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Les micro‐ARN : un nouveau système de défense antiviral chez les mammifères Volume 9, numéro 5, septembre-octobre

Auteur
Laboratoire de bactériologie‐virologie Faculté de médecine Jacques Lisfranc CHU Saint‐Etienne

Auteur(s) : S. Pillet

Laboratoire de bactériologie-virologie Faculté de médecine Jacques Lisfranc CHU Saint-Etienne

Le RNA silencing ou RNA interference (ARNi) induit la suppression de l’expression d’un gène par l’intermédiaire d’interactions spécifiques entre la séquence de l’ARN cible et des petits ARN de 21 à 24 nucléotides. Ces oligonucléotides sont produits à partir d’ARN double brin par une ribonucléoprotéase cellulaire appelée Dicer. L’oligonucléotide dirige ensuite le complexe ribonucléoprotéique RISC (RNA-induced silencing complex) sur l’ARN du gène cible et induit sa dégradation. Deux types d’oligonucléotides peuvent être dissociés : les siARN (silencing interfering RNA), qui proviennent d’ARN double brin exogènes (viraux ou issus des biotechnologies), et les miARN (microARN), d’origine cellulaire. Le phénomène de ARNi a d’abord été observé dans le monde végétal où il représente un système de défense antiviral très efficace. Il a ensuite été rapporté chez d’autres organismes eucaryotes, y compris l’homme, où les miARN interviennent dans la régulation de l’expression des gènes, notamment au cours du développement.

Le rôle de l’ARNi dans la défense des cellules de mammifère contre les virus n’avait jusqu’à présent pas été démontré, même si des miARN d’origine virale ont été identifiés dans des cellules infectées par différents virus de la famille des Herpesviridae sans que leur rôle ne soit clairement identifié [1, 2]. Récemment, Lecellier et al. [3] ont observé que le génome du virus foamy de type 1 (PFV1), spumarétrovirus de primate, pouvait être la cible d’un miARN humain. En appliquant des outils de virologie végétale à des cellules de mammifère, ils ont montré que l’expression virale, limitée dans les cellules 293T, augmente lorsque les cellules surexpriment la protéine P19 du TBSV (pour tomato bushy stunt virus), protéine capable de se fixer aux ARNsi et miARN et donc d’inhiber l’ARNi. Ils ont déterminé la séquence cible de ce phénomène d’interférence au niveau de l’ORF2 du génome du PFV1 codant pour les protéines Bet et Env-Bet, et dans la région 3’ non codante de tous les ARNm viraux et ont montré que le mécanisme ne dépendait pas d’apport exogène de virus, suggérant qu’un miARN d’origine cellulaire plutôt qu’un siARN était impliqué. Le miARN miR32, candidat révélé par l’analyse bio-informatique, est capable d’inhiber la traduction d’ARNm contenant la séquence cible virale. La neutralisation de miR32 permet de doubler la réplication du PFV1.

Les auteurs ont également montré que la protéine virale Tas, protéine auxiliaire du rétrovirus impliquée dans l’activation de la transcription du génome viral, est capable d’inhiber l’effet antiviral de miR32. Ce nouvel inhibiteur de l’interférence ARN n’est pas spécifique de miR32 puisqu’il induit l’accumulation de l’ensemble des miARN cellulaires, comme cela est observé avec P19 ou d’autres suppresseurs d’origine végétale. De façon réciproque, Tas est capable d’inhiber le phénomène d’interférence chez Arabidopsis dans des modèles expérimentaux impliquant des siARN ou des miARN.

Cette étude montre que des miARN impliqués dans la physiologie cellulaire peuvent, du fait de leur homologie de séquence, cibler des séquences virales et constituer un système de protection contre les virus chez les mammifères. Chaque type cellulaire possède son propre répertoire d’oligonucléotides (miARN), ce qui pourrait participer à la résistance de certaines cellules à l’infection. En retour, les virus ont probablement développé des mécanismes de résistance à ces miARN. Les virus capables d’accumuler des mutations génomiques (tels que le VIH ou le HCV) pourraient échapper rapidement à ce mécanisme de défense de l’hôte associé à ces miARN cellulaires, comme cela a été observé avec les siARN synthétiques. Les virus plus stables ont certainement élaboré des mécanismes de résistance plus sophistiqués, comme le suppresseur de ARNi Tas exprimé par PFV1.

Références

1. Pasdeloup D. Découverte de micro-ARN viraux : vers un silencing d’origine virale  ? Virologie 2004, 8 : 324-5.

2. Pfeffer S, Sewer A, Lagos-Quintana M, et al. Identification of microRNAs of the herpesvirus family. Nathure Methods 2005, 2 :269-76.

3. Lecellier CH, Dunoyer P, Arar K, et al. A cellular microRNA mediates antiviral defense in human cells. Science 2005, 308 : 557-60.