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Entrée en fanfare de l'immunothérapie pour les cancers du rein et de la vessie Volume 11, numéro 1, Janvier 2016

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Le traitement des cancers du rein s’est profondément transformé ces dernières années avec l’avènement des thérapies dites ciblées et l’abandon, depuis 2005, de l’immunothérapie par interféron (IFN) ou interleukine-2. Néanmoins, la nature immunogénique des cancers du rein fait peu de doute et les traitements par IL-2 permettaient d’obtenir de rares rémissions complètes (RC), souvent synonymes de guérison. Toutefois, cela se faisait au prix d’une toxicité très importante et d’une efficacité modeste pour l’immense majorité des patients, d’où le succès des traitements par TKI et inhibiteurs de mTOR offrant une meilleure balance bénéfice/risque et une amélioration de la survie globale pour un plus grand nombre de patients – mais sans espoir de guérison. On ne connaît toujours pas la meilleure stratégie thérapeutique dans le cancer du rein avancé et dans quel ordre les différents traitements disponibles devraient idéalement s’enchaîner. La plupart des patients reçoivent en première ligne un inhibiteur de VEGFR. Au moment de la progression, selon les équipes et le profil du patient, il est fait appel soit à un 2e anti-VEGF soit, en changeant de mécanisme d’action, à un inhibiteur de mTOR. Dans ce dernier cas, les données disponibles pour l’évérolimus reposent sur une phase 3 contre placebo après progression sous anti-VEGF en 1re ligne, avec un bénéfice chiffré sous forme de 4,8 mois de PFS médiane (soit plus 3 mois vs. placebo) et aucun gain en OS qui reste aux alentours de 15 mois. Par ailleurs on sait aussi qu’en 2e ligne le sorafénib fait mieux que l’évérolimus en termes de survie médiane (+ 4,3 mois) et que l’axitinib fait mieux que le sorafénib en PFS (+ 2 mois) mais pour une survie médiane identique de l’ordre de 20 mois.

Deux nouveaux acteurs majeurs viennent maintenant renforcer les possibilités thérapeutiques en 2e ligne, sans toutefois mieux clarifier la stratégie à déployer selon le type de patients. Tous deux sont comparés à l’évérolimus. Ces 2 études présentées à l’ESMO 2015 ont fait l’objet d’une publication simultanée le 25 septembre dernier dans le NEJM, au cas où l’on viendrait à douter de leur importance.

Tout d’abord, pour rester relativement classique et en ligne avec les TKI utilisées ces 10 dernières années, le cabozantinib, déjà enregistré dans le traitement du carcinome médullaire de la thyroïde, a été comparé à l’évérolimus dans une étude intitulée METEOR [1]. Le cabozantinib est un TKI multicible inhibant le VEGFR, mais aussi MET, RET et AXL. L’objectif principal était la PFS. L’étude est positive avec une PFS médiane améliorée de 3,8 mois pour l’évérolimus à 7,4 mois pour le cabozantinib (HR = 0,58 ; IC 95% : 0,45-0,75 ; p < 0,001) (figure 1). Par ailleurs le taux de réponse passe de 5 à 21 % et les effets secondaires de grade 3 et 4 sont similaires, observés respectivement chez 58 et 68 % des patients. À noter surtout qu’une réduction de dose du cabozantinib a été nécessaire pour 60 % des patients, même si les arrêts pour toxicité sont comparables et de l’ordre de 10 % dans les 2 bras !

Ensuite, l’anticorps monoclonal nivolumab, un agent d’immunothérapie ciblant le point de contrôle Progammed Death 1 (PD1) qui régule négativement l’activation des lymphocytes T, plus communément nommé « anti-PD1 checkpoint inhibitor », a lui aussi été comparé à l’évérolimus [2], sous le numéro 025 de la liste des études «Check Mate» qui ne cesse de s’allonger chaque mois ou presque. L’objectif principal, et ambitieux dans cette situation de 2e ligne, était la survie globale. Là aussi les résultats sont sans appel ! Non seulement la survie médiane est améliorée avec le nivolumab de près de 6 mois, passant de 19,6 mois pour l’évérolimus à 25,0 mois (HR = 0,73 ; IC 95% : 0,57-0,93 ; p = 0,002), mais aussi le taux de réponses qui passe de 5 à 25 % et surtout un profil de tolérance qui semble favoriser le nivolumab avec seulement 19 % de toxicités de grade 3 et 4 contre le double, 37 %, pour l’évérolimus.

Alors, quel nouveau standard en 2e ligne après échec d’un anti-VEGF dans le cancer du rein ? Seul l’avenir nous le dira, mais il est probable qu’au vu du différentiel observé en survie globale et d’un profil de toxicité qui semble plus favorable, le nivolumab sorte gagnant de la bataille chez les prescripteurs, même en l’absence de comparaison directe. Ainsi, le cancer du rein renoue avec l’immunothérapie qui l’avait abandonné il y a 10 ans. Même si le nivolumab permet des réponses complètes de l’ordre de 1 %, cela reste encore trop anecdotique pour les patients, même si cette fois-ci au profit d’une tolérance acceptable par comparaison avec l’IL-2 dans le passé. Bien évidemment, toutes les stratégies dans les cancers du rein vont se retrouver bousculées à nouveau avant d’avoir pu être fermement et clairement établies, avec le retour annoncé de l’immunothérapie en première ligne. On peut ainsi espérer que le développement de nouvelles combinaisons d’immunothérapies, ou d’associations séquentielles avec les TKI, voire le retour de l’IL-2 savamment dosée puissent améliorer le taux de réponses complètes et atteindre le Saint-Graal de la guérison — ou à défaut améliorer la durée et qualité de vie de nos patients.

Pour finir, l’immunothérapie fait également irruption chez un parent pauvre de l’onco-urologie, les cancers urothéliaux, où en dehors d’un unique médicament aux effets modestes en seconde ligne enregistré en 2009, aucun progrès n’a plus été observé depuis les années 1990. Rosenberg et al. [3] ont présenté en session orale les résultats d’une partie d’une étude de phase 2 de l’atézolimumab (1 200 mg IV toutes les 3 semaines), un Ac monoclonal ciblant PDL1 (un des ligands de PD1 mentionné plus haut). L’essai, nommé IMvigor 210, a enrôlé, pour la cohorte 2 en seconde ligne après échec d’un sel de platine, 311 patients atteints d’un cancer urothélial avancé ou métastatique. Le taux de réponses selon RECIST était de 15 % (IC 95% : 11-20 ; p = 0,0058) en ITT. Il y avait potentiellement plus de réponses pour les patients exprimant un niveau élevé de PDL1 (> 5 %) sur les lymphocytes infiltrant la tumeur avec un taux de réponses de 27 % (IC 95% : 19-37 ; p < 0,0001), cela concernant environ 1/3 des patients. Avec un suivi minimum de 6 mois, la médiane de durée de réponse n’était pas atteinte ni la durée médiane de survie. Les résultats pour la cohorte en 1re ligne (patients non éligibles pour recevoir un sel de platine) restent en attente. Sur les bases des résultats de cette étude, un essai de phase III d’enregistrement, IMvigor 211, a débuté en 2e ligne.

Liens d’intérêts : L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.