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Sciences sociales et santé

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Des maux et des chiffres L’évaluation des incapacités en médecine légale du vivant Volume 36, numéro 4, Décembre 2018

Auteur
* Romain Juston, sociologue, CSO, Sciences Po, 19, rue Amélie, 75007 Paris, France et Laboratoire PRINTEMPS, UVSQ, 47 Boulevard Vauban, 78047 Guyancourt Cedex, France

Une grande partie de la médecine légale en France consiste en l’examen des personnes victimes d’agression dans des services dédiés (les UMJ : unités médico-judiciaires). Cet article s’intéresse aux opérations d’évaluation qui président à la réalisation des certificats descriptifs de coups et blessures, effectuées par les médecins sur réquisition du procureur. Il étudie plus particulièrement la détermination du nombre de jours d’incapacité totale de travail (ITT), pour laquelle on observe une grande variabilité des pratiques. À partir de ce cas, l’article propose une analyse des déterminants sociaux du jugement médico-légal qui s’appuie sur l’exploration dynamique de deux échelles distinctes. Il montre tout d’abord comment la variabilité des avis concernant l’ITT est intégrée dans la politique des UMJ, à travers la mise en place de correctifs. Ces correctifs témoignent d’une problématisation de cette médecine comme une médecine de constat pour laquelle il est possible d’harmoniser les pratiques. L’article analyse ensuite la variabilité de l’ITT à partir des pratiques saisies depuis le cabinet médical. Cette médecine est alors abordée sous l’angle d’une médecine de la violence dans laquelle les médecins, face à la diversité des situations de violence qui commandent l’expertise, assemblent et combinent différents cadres, c’est-à-dire des manières particulières d’envisager le statut des corps et la parole des victimes dans une expertise indissociable du jeu judiciaire.