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Revue de neuropsychologie

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Les thématiques privilégiées des lecteurs de la Revue de neuropsychologie Volume 11, numéro 1, Janvier-Février-Mars 2019

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Un précédent éditorial (vol 10, numéro 4, pp 267-8), qui annonçait déjà le dixième anniversaire de la Revue de neuropsychologie, insistait sur la diversité de son lectorat et les dispositifs mis en place par l’éditeur John Libbey Eurotext pour toucher des publics toujours plus nombreux. En préambule à la présentation de ce « numéro anniversaire », nous nous sommes penchés sur les contenus des articles publiés ces 10 dernières années. Les 100 premiers articles les plus consultés par les abonnés (en version numérique), toutes périodes confondues, indiquent qu’en termes de fonctions cognitives, le domaine qui a suscité le plus l’intérêt des lecteurs est celui de la mémoire (figure 1). En analysant plus finement les titres des articles, on s’aperçoit que la mémoire épisodique retient avant tout l’intérêt, avec de nombreuses déclinaisons : mémoire du futur, mémoire prospective, mémoire autobiographique, recollection et lien avec l’identité. La cognition sociale est le thème qui vient en deuxième place. Il s’agit d’un domaine plus nouveau, très en vogue actuellement, que les auteurs déclinent, tant dans la maladie que dans le vieillissement normal, sur le plan conceptuel et sur le plan de l’évaluation, avec deux épreuves originales proposées dans ce domaine : TOM-15 [1] et Protocole d’évaluation de la cognition sociale de Bordeaux, PECS-B [2]. Le troisième axe après la mémoire et la cognition sociale est celui des fonctions exécutives. Dans cette thématique, l’article qui arrive en tête du palmarès traite des réseaux cérébraux des fonctions exécutives [3], mais d’autres articles également très consultés concernent les liens entre théorie de l’esprit et fonctions exécutives, ou encore l’évaluation des fonctions exécutives.

 

Toujours avec ce prisme des articles les plus consultés, les populations d’études les plus ciblées sont les maladies dégénératives, le vieillissement normal et l’enfant, la neuropsychologie de l’enfant ayant pris beaucoup d’ampleur ces dernières années. Douze articles lui sont consacrés. Enfin, la psychiatrie et la psychopathologie sont des disciplines bien représentées : cinq articles portent sur l’autisme et trois sur la schizophrénie (figure 2).

 

L’intérêt du lectorat pour les nouvelles procédures d’évaluation est particulièrement vif : 10 articles parmi les 100 premiers présentent une nouvelle épreuve. Les quatre premiers articles sont méthodologiques, avec un test de fonctions exécutives simple et rapide [4] et qui présente l’avantage de proposer des normes chez des sujets de plus de 50 ans (avec un commentaire à son propos) et deux tests de mémoire, l’un évaluant l’influence de l’émotion (valence et intensité) sur la mémoire, et l’autre destiné à des populations non francophones ou peu scolarisées. Le premier de ces deux tests, appelé MEMO [5], vient combler un manque puisqu’il n’existait jusqu’ici aucun outil validé dans ce domaine. La MEMO a été proposée à 120 sujets sains, âgés de 21 à 75 ans. Son intérêt en pratique clinique reste cependant à évaluer puisqu’il s’agit de l’apprentissage d’une liste de mots, risquant donc d’interférer avec d’autres tests d’apprentissage de listes de mots déjà très utilisés comme le RL RI 16. Le deuxième test s’inscrit dans une démarche innovante et d’intérêt majeur, qui vise à évaluer les performances cognitives de personnes pour lesquelles les tests classiques ne sont pas adaptés. Le test de mémoire épisodique non verbale Brumory, élaboré en Belgique [6], a été administré à 378 sujets sains âgés de 40 à 89 ans. La position (55e) de l’article publié en France intitulé « Évaluation cognitive des patients illettrés et de bas niveau d’éducation » [7] va aussi dans ce sens.

L’évaluation de la mémoire sémantique est un sujet qui retient également l’intérêt des lecteurs. Notons par exemple que l’article consacré au Gretop [8], élaboré au sein du Greco, et qui évalue la mémoire des personnes célèbres, arrive à la quatrième place des articles consultés toutes périodes confondues. De même en 17e position, se trouve l’article consacré à la batterie d’évaluation de la reconnaissance des visages célèbres et de l’accès aux noms propres CELEB [9], élaborée en Belgique ; enfin, le POP-40, nouvel outil d’évaluation de la mémoire sémantique liée aux personnes célèbres [10], élaboré au Québec, donne son titre à l’article arrivé en 50e position. Ces trois articles témoignent de la nécessité de disposer d’outils appropriés pour évaluer les connaissances sémantiques et tout particulièrement celles concernant les personnes célèbres et montrent bien la nécessité de tenir compte du contexte environnemental, plus précisément ici de la dimension géographique.

L’évaluation de la mémoire de travail fait l’objet d’un seul article, qui arrive en 78e position. Il s’agit de l’évaluation de la dernière composante du modèle de Baddeley, le buffer épisodique [11].

Rappelons que la Revue de neuropsychologie accueille les articles méthodologiques dans différentes conditions. Certains donnent d’emblée un accès intégral au matériel et aux consignes, ainsi qu’aux données déjà récoltées avec possibilité de mettre ces données à jour. D’autres décrivent seulement les procédures et renvoient vers les auteurs les lecteurs qui veulent avoir accès aux tests. Cette analyse succincte montre bien que la communauté des neuropsychologues est avide, non seulement de connaissances, mais aussi d’outils nouveaux permettant de mieux évaluer certaines fonctions cognitives ou de s’adapter à des populations spécifiques, comme les populations peu scolarisées ou les sujets très âgés. Il semble cependant important de rester vigilant quant à la qualité des outils rendus ainsi disponibles, tant sur le plan de leur construction que sur le plan de leur validation. La huitième position de l’article intitulé « La norme en neuropsychologie, un concept à facettes multiples » [12] témoigne bien de la conscience des neuropsychologues dans ce domaine. Rappelons également que dans chaque numéro de la revue un article ou un éditorial est gratuit et accessible aux non-abonnés. Les articles qui proposent des épreuves nouvelles sont fréquemment mis à la disposition de tous. Le nombre de téléchargements de ces articles méthodologiques est également très instructif : les deux articles qui ont été les plus téléchargés traitent de l’évaluation de la cognition sociale (TOM-15, près de 4000 fois et la BECS de Bordeaux, près de 3500 fois).

L’intérêt des neuropsychologues pour le cerveau est évidemment très important : 11 parmi les 100 premiers articles consultés par les abonnés toutes périodes confondues traitent de ce sujet. De plus, l’article qui arrive en tête concerne les réseaux cérébraux des fonctions exécutives [3] et parmi les autres se trouvent des textes aux titres sans ambiguïté : « Les substrats cérébraux de la théorie de l’esprit » [13], « Insula : neuropsychologie du cinquième lobe du cerveau » [14], « Le cervelet : des troubles moteurs à l’autisme » [15], « Développement de l’hippocampe durant l’enfance et l’adolescence » [16], ou encore « Impact des altérations de la substance blanche liées à l’âge sur les performances cognitives : études en imagerie par tenseur de diffusion » [17]. De façon intéressante, l’insula et le cervelet sont des structures cérébrales dont le rôle dans les fonctions cognitives a été longtemps sous-estimé : c’est la nécessité de mieux le connaître qui transparaît dans ce positionnement.

La prise en charge est étonnamment peu représentée dans ce panel des 100 premiers articles. Seuls deux d’entre eux mentionnent explicitement la prise en charge dans leur titre, même si quelques autres mentionnent des notions voisines : rééducation (un article), remédiation (un article), neuroplasticité (un article), entraînement (un article). Un seul également mentionne la notion de compensation, et c’est sous l’angle de l’évaluation (validation française de la version brève du French Memory Compensation Questionnaire chez une population âgée [18]). De même, un seul mentionne les capacités de réserve cognitive [19], une notion pourtant très en vogue dans la littérature.

En revanche, les quelques articles écrits sur l’évolution de la neuropsychologie ou la place de la neuropsychologie à l’heure actuelle témoignent d’un intérêt certain du lectorat pour cette problématique, et certainement de la prise de conscience que notre discipline est aujourd’hui en train de changer en profondeur (voir par exemple [20]).

Cette lecture des données (les consultations des articles par les abonnés) est probablement biaisée par plusieurs facteurs, en particulier par le fait que beaucoup d’articles publiés proviennent des mêmes équipes (Amiens, Angers, Bordeaux, Caen, Liège, Lyon…). Pourtant, plusieurs indices confirment l’importance de la Revue de neuropsychologie, et sa place de premier plan comme ressource académique de langue française dans le champ des fonctions cognitives. Pour ne prendre qu’un exemple, l’article publié par Richard Lévy dans le premier numéro de la revue, en 2009, intitulé « Syndrome dysexécutif cognitif : un déficit de l’administrateur de la mémoire de travail ? » a été téléchargé près de 13 000 fois ! Le nombre très important de téléchargements et, in fine, l’impact de la revue dans notre communauté et au-delà, s’expliquent notamment par les nouveaux dispositifs de consultation des articles mis en place par l’éditeur (voir l’éditorial du numéro 4 de 2018 précédemment cité) et plus largement par les nouveaux modes d’accès à l’information scientifique.

Pour préparer ce numéro anniversaire, nous avons fait appel aux membres du comité de rédaction de la Revue de neuropsychologie ainsi qu’à des auteurs qui ont écrit les articles les plus lus ces 10 dernières années. Nous leur avons donné libre choix de la forme (point de vue, article original, article de synthèse), en harmonisant simplement les thématiques traitées pour que celles-ci ne soient pas redondantes. Nous vous laissons découvrir les différents articles ; ils donnent, selon nous, un bon aperçu des questions posées à notre discipline et de l’évolution des pratiques.

Bonne lecture et bon anniversaire à la Revue de neuropsychologie !

Caen, mars 2019

Béatrice Desgranges et Francis Eustache

Rédacteurs de la Revue de neuropsychologie

Liens d’intérêts

les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

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