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Revue de neuropsychologie

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Vieillissement normal et pathologique des fonctions exécutives : un état des connaissances Volume 11, numéro 2, Avril-Mai-Juin 2019

La notion de fonctions exécutives couvre un ensemble de processus psychologiques de haut niveau, utiles à la régulation et la vérification des comportements complexes et finalisés. La littérature fait aujourd’hui régulièrement la distinction entre des fonctions exécutives dites froides et des fonctions exécutives dites chaudes, les premières renvoyant essentiellement à des processus cognitifs (flexibilité, inhibition, planification, etc.) et les secondes à des processus impliquant davantage les émotions, les désirs, les croyances (expérience de récompense et de punition, théorie de l’esprit affective, empathie, régulation des conduites émotionnelles et sociales, etc.). Nous mettons en jeu nos habiletés exécutives dès que nous nous trouvons en situation nouvelle ou complexe, c’est-à-dire très régulièrement et très souvent. L’étude du vieillissement normal et pathologique des fonctions exécutives constitue aujourd’hui un domaine de recherche particulièrement actif, ces fonctions étant parmi les premières à subir les effets délétères du vieillissement normal. Elles sont également touchées, la littérature est aujourd’hui très claire à ce sujet, de façon précoce, voire prépondérante, dans un bon nombre de pathologies neurodégénératives.

Ce dossier thématique, qui reprend une grande partie des présentations faites lors de nos Journées internationales annuelles de neuropsychologie des lobes frontaux et des fonctions exécutives (10e édition, Angers, 21-22 septembre 2018), dresse un état des connaissances acquises sur le vieillissement des fonctions exécutives. Il s’arrête sur le vieillissement normal ainsi que sur un certain nombre de contextes pathologiques (maladie d’Alzheimer, démence fronto-temporale, etc.). Notre souhait est de pouvoir offrir aux étudiants, cliniciens et chercheurs une synthèse actualisée des données de la littérature sur cette thématique, en pointant quelques perspectives de travail.

Dans un premier article, Fabienne Collette s’arrête sur les modifications du fonctionnement exécutif accompagnant le vieillissement normal, en insistant sur le fait que ces modifications ne sont pas globales. Les performances exécutives des sujets âgés auraient aussi à voir avec les processus non exécutifs sollicités dans les tâches proposées ainsi qu’avec des paramètres non cognitifs. Au plan cérébral, le fonctionnement exécutif des sujets âgés se caractériserait par des patterns d’activation spécifiques ne permettant pas nécessairement une performance efficace. L’ensemble de ces données amène Fabienne Collette à conclure que l’origine des dysfonctionnements exécutifs accompagnant l’avancée en âge est probablement multi-déterminée, nécessitant le développement de travaux susceptibles d’isoler les facteurs individuels clés pour un vieillissement exécutif optimal.

L’article de Marie Caillaud, Samantha Maltezos et Sylvie Belleville propose une revue de littérature sur les déficits de mémoire de travail, d’attention et des fonctions exécutives accompagnant le trouble cognitif léger, envisagé comme la phase prodromale de la maladie d’Alzheimer. Ces chercheuses dressent un état des connaissances concernant la nature et l’importance de ces déficits, en insistant sur la nécessité de les étudier en tant que marqueurs précoces de l’évolution vers la maladie d’Alzheimer et en tant que piste pour des interventions stimulantes pertinentes.

Marine Le Petit, Béatrice Desgranges, Francis Eustache et Mickaël Laisney traitent ensuite la question des déficits exécutifs accompagnant la maladie d’Alzheimer et la démence frontotemporale en s’intéressant à la fois aux aspects chauds (théorie de l’esprit, traitement des émotions, empathie, etc.) et froids (fonctions exécutives cognitives) du fonctionnement exécutif dans ces pathologies. Plus précisément, les auteurs s’arrêtent sur les différents processus incriminés dans les habiletés de cognition sociale (identification de l’état affectif d’autrui, traitement des expressions faciales émotionnelles, etc.) dans ces deux pathologies, en s’intéressant plus précisément aux interactions avec les fonctions exécutives cognitives.

Martine Roussel et Olivier Godefroy s’arrêtent sur les perturbations des fonctions exécutives observées dans les pathologies cérébrovasculaires (dont les démences vasculaires) dans une logique proche, c’est-à-dire en suivant une approche élargie des fonctions exécutives incluant des processus exécutifs cognitifs ainsi que des aspects comportementaux et socio-émotionnels. Cette revue confirme la fréquence élevée des atteintes exécutives d’origine vasculaire, avec des dissociations possibles entre aspects cognitifs, comportementaux et socio-émotionnels, suggérant la nécessité d’évaluer l’ensemble de ces difficultés avec des outils adaptés et complémentaires tels que la batterie GRECogVASC, la batterie du Grefex ou la batterie du Grefex 2 qui sera bientôt accessible.

Julie Anne Péron s’intéresse au concept d’habitude et à la compréhension des mécanismes neurophysiologiques et neurocognitifs sous-tendant l’acquisition et l’expression des habitudes, ce type d’apprentissage, largement sous-tendu par les noyaux gris centraux et les circuits sous-corticaux frontaux, étant essentiel à l’optimisation de nos habiletés sensori-motrices, cognitives et émotionnelles. L’acquisition et l’exercice d’habitudes permettent en effet de libérer des ressources pour les attribuer à des tâches nécessitant un haut niveau de contrôle cognitif.

Les deux derniers articles de ce dossier thématique sont davantage orientés vers la stimulation des fonctions exécutives dans le cadre du vieillissement normal et pathologique.

Dans sa mini-revue, Thibault Deschamps met en avant l’idée que, bien que la littérature scientifique sur les effets de l’activité physique sur nos performances exécutives soit de plus en plus dense et convaincante, les échanges entre scientifiques restent importants dans ce domaine, notamment autour de la question de savoir quelles sont les meilleures formes d’activités à proposer (activités physiques seules ou combinées à une stimulation cognitive) pour une prévention optimale du déclin exécutif lié à l’âge. Pour Thibault Deschamps, des travaux sont à développer en regard de cette problématique, étant entendu qu’un bon fonctionnement exécutif est essentiel à une auto-régulation positive de nos comportements de bonne santé.

Enfin, avec Luciano Fasotti et Dirk Bertens, nous nous arrêtons sur la prise en charge des fonctions exécutives dans les démences en nous focalisant sur les travaux les plus récents centrés sur la réhabilitation des activités complexes de la vie quotidienne en utilisant différentes méthodes de réapprentissage. Ces travaux ne dégagent pas de méthode plus efficace, mais ils montrent, et c’est sûrement là l’essentiel, qu’il est possible d’améliorer les performances au quotidien des patients atteints de démence. Il y a là une raison suffisante pour poursuivre les efforts de recherche dans le champ de la revalidation neuropsychologique des démences.

Les contributions des collègues conduisent à un dossier particulièrement riche et tout à fait d’actualité. Nous les remercions tous très chaleureusement pour leur travail et la qualité de leurs écrits. Nous remercions également le Rédacteur en chef et le Comité de rédaction de la Revue de Neuropsychologie de nous avoir fait confiance pour la constitution de ce dossier thématique.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

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