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L'Orthodontie Française

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Pratique du hautbois et manifestations dysfonctionnelles oro-faciales Volume 75, numéro 4, La fente labio-maxillo-palatine (2e partie)

Auteurs

Objectif

Le hautbois nécessite un investissement physique important et une capacité respiratoire supérieure à la moyenne. La pratique de cet instrument s'accompagne de diverses manifestations douloureuses cranio-cervico-faciales, conséquences d'un recrutement musculaire exceptionnel et inhabituel qui dépasse le seuil de tolérance biologique naturel. La répétition de ces efforts peut faire considérer la pratique du hautbois comme une parafonction d'origine extrinsèque, avec les éventuels dérèglements et conséquences préjudiciables que peut générer toute activité dysfonctionnelle, qu'elle soit oro-faciale ou autre. L'objectif de ce travail a été, à l'aide d'un questionnaire approprié, d'évaluer par tri à plat la prévalence ainsi que l'évolution avec l'âge des troubles oro-faciaux rapportés par les musiciens pratiquant le hautbois de manière intensive. Ces manifestations sont comparées à celles rapportées dans la littérature pour la population générale.

Matériel

Les patients étudiés sont représentés par un échantillon d'hommes de 20 à 40 ans, pratiquant quotidiennement l'instrument 3 heures ou plus et depuis plus de 3 ans.

Méthode

Le questionnaire à réponses fermées concernait : les céphalées associées à la pratique de l'instrument, leur localisation, les symptômes douloureux musculaires au cours du jeu, leur localisation, les manifestations douloureuses au niveau de la colonne, les manifestations dentaires de type sensibilité, mobilité, conditions d'apparition, les signes de dysfonction cranio-mandibulaires.

Résultats

Au retour des 162 questionnaires de hautboïstes confirmés, 51 personnes répondaient aux critères d'inclusion 20 à 40 ans. Âge moyen : 29,90 +/- 6,64 ; durée moyenne et quotidienne de jeu : 3 h 38 minutes. Les céphalées affectent 59 % des musiciens (20 à 33 % de la population générale, Da Costa 2000). Les céphalées sont corrélées avec le temps d'utilisation de l'instrument et diminuent avec l'âge. Les douleurs musculaires affectent 86 % des musiciens (30 % population générale, Reyes 2000). Les régions les plus citées sont les lèvres (86 %) , la langue (30,2 %) , l'angle des mâchoires (47,8 %). Pas de changement avec les années de pratique. Manifestations dentaires associées à l'instrument: la pression et la vibration lors du jeu provoquent chez 60,8 % des hautboïstes l'apparition des symptômes douloureux au niveau des dents et de leurs tissus de soutien. 77,4 % des musiciens sélectionnés se plaignent d'une sensibilité à la pression s'accompagnant d'une mobilité accrue des incisives en fin de séance, qui tend à disparaître lors des périodes d'inactivité. Pas de corrélation avec l'âge mais avec la durée du jeu. Les pathologies de la colonne cervicale et dorsale concernent 66 % du groupe (16 % de la population générale, Agounizera 2001). La localisation diffuse entre le rachis cervical et la colonne dorsale. Ces troubles augmentent de manière significative avec l'âge. Désordres articulaires. 37,2 % des musiciens présentent des signes de dysfonctionnements cranio-mandibulaires (36 % de la population générale, Helkimo et Magnuson, 2002), s'accompagnant de difficultés masticatoires pour 37 % d'entre eux. Les années de pratique ne constituent pas un facteur aggravant.

Conclusion

Le recrutement musculaire exceptionnel associé à la pratique du hautbois s'accompagne d'une forte prévalence de manifestations dysfonctionnelles cervico-cranio-faciales : céphalées, douleurs musculaires, manifestations dentaires, pathologies de la colonne, dont la fréquence dépasse les standards habituels de la population générale. La prévalence des signes de dysfonctionnements articulaires ne paraît pas être plus sévère chez le hautboïste que dans la population générale. Cette observation n'est en fait pas en contradiction avec l'opinion actuelle qui veut que les dérangements articulaires soient le plus souvent et davantage liés à une fragilité articulaire constitutionnelle que provoqués par une dysfonction musculaire et/ou occlusale.

Le fait que la prévalence des signes articulaires chez les hautboïstes ne s'aggrave pas avec l'âge. Cela peut suggérer que les exigences physiques de l'instrument auront pu avoir un effet gâchette sur l'apparition des signes articulaires chez tous les individus susceptibles de développer de telles pathologies et expliquer ainsi l'apparition précoce et la constance de ces signes dans les différents groupes d'âge.