Virologie
MENULa protéine p7 du VHC est nécessaire à son infectiosité et contient des motifs fonctionnels dépendant du génotype Volume 7, numéro 6, novembre-décembre 2003
- Page(s) : 465-6
- Année de parution : 2003
Auteur(s) : P. Chouteau
Laboratoire de virologie et EA 3489, Hôpital Henri Mondor, Créteil
Le rôle que joue la protéine p7 du virus de l'hépatite C (VHC)
au cours du cycle viral reste inconnu. La topologie de cette petite
protéine de 63 acides aminés, enchâssée dans la membrane du
réticulum endoplasmique (RE), semble pourtant bien établie :
deux domaines transmembranaires, reliés par une boucle
cytoplasmique, permettent d'exposer les régions amino et
carboxy-terminales dans la lumière du RE. Cette structure et les
caractéristiques biologiques qui s'y rattachent ont permis très
récemment de classer la protéine p7 parmi un groupe de protéines
appelées viroporines. Ces protéines forment des canaux ioniques qui
pourraient être indispensables aux étapes d'assemblage et/ou de
relargage des particules virales. Dans le cas du VHC, si cette
propriété de la protéine p7 devait être confirmée de manière
irréfutable, elle pourrait constituer une cible potentielle majeure
pour le développement de futurs traitements antiviraux. Néanmoins,
les caractéristiques physiologiques de la protéine p7 ont
principalement été révélées lors d'expériences réalisées in
vitro.
Quelle peut donc être l'implication de la protéine p7 dans
l'infection naturelle par le VHC ? Cette question se pose avec
d'autant plus d'acuité qu'il a été montré que d'autres protéines
virales, possédant une activité de canal ionique (telle que la
protéine NB du virus de la grippe), pouvaient ne pas être
nécessairement indispensables à la propagation virale. L'absence de
prototype cellulaire ou d'un modèle de petit animal permettant une
propagation sûre et reproductible du virus, sauvage ou muté, limite
cependant l'étude de l'importance des protéines virales, et
notamment de la protéine p7 dans la production de particules
virales.
Depuis quelques années, l'équipe de Jens Bukh développe un modèle
d'infection du chimpanzé par une méthode de transfection
intra-hépatique directe de transcrits codant pour la totalité du
génome viral. Cette technique, bien que très contraignante,
présente l'énorme avantage de pouvoir étudier l'infection in
vivo du VHC dont le génome peut être soit sauvage, soit muté.
Ce groupe a très récemment exploré l'importance de la protéine p7
dans la survenue d'une infection stable [1]. Différentes
constructions génomiques ont été réalisées à partir d'un clone
infectieux de génotype 1a où a été mutée la protéine p7. Ces
mutations sont des délétions de tout ou partie de la protéine,
l'introduction d'un IRES en aval ou en amont de la protéine p7
interdisant l'expression respectivement des protéines fusionnées
E2-p7 et p7-NS2, et une série de substitutions de la totalité ou
d'une partie de la protéine p7 de génotype 1a par son équivalent
issu d'un clone infectieux de génotype 2a. Après avoir contrôlé
in vitro que le clivage des polyprotéines s'effectuait
correctement, l'analyse du pouvoir infectieux in vivo chez
le chimpanzé a alors été réalisée. Cette approche a révélé qu'un
mutant délété totalement de la protéine p7, des domaines
transmembranaires ou de la région centrale de cette protéine
n'était pas viable. De plus, des études préalables réalisées in
vitro avaient indiqué que la protéine p7 pouvait exister sous
la forme non clivée E2-p7.
Afin de mettre en évidence le rôle éventuel de cette protéine de
fusion dans l'infectiosité du virus, l'équipe de Bukh a testé le
pouvoir infectieux d'une construction bicistronique permettant
l'expression individuelle des protéines E2 et p7. Aucune infection
n'a été associée à cette transfection. Cependant, le fait que la
transfection avec l'ARN bicistronique p7-NS2 n'ait pas entraîné
d'infection stable indique que l'introduction d'un IRES hétérologue
dans le génome du VHC peut limiter sa capacité infectieuse. D'autre
part, les expériences de substitution indiquent clairement que la
protéine p7 contient des séquences spécifiques du génotype
interagissant avec d'autres régions du génome. Il apparaît en effet
que, si les substitutions en génotype 2a des domaines
transmembranaires et de la boucle cytoplasmique permettent encore
la propagation virale, la substitution des extrémités amino et
carboxy-terminales l'en empêche. La comparaison des séquences
utilisées ainsi que de celles enregistrées dans les banques de
données laisse apparaître que seuls trois acides aminés pourraient
être responsables de cette relation intramoléculaire entre p7 et
des séquences nucléotidiques et/ou protéiques d'autres régions du
génome.
L'ensemble de ces données montre donc clairement que la protéine
p7 du VHC joue un rôle essentiel dans le cycle viral. On regrettera
cependant que la méthode utilisée (la seule permettant actuellement
l'étude du rôle des protéines virales in vivo) ne permette
pas de savoir si le défaut d'infectiosité des différentes
constructions provient d'un manque d'assemblage et/ou de relargage
des virions ou d'une reconnaissance défective du virus néoformé par
sa cellule hôte. Cette information constituerait un élément capital
dans la compréhension du rôle exact que joue la protéine p7 dans le
cycle viral et donc dans le développement souhaité de nouvelles
approches antivirales.
Référence
1. Sakai A, Claire MS, Faulk K, et al. The p7 polypeptide of hepatitis C virus is critical for infectivity and contains functionally important genotype-specific sequences. PNAS 2003 ; 100 : 11646-51.