JLE

Virologie

MENU

Un système de culture efficace pour le virus de l’hépatite C en vue Volume 9, numéro 5, septembre-octobre

Auteur
Laboratoire de virologie Inserm U635 Hôpital Henri‐Mondor Créteil

Auteur(s) : Y. Morice

Laboratoire de virologie Inserm U635 Hôpital Henri-Mondor Créteil

Depuis sa caractérisation en 1989, les scientifiques ont réalisé d’intensives recherches permettant d’avoir une connaissance suffisamment précise du virus de l’hépatite C (HCV). L’épidémiologie de l’infection qu’il provoque, sa variabilité génétique intrinsèque lui conférant une grande capacité d’adaptation aux pressions de l’environnement, ainsi que ses interactions avec les cellules du foie et du système immunitaire sont des domaines aujourd’hui bien explorés. Cependant, une compréhension complète des différentes étapes du cycle viral demeurait jusqu’à maintenant difficilement accessible du fait de l’absence d’un système de culture in vitro efficient du VHC limitant le développement de molécules antivirales efficaces en vue de son éradication, ce qui, à ce jour, ne peut s’observer que chez 50 % en moyenne des patients infectés, grâce aux thérapeutiques reposant sur l’administration d’interféron et de ribavirine.

Un pas décisif vient d’être récemment franchi dans le domaine de la culture in vitro du HCV. En effet, trois équipes ont publié séparément au début du mois de juin leurs travaux décrivant la production de particules virales infectieuses en culture cellulaire : l’équipe de Ralf Bartenschlager à Heidelberg (Allemagne), l’équipe dirigée par Franck Chisari au Scripps Research Institute à La Jolla (Californie) et l’équipe de Charles Rice (Rockefeller University, New York) ont étudié le même isolat viral et à partir de lignées cellulaires équivalentes.

Les bases de la culture in vitro du HCV ont été posées il y a de cela quelques années par l’équipe de R. Bartenschlager après la mise au point du système « réplicon ». La transfection d’ARN viral génomique ou subgénomique (comportant la région codant pour les protéines non structurales impliquées dans le complexe de réplication virale) dans la lignée d’hépatocarcinome humain Huh7 aboutissait à la réplication in vitro du génome viral, et ce, à des niveaux élevés. Cependant, le système « réplicon » présentait trois problèmes majeurs : 1) la réplication ne survenait que dans un faible nombre de lignée cellulaire ; 2) la réplication efficace des réplicons complets ou subgénomiques dans les Huh7 ou autres lignées cellulaires impliquait l’apparition de mutations adaptatives dans le génome ARN viral ; 3) le cycle viral demeurait incomplet puisque aucune particule virale n’était produite. Pour des raisons obscures, il semblerait que les mutations adaptatives aient un effet délétère pour la production de particules virales.

Une équipe japonaise, dirigée par T. Wakita [1], a par la suite développé un réplicon subgénomique de génotype 2a (isolat JFH1), ayant la capacité de se répliquer efficacement dans les cellules Huh7 sans l’apparition de mutations adaptatives.

T. Wakita collabora par la suite avec l’équipe de R. Bartenschlager afin d’étudier les conséquences de la transfection du génome complet de l’isolat JFH1 dans les cellules Huh7. Il put ainsi mettre en évidence la production de particules virales infectieuses dans le surnageant de culture. Cependant, le système nécessitait d’être amélioré du fait de la quantité limitée de virus produits et de la propagation restreinte du VHC en culture.

Les améliorations ont été apportées par les équipes de F. Chisari [2] et C. Rice [3], avec l’utilisation d’une lignée cellulaire dérivée de Huh7 (le clone Huh7.5), particulièrement permissive pour la réplication du HCV. L’équipe de F. Chisari, avec la collaboration de T. Wakita, a étudié le même génome complet de l’isolat JFH1, alors que l’équipe de C. Rice a construit un génome complet chimérique de génotype 2a, comportant la région structurale ainsi que les régions codant les protéines p7 et NS2 de l’isolat J6 suivies de la région non structurale (NS3 à NS5B) de l’isolat JFH1.

Les cellules Huh7.5 permettaient aussi d’obtenir une forte réplication virale qui entraînaient des rendements de production parfois 50 fois plus élevés, ainsi qu’une meilleure propagation de l’infection en culture in vitro. En outre, le pouvoir infectieux des particules virales produites était conservé après de multiples passages en culture.

Une limitation subsiste cependant, puisque le système développé ne permet actuellement d’étudier qu’un seul des 6 génotypes du HCV. De plus, la question concernant la particularité de cet isolat JFH1 demeure en suspens. Les réponses résident probablement dans la région non structurale du génome, seule partie commune étudiée conjointement par les trois équipes.
Au-delà de ces remarques, le système est prometteur pour l’étude des premières étapes du cycle viral, les étapes d’attachement et d’entrée du virus. En effet, les expériences de neutralisation de l’infection réalisées séparément par les trois équipes ont conforté l’importance du rôle de la glycoprotéine d’enveloppe E2 du HCV, ainsi que celui de la tétraspanine CD81 dans l’entrée virale. De plus, les expériences préliminaires conduites ont démontré la robustesse du système pour évaluer l’efficacité de molécules antivirales spécifiques en cours de développement ou en devenir.
Ces travaux voient probablement l’entrée du HCV dans une ère de virologie classique.

Références

1. Wakita T, Pietschmann T, Kato T, et al. Production of infectious hepatitis C virus in tissue culture from a cloned viral genome. Nature Med 2005 ; 11 :791-6.

2. Zhong J, Gastaminza P, Cheng G, et al. Robust hepatitis C virus infection in vitro. Proc Natl Acad Sci USA 2005 ; 102 : 9294-9.

3. Lindenbach BD, Evans MJ, Syder AJ, et al. Complete replication of hepatitis C virus in cell culture. Science 2005 ; 309 :623-6.