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ANALYSE D'ARTICLE

Exposition aux PM2,5 et affections cérébrales : revue de la littérature et méta-analyses

L’hypothèse d’une toxicité des particules fines pour le système nerveux central est renforcée par cet article de synthèse intégrant 80 études provenant de 26 pays, qui indique que l’exposition contribue à augmenter le risque d’accident vasculaire cérébral, mais aussi de troubles du spectre de l’autisme, de maladie de Parkinson et de démence.

Après avoir atteint les alvéoles pulmonaires, les plus petites particules atmosphériques ou leurs composants solubles peuvent entrer dans la circulation générale, traverser la barrière hémato-encéphalique et induire dans les tissus cérébraux un stress oxydant et une réaction inflammatoire susceptibles de participer à divers processus pathologiques.

Sur ces bases mécanistiques, des études épidémiologiques sont menées pour examiner la relation entre l’exposition aux PM2,5 et les accidents vasculaires cérébraux (AVC), des maladies neurodégénératives et des troubles du neurodéveloppement. La littérature relative aux AVC a déjà fait l’objet de quatre articles de synthèse dont les conclusions sont assez peu éclairantes pour l’équipe chinoise à l’origine de ce nouveau travail de méta-analyse, qui note une sous-représentation des études provenant de pays fortement pollués. Leur publication comble par ailleurs le manque d’article de synthèse dans le champ des maladies neurodégénératives et s’ajoute à une première méta-analyse des effets de l’exposition aux PM2,5 sur le risque de troubles du spectre de l’autisme (TSA).

Études incluses

Deux bases de données (PubMed et CNKI [China National Knowledge Infrastructure]) ont été interrogées à la recherche d’études originales publiées jusqu’en juin 2018 (en anglais ou en chinois) rapportant l’impact de l’exposition aux PM2,5 sur le risque d’AVC, de TSA ou de maladie neurodégénérative. Sur près de 1 500 articles identifiés, 80 études répondant aux critères d’inclusion ont finalement été conservées, dont 27 études de cohortes (affichant une durée de suivi allant jusqu’à 21 ans), 26 de type cas-croisé, 16 séries chronologiques, huit études transversales et trois de type cas-témoins.

Les AVC avaient fait l’objet de 56 études. Six concernaient les TSA, 9 le trouble cognitif léger et 9 autres rapportaient des associations entre l’exposition aux PM2,5 et l’une ou plusieurs des pathologies suivantes : la maladie de Parkinson, la démence et la maladie d’Alzheimer.

La majorité des investigations provenait d’Amérique du Nord ou d’Europe, mais la sélection comportait également des études réalisées dans des régions du globe où le niveau des PM2,5 dépasse habituellement 25 μg/m3 (concentration massique moyenne des 24 h) selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle incluait ainsi 12 études menées en Chine (dont deux à Hong Kong), cinq à Taïwan, et une pour chacun des pays suivants : Inde, Russie, Chili, Mexique, Ghana et Afrique du Sud.

La qualité méthodologique a été jugée bonne dans l’ensemble, avec un score moyen de 8,13 sur une échelle d’évaluation à 10 points. Seules 9 études ont obtenu un score inférieur ou égal à 5 ; leur exclusion n’a pas modifié de façon notable les résultats des méta-analyses, qui sont exprimés sous forme d’odds ratio (OR) pour une augmentation d’une unité standardisée (10 μg/m3) de la concentration des PM2,5.

Estimations produites

L’exposition augmente le risque de survenue d’un AVC (OR [données d’incidence]) = 1,02 [IC95 : 1,01-1,02]), de décès par AVC (OR [données de mortalité] = 1,14 [1,11-1,17]), de TSA (OR = 1,68 [1,20-2,34]), de maladie de Parkinson (OR = 1,34 [1,04-1,73]) et de démence (OR = 1,16 [1,07-1,26]). L’estimation concernant la maladie d’Alzheimer, produite à partir des associations rapportées par trois études seulement, est assortie d’un très large intervalle de confiance (OR = 3,26 [0,84-12,74]). L’exposition n’apparaît pas influencer le risque de trouble cognitif léger (OR = 0,98 [0,96-1,01]).

Les données relatives aux AVC étaient suffisamment nombreuses pour des méta-analyses stratifiées selon la durée de l’exposition aux PM2,5, d’une part, et selon son intensité, d’autre part. Au titre de la durée, les études de cohortes, considérées fournir des résultats représentatifs des effets à long terme de l’exposition, ont été séparées des études suivant d’autres schémas, considérées comme des études à court terme. Au titre de l’intensité, deux groupes ont été constitués sur la base de la cartographie de l’OMS : l’un, rassemblant les études provenant de pays faiblement à modérément pollués (concentration moyenne des PM2,5 < 25 μg/m3), l’autre, les études intéressant des populations vivant dans des pays très pollués (PM2,5 ≥ 25 μg/m3).

L’exposition à court terme est associée à une augmentation du risque de survenue d’un AVC (OR = 1,01 [1,01-1,02]) et de décès par AVC (OR = 1,02 [1,01-1,04]). Les estimations correspondantes pour l’exposition à long terme sont plus fortes : OR respectivement égaux à 1,14 (1,08-1,21) et 1,15 [1,07-1,24]). L’effet d’une augmentation de 10 μg/m3 du niveau des PM2,5 sur l’incidence de l’AVC est plus prononcé dans les pays très pollués (OR = 1,02 [1,01-1,04]) qu’ailleurs (OR = 1,01 [1-1,02]). Les données de mortalité en provenance des pays en proie à une forte pollution étaient trop limitées pour une comparaison sur cet événement sanitaire.

L’ensemble dessine une relation dose-réponse cohérente, mais elle ne repose que sur la concentration massique des particules dont la composition peut grandement varier d’une localisation à l’autre, leur conférant une toxicité plus ou moins importante. Ce paramètre pourrait être l’une des sources d’hétérogénéité entre les études, avec l’âge moyen de la population incluse, unique facteur explicatif ressortant de la méta-régression (pertinent pour la variabilité des effets de l’exposition sur l’incidence des AVC ainsi que les risques de démence et de maladie d’Alzheimer) qui n’identifie pas d’influence notable du type d’étude, de la taille de la population et de la concentration moyenne des PM2,5.


Publication analysée :

* Fu P1, Guo X, Cheung FMH, Yung KKL. The association between PM2.5 exposure and neurological disorders: a systematic review and meta-analysis. Sci Total Environ 2019 ; 655 : 1240-8. doi : 10.1016/j.scitotenv.2018.11.218

1 Department of Biology, Hong Kong Baptist University, Hong Kong, Chine.