR = 5,43 [1,72-17,13] ; grade III : HR = 14,06). Le risque de décès est considérablement réduit (HR = 0,29 [0,2-0,41]) chez les femmes qui participaient au dépistage systématique (représentant un tiers de la population) et qui ont pu être diagnostiquées plus tôt. En revanche, la période du diagnostic (2003 à 2006 ou 2007 à 2009) et l’âge de la femme (50 à 59 ans ou 60 à 69 ans) n’influencent pas de manière significative la mortalité. Ces covariables ont néanmoins été contrôlées avec le stade de la maladie, le grade tumoral et la participation au dépistage, pour l’analyse de l’effet de l’exposition aux PM2,5. D’autres facteurs individuels (mode de vie incluant la consommation de tabac et d’alcool, comorbidités) susceptibles d’influencer la survie des patientes, n’ont pas été contrôlés, ce qui représente une faiblesse de l’étude rapportée dans l’article.

Estimation de l’exposition

Les auteurs ont choisi d’utiliser les données de concentration de PM2,5 au sol établies à partir des informations fournies par les satellites d’observation de la planète (épaisseur optique de l’atmosphère mesurée par spectroradiométrie), combinées à la modélisation de l’aérosol (modèle de chimie-transport atmosphérique).

Ces données présentaient l’intérêt de couvrir l’ensemble du territoire étudié (alors qu’il ne compte que quatre stations fixes de surveillance de la qualité de l’air mesurant les PM2,5) par dalle de 10 × 10 km. Ce niveau de résolution a été considéré représentatif de l’exposition résidentielle « large », tenant compte du rayon de déplacement habituel autour du domicile. La valeur de concentration des PM2,5 attribuée à chaque femme était la médiane des concentrations annuelles des trois années encadrant et incluant celle du diagnostic (par exemple 2005, 2006 et 2007 pour un diagnostic en 2006), dans la zone de 10 × 10 km contenant son adresse.

Comme pour toute méthode fondée sur l’adresse résidentielle, sa fiabilité est limitée par l’absence de prise en compte du temps passé en dehors de la zone d’exposition considérée. Par ailleurs, un changement d’adresse postérieur au diagnostic avait été enregistré pour 101 femmes (5 % de la population) : le suivi a été arrêté à la date du déménagement pour les 11 participantes ayant quitté la province de Varèse, les 90 autres ayant changé d’adresse à l’intérieur de la province (ce qui a pu modifier leur exposition) sont restées dans la cohorte.

Influence sur la mortalité

L’exposition a été classée en quatre niveaux correspondant aux quartiles de la distribution des concentrations de PM2,5, le premier (moins de 21,1 μg/m3) étant pris pour référence. Un excès de mortalité du même ordre de grandeur est observé pour les trois niveaux supérieurs : HR égal à 1,82 (IC95 : 1,15-2,89) dans le deuxième quartile (de 21,1 à moins de 24,2 μg/m3), à 1,73 (1,12-2,67) dans le troisième (de 24,2 à moins de 26,5 μg/m3) et à 1,72 (1,08-2,75) dans le dernier (≥ 26,5 μg/m3).

Ces résultats corroborent ceux de l’unique étude préexistante comparable, conduite en Californie dans une vaste population de cas de cancers du sein diagnostiqués entre 1999 et 2009, qui montrait une augmentation linéaire du risque de décès avec l’exposition aux PM2,5 (HR = 1,86 [1,12-3,10] par incrément de 5 μg/m3). La fourchette des concentrations atmosphériques était toutefois nettement plus basse que dans cette étude, la catégorie de référence correspondant à une concentration inférieure à 11,64 μg/m3 et la catégorie supérieure à une valeur ≥ 15,04 μg/m3.

Deux autres approches statistiques ont été utilisées pour examiner l’effet de l’exposition aux PM2,5 sur la survie (courbe de Kaplan-Meier) ou le risque cumulé de décès (courbe de Nelson-Aalen) au cours du temps. Leurs résultats confirment ceux de l’analyse multivariée.

Même si la poursuite des travaux (épidémiologiques et mécanistiques) est nécessaire pour confirmer et expliquer l’effet de l’exposition aux particules atmosphériques sur la survie dans le cancer du sein, les auteurs estiment que leurs résultats, cohérents avec ceux de l’étude californienne, et s’ajoutant aux autres preuves de la nocivité des particules pour la santé, renforcent la nécessité pressante de réduire l’exposition des populations.


Publication analysée :

* Tagliabue G1, Borgini A, Tittarelli A, et al. Atmospheric fine particulate matter and breast cancer mortality: a population-based case-control study. BMJ Open 2016; 6: e012580.doi: 10.1136/bmjopen-2016-012580

1 Cancer Registry Unit, Fondazione IRCCS Istituto Nazionale dei Tumori, Milan, Italie.