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Virologie

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Un vaccin contre les virus Ebola et Marburg : des résultats prometteurs Volume 9, numéro 5, septembre-octobre

Auteur
Laboratoire de virologie CHU Bicêtre

Auteur(s) : C. Pallier

Laboratoire de virologie CHU Bicêtre

Les titres des articles publiés dans Nature Medecine et dans le New England Journal of Medecine montrent bien que la guerre est déclarée aux filovirus. En 2000, un premier vaccin expérimental (DNA prime-ADV boost) a été élaboré exprimant la glycoprotéine d’enveloppe et la nucléoprotéine du virus Ebola Zaïre (Zebov), sous-type le plus virulent. Mais plus de 6 mois se sont avérés nécessaires pour la mise en place d’une immunité spécifique chez des primates non humains. Or, le virus tuant en 1 à 2 semaines, le vaccin doit agir vite pour contenir l’épidémie. Un vaccin d’action plus rapide a été développé 3 ans plus tard, utilisant toujours l’adénovirus humain. La présence d’anticorps neutralisants dirigés contre ce vecteur chez 40 à 60 % de la population limite toutefois l’utilisation de cette stratégie vaccinale. Pour le virus Marburg (Marv), les résultats les plus encourageants ont été obtenus dans un modèle simien avec un vaccin exprimant la glycoprotéine d’enveloppe par l’intermédiaire d’un alphavirus.

Jones et al. [1] ont choisi d’utiliser le virus de la stomatite vésiculeuse (VSV) comme vecteur car, l’infection à VSV étant rare chez l’homme, le risque d’immunité dirigée contre le vecteur est faible. De plus, il pourrait être éventuellement administré par voie orale. La glycoprotéine d’enveloppe du VSV a été remplacée par celle de Zebov ou de Marv, ce qui permet d’une part d’éviter la production d’anticorps dirigés contre le VSV (et peut être intéressant si l’on est amené à utiliser plusieurs vaccins utilisant ce même vecteur) et, d’autre part, de diriger la machinerie virale vers les cellules cibles des filovirus qui sont les cellules du système réticulo-endothélial. Un total de 12 macaques cynomolgus a reçu par voie intramusculaire une dose unique de 107 pfu de VSV recombinant, 6 ont été vaccinés par VSVΔG/ZebovGP et 6 par VSVΔG/MarvGP. Aucun animal n’a présenté de signe clinique d’infection. Des échantillons sanguins et divers écouvillonnages ont été analysés. Le VSVr a été détecté au niveau plasmatique à J2 post-vaccination chez 10 singes et dans un seul prélèvement périphérique, au niveau nasal, à J6. Les virémies observées s’expliquent probablement par une réplication localisée du VSVr ; néanmoins aucun argument ne permet de dire que la transmission du VSVr est possible. À J28, les singes ont été infectés à la dose de 103 pfu par Zebov ou par Marv. Les singes immunisés par VSVΔG/ZebovGP ont survécu à l’infection par Zebov, de même ceux immunisés par VSVΔG/MarvGP ont survécu à l’infection par Marv. Les résultats montrent également l’absence de protection croisée entre les deux membres de la famille des Filoviridae.

Les auteurs ont étudié la réponse immunitaire pour tenter de comprendre les mécanismes de protection contre les filovirus. Leurs résultats suggèrent que le contrôle de l’infection par Ebov est médié à la fois par la réponse humorale et par la réponse cellulaire. En revanche, la protection contre Marv semble corrélée à la seule induction de la réponse humorale car les lymphocytes T CD4+ et CD8+ spécifiques de la glycoprotéine de Marv ne sont pas détectés. Par ailleurs, les 4 singes immunisés contre le sous-type Zaïre ont été infectés par le sous-type Soudan, 3 sont décédés et 1 a survécu. Toutefois, la survie de ce dernier n’est pas forcément liée à la vaccination, l’infection du macaque par Zebov n’étant pas toujours létale. Au contraire, tous les singes immunisés contre Marv souche Musoke et infectés par Marv souche Popp ont survécu. De tels résultats étaient attendus puisque l’homologie de séquences au niveau des glycoprotéines n’est que de 37 à 41 % entre les deux sous-types de Zebov alors qu’elle est de 93,9 % entre les deux souches de Marv. L’innocuité de ces vaccins vivants atténués doit être maintenant plus précisément évaluée avant de poursuivre les essais chez l’homme. Si l’intérêt de cette stratégie vaccinale se confirme, elle pourrait être envisagée pour d’autres virus.

S. Baize, dans la rubrique News and Views de Nature Medecine [2], souligne que les épidémies surviennent le plus souvent dans des villages reculés, sans structure médicale, et s’étendent avant l’arrivée de l’aide médicale et l’isolement des personnes infectées. La vaccination semble donc être le meilleur moyen, si ce n’est le seul, pour lutter contre cette menace émergente. C.J. Peters, dans la rubrique Perspective du New England Journal of Medecine [3], soulève également le problème de la détection précoce des cas initiaux. L’absence de test diagnostique réalisable sur place fait que le virus se propage dans la population pendant des semaines, voire des mois, avant d’être isolé et identifié. En milieu hospitalier, le principal mode de transmission devient la voie parentérale. Dans les pays pauvres, la réutilisation du matériel d’injection à usage unique est une véritable catastrophe ; ne supportant pas la chaleur, ce matériel est juste rincé. Quand la stérilisation est possible, elle est de toute façon difficilement envisageable pour des raisons logistiques. Le personnel soignant subit également les conséquences de ces épidémies par manque de protection, n’utilisant ni gant, ni blouse. Agir au quotidien à ces niveaux limiterait en partie les épidémies qui sont principalement hospitalières. Si la transmission par aérosol a été démontrée au laboratoire, elle ne semble jouer aucun rôle dans la transmission interhumaine ; c’est néanmoins un danger potentiel dont il faut avoir conscience. L’auteur rappelle que non seulement les filovirus sont des virus à ARN, génétiquement variables, mais que plusieurs protéines virales leur permettent d’échapper au système immunitaire. C’est peut-être finalement d’antiviraux dont on a le plus besoin.

Références

1. Jones SM, Feldmann H et al. Live attenuated recombinant vaccine protects nonhuman primates against Ebola and Marburg viruses. Nature Med 2005 ; 11 : 786-90.

2. Baize S. A single shot against Ebola and Marburg virus. Nature Med 2005 ; 11 : 720-1.

3. Peters CJ. Marburg and Ebola : arming ourselves against the deadly Filoviruses. N Engl J Med 2005 ; 2571-3.