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Médecine thérapeutique / Pédiatrie

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Souffrances et difficultés des professionnels en protection de l’enfance – Approche clinique et institutionnelle Volume 21, numéro 4, Octobre-Novembre-Décembre 2018

Avant-propos

Depuis plusieurs années, le constat de la souffrance et des difficultés des professionnels de la protection de l’enfance est régulièrement réalisé [1]. Mais, au-delà du constat, que recouvre cet état de fait et que nous apprend-il d’un secteur le plus souvent « invisibilisé » par les politiques et les acteurs eux-mêmes ?

S’il est fréquent de parler de la prise en charge des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, il est beaucoup plus rare, de la part des départements en responsabilité de la protection de l’enfance, de communiquer sur ce domaine pourtant très noble. Et lorsque les médias s’emparent de cette question, c’est essentiellement pour venir en pointer les dysfonctionnements. La protection de l’enfance suscite des émotions fortes, la peur, le dégout, l’insupportable, le rejet, la fascination… La communication est souvent du côté du pathos et de la gourmandise du pire. Les jugements sont hâtifs, la pensée complexe fait défaut. Le recours au clivage et à une pensée binarisée est privilégiée. Le déni, mécanisme de défense qui permet de moins souffrir en s’adaptant à un réel incohérent et insupportable et, potentiellement de nature traumatique, est convoqué.

Pourquoi les faits de violences exercées sur les enfants provoquent-ils l’aporie de la pensée au profit d’un afflux émotionnel ? Sans doute parce que le fait de nous rapprocher du noyau de la violence de l’autre, violence que nous portons tous en nous, et qu’il nous a fallu canaliser, maîtriser et endiguer au fil du temps, avec plus ou moins de réussite, nous effraie et nous n’en voulons plus rien savoir. En protection de l’enfance, la réalité est toujours impertinente1 et parfois effrayante mais elle ne nous est finalement pas si extérieure que cela. La violence, la destructivité sont des réalités fondamentalement humaines. Or, pour pouvoir travailler en protection de l’enfance, il est impératif de se rapprocher de cette violence fondamentale, de la percevoir, l’accueillir et la transformer.

Mon intérêt pour la maltraitance se nourrit du souci d’étudier cette expérience critique, parfois décisive, de la trajectoire qui conduit tout enfant à l’âge adulte ; et d’examiner les processus par lesquels un sujet singulier va pouvoir émerger et se soutenir au travers des bouleversements normaux ou accidentels qui caractérisent toute vie. La relation éducative est inévitablement le champ privilégié de l’affrontement des désirs des sujets engagés dans cette relation, adultes et enfants. Nier l’existence d’une violence essentielle au cœur de la vie pulsionnelle, ou refuser de reconnaître la légitimité des interdits, contribue à faire le lit des malentendus fondamentaux qui se déploient sous le terme de maltraitance. Il faut donc concevoir les maltraitances comme autant de drames intersubjectifs, le plus souvent intrafamiliaux.

Intervenir en protection de l’enfance c’est donc inévitablement venir se confronter à une clinique à la fois complexe, exposée et méconnue. Cette confrontation nécessaire n’est pas sans risque pour les professionnels.

Identifier de façon objective les caractéristiques des interventions en protection de l’enfance, nommer la souffrance et les difficultés des professionnels engagés dans cette prise en charge, c’est permettre de mettre en place les actions adaptées pour soutenir ces derniers et garantir un accompagnement de qualité des enfants et des parents en situation difficile.

Les manifestations de souffrance des professionnels

L’équilibre psychique et la santé mentale d’un professionnel sont étroitement liés aux modalités d’organisation du travail. Le tournant gestionnaire de la fin des années 1990 a marqué une inflexion dramatique pour l’ensemble des professionnels et tout particulièrement pour ceux engagés auprès des humains (hôpital, justice, protection de l’enfance, handicap, personnes âgées…).

La centration sur l’évaluation individuelle des performances, l’inflation des critères de certifications et de normes, la flexibilisation et la transversalité à tous crins et enfin la standardisation et la normalisation des tâches sont venues lourdement entraver et limiter l’exercice de l’intelligence et de l’éthique au travail.

Pour le professionnel de la protection de l’enfance, se trouver contraint d’abandonner ce qui paraît essentiel, à savoir la rencontre, l’écoute, l’échange, le soutien, l’accompagnement, au profit d’un résultat qui doit être immédiat et visible est d’une grande violence. Privilégier l’éradication du symptôme dans une visée normative au détriment d’une réflexion sur le sens vient créer chez le professionnel une souffrance éthique. Tout professionnel, quel que soit son métier et son niveau hiérarchique, doit affronter et gérer au quotidien des contradictions. Chacun le fera en fonction de ses valeurs en s’exposant à être en désaccord avec les autres mais aussi avec lui-même. Mais réaliser au quotidien des choses que l’on réprouve, ne pas agir comme l’on pense qu’il faudrait, va conduire progressivement à la perte d’estime de soi avec des conséquences désastreuses pour la santé mentale. Mettre un couvercle sur ces réalités pour pouvoir conserver son gagne-pain ou, à l’opposé, résister, c’est prendre le risque d’être incompris des autres, de la hiérarchie et finalement être rejeté et laminé moralement. C’est vivre une trahison de soi qui peut se transformer en haine de soi.

Aujourd’hui, la souffrance au travail s’exprime, entre autres, par une forte augmentation des arrêts maladies, des syndromes de fatigues professionnelles avec dépression d’épuisement et anxiété, par la recrudescence des troubles musculo-squelettiques dont on connaît bien la forte composante psychoaffective. Et nous pouvons ajouter à ces manifestations d’insécurité au travail, le constat d’un turn-over très important, tant des acteurs de terrain que des cadres exerçant en protection de l’enfance.

Bien entendu, cette souffrance au travail engendre de multiples effets qui ont un impact majeur sur l’exercice professionnel : perte de sens, manque d’autonomie, sentiment d’épuisement, manque de réactivité, engagement limité, perte de valeur, violence redirigée, refus de penser, pesanteur, fatigue compassionnelle, activisme, inconfort dépressif, évitement, hyper-identification à la victime, rage, colère, désespoir, sentiment d’impuissance…

Spécificités en protection de l’enfance

Le domaine de la protection de l’enfance comporte des singularités qu’il convient d’identifier. Nous évoquions, dans notre avant-propos, une clinique à la fois complexe, exposée et méconnue.

Un domaine complexe

Complexe parce que la clinique en protection de l’enfance nécessite de multiples connaissances empruntées à la psychiatrie, la neurobiologie, la psychologie, les sciences de l’éducation, l’anthropologie, la sociologie, le droit… Cette approche plurielle est parfois une richesse. Mais, le plus souvent, cette terre d’emprunt de théories diverses et parfois divergentes, n’offre aux acteurs de la protection de l’enfance, ni un corpus théorique spécifique, ni un appui clinique suffisamment fiable et solide. L’insuffisance de la formation professionnelle transforme la richesse de points de vue multiples en grappillage incertain et inquiétant. De plus, ce secteur, lorsqu’il tente de mettre en avant son expérience, se trouve souvent confronté à une opposition vive des tenants des sciences dites « dures » qui lui refusent sa spécificité. Même si aujourd’hui, les intuitions de certains praticiens de la protection de l’enfance sont validées par les récentes recherches en imagerie médicale (voir les dernières découvertes en épigénétique), la plupart des professionnels de la protection de l’enfance éprouvent encore le douloureux sentiment d’une « navigation à vue ».

L’injonction explicite ou implicite, faite aux acteurs de la protection de l’enfance n’est plus d’aider des personnes en souffrance mais d’éradiquer leurs symptômes. La dimension psychodynamique, qui impose un travail de pensée et de réflexion, est progressivement remplacée par une clinique normative.

La perte de sens éprouvée par les intervenants peut aussi être interrogée à l’aune de la multiplication de protocoles et référentiels sans que les organisations prennent le temps de vérifier si les professionnels possèdent les prérequis nécessaires, par exemple, en matière de connaissance du développement de l’enfant et de ses besoins. Lorsque la forme prend le pas sur le fond, les dérives sont possibles.

Par ailleurs, l’augmentation et la massification des problématiques – économiques, psychiatriques, addictions, exclusions – et la prise en compte de nouveaux enjeux géopolitiques (mineurs non accompagnés…) ajoute à la complexité déjà existante.

Des professionnels exposés

Exposéscar c’est une clinique qui nous confronte à la souffrance, au traumatisme et à la violence. Si dans le domaine de la protection de l’enfance, les professionnels sont obligés de se confronter à l’horreur pour mieux l’entendre et la voir, il est nécessaire de ne pas en minimiser les impacts sur leur psychisme. Jean-Louis Bey, en 2002, dans un article intitulé : « Tchernobyl : une métaphore concernant les sévices sur enfants », s’interrogeait sur les effets des violences subies par les enfants [2]. Ces violences introduiraient à l’intérieur même du sujet un élément étranger et radioactif qui reste extrêmement agissant, source de comportements inadaptés, de troubles et de malaises tant pour l’enfant lui-même que pour son entourage, famille et intervenants.

Si les organisations, départementales ou associatives, ne prennent pas suffisamment en compte cette spécificité, la charge mentale chez les intervenants, par phénomène de contamination, ne pourra être réduite. Sans espace de supervision des pratiques professionnelles avec une rythmicité suffisante, les professionnels risquent de se retrouver en inquiétude permanente générant un sentiment de peur, d’impuissance, d’incompréhension à l’origine de nombreux acting socio-éducatifs. La charge émotionnelle, si elle n’est pas partagée, affecte notre sécurité intérieure, bouleverse nos repères. Assailli par de trop nombreuses émotions : horreur, peur, angoisse, honte, impuissance, rage, persécution, haine ; la boussole interne des professionnels de la protection de l’enfance est mise à mal.

Sans des espaces d’élaboration et de « décontamination », la confiance en l’humain se trouve progressivement entamée et abimée. Les phénomènes de pathoplastie, c’est-à-dire de porosité des intervenants aux manifestations de souffrance des sujets qu’ils accompagnent, ne doivent pas être minimisés.

En effet, nous approcher du noyau de la détresse de l’autre provoque angoisse et peine et nous confronte à notre histoire, nos lésions et blessures, nos cicatrices.

Une pratique méconnue

Méconnuecar il est implicitement demandé aux intervenants de contenir les phénomènes de maltraitance à l’intérieur des organisations de la protection de l’enfance. Pierre Straus2, en 1979, disait déjà : « l’histoire de la maltraitance est l’histoire d’une grande surdité et d’un grand aveuglement ».

Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, rappelait en mars 2016 sa volonté de sortir la protection de l’enfance de l’angle mort des politiques publiques.

Les organisations ont progressivement invisibilisé la protection de l’enfance. Les fantasmes de contrôle, de maîtrise et de transparence ont progressivement limité, puis obéré les possibilités des professionnels à prendre des risques, à hésiter et à douter. Si les outils de la protection de l’enfance (PPE3 par exemple) sont souvent très opératoires, c’est qu’ils ne sont restés que des avatars de la traçabilité entraînant perte, voire absence de sens et de direction. La dimension clinique est aujourd’hui interrogée à partir de référentiels nécessaires pour aider et soutenir les professionnels de terrain à accomplir leurs missions et à améliorer la qualité et la fiabilité de leurs évaluations. Travailler à un meilleur accueil et à une meilleure réception des multiples informations est nécessaire, mais dans un domaine où la subjectivité n’est pas un vilain défaut et participe activement de l’évaluation, il est indispensable de ne pas réduire la question de l’évaluation des situations familiales à la seule problématique du traitement de l’information dite objective. L’enjeu est de ne pas substituer la pensée à la procédure [3]. Les référentiels sont pertinents tant qu’ils aident et soutiennent les questionnements, qu’ils guident les interrogations et qu’ils permettent la problématisation des situations. L’inflation des procédures d’évaluation, trop souvent centrées sur le résultat et la mesure, réduisent l’homme à un objet transparent. Oublier qu’évaluer passe nécessairement par une rencontre, c’est perdre de vue qu’elle doit permettre, de surcroît, de mettre en valeur un enfant, un parent, un groupe familial.

Le professionnel doit réapparaitre là où il a progressivement été évincé. La dimension du transfert et du contre-transfert dans la dimension évaluative ne peut pas être occultée. L’évaluation doit impérativement s’appuyer sur la relation et elle ne peut donc être détachée des mouvements émotionnels à l’œuvre.

Méconnue, la protection de l’enfance l’est aussi du fait d’une raréfaction des espaces de pensées et de réflexions au sein des équipes, d’une disparition de la veille documentaire au bénéficie d’une opérationnalité sans bornes. Le peu de partenariat entre le champ de la protection de l’enfance et la recherche universitaire ne favorise pas la production d’études et de recherches nécessaires pour faire connaître et reconnaitre ce champ.

Outre la charge mentale et émotionnelle que porte les acteurs de la protection de l’enfance, générée naturellement par la situation de souffrance des enfants et la violence des situations, ces derniers sont également impactés par l’insuffisance des engagements financiers qui limite et empêche un exercice de qualité. Ainsi, lorsqu’un cadre de l’Aide Sociale à l’Enfance passe une journée entière à la recherche un lieu d’accueil adapté à la problématique de l’enfant confié ; que, le soir venu, du fait de la saturation des places d’accueil et des dispositifs départementaux, il se trouver contraint d’accepter la seule place libre, obligé de baisser la garde sur ce qu’il savait bon et nécessaire pour l’enfant, nous comprenons aisément qu’il puisse souffrir d’une image négative et très dégradée de son travail, voire de lui-même. Dans ces conditions, communiquer positivement sur son action n’est pas chose aisée.

Nous identifions donc trois sources de souffrance et de mal-être chez les intervenants en protection de l’enfance :

  • le système d’intervention lui-même, du fait de modalités organisationnelles parfois inadaptées et incohérentes;
  • la nature même de la mission qui nous approche du noyau de la détresse de l’autre qui génère angoisses et peines ;
  • la rencontre avec des faits graves et douloureux qui provoquent la confrontation avec notre histoire, nos blessures et nos cicatrices.

Pour une clinique engagée et éclairée en protection de l’enfance : tenir le cap de la lucidité et de l’espoir

Cet état des lieux de la protection de l’enfance où nous avons tenté d’identifier les facteurs à l’origine des souffrances et des difficultés des professionnels ne doit pas nous faire perdre de vue l’engagement quotidien de ses acteurs.

Cet engagement, pour rester éclairé, impose, pour les professionnels, de tenir le double fil de la lucidité et de l’espoir. Lucidité quant à la réalité des différentes formes de violences exercées sur les enfants et les dommages causés sur leur développement. Espoir, quant à la possibilité d’un apaisement des tensions intrafamiliales, de l’arrêt des violences et donc d’une évolution favorable de la situation. Lucidité sur les facteurs d’empêchements de la parentalité et espoir quant au développement de la capacité à être parent.

La lucidité, pour les professionnels, passe par une meilleure formation. Elle repose sur la mise à disposition et la maîtrise de connaissances théorico-cliniques suffisantes pour pouvoir, entre autres, se repérer dans le développement de l’enfant et ses avatars, pour être également au clair des processus et des étapes de la parentalisation.

L’espoir, quant à lui, est nécessaire pour pouvoir passer de la fatalité à la liberté. Impératif pour pouvoir accompagner et soutenir parents et enfants dans la délicate transformation de relations mortifères en interactions respectueuses de soi et de l’autre.

La lucidité implique :

  • de développer une meilleure connaissance du développement de l’enfant et de ses besoins ;
  • de mieux identifier les formes de souffrance de l’enfant : des symptômes aux formes asymptomatiques ;
  • de pouvoir penser la délicate question de la responsabilité parentale dans la souffrance de l’enfant ;
  • d’avoir une compréhension clinique du trauma et de ses effets ;
  • de pouvoir penser la notion de précarité narcissique du côté des parents,
  • de pouvoir créer un partenariat solide et pérenne avec la psychiatrie et lutter contre les représentations respectives erronées ;
  • d’assouplir les lignes pour construire de véritables projets transversaux : département, Agence Régionale de Santé, Protection Judiciaire de la Jeunesse…

L’espoir impose :

  • de garder la capacité d’être étonné en dépit de son savoir et de son expérience ;
  • de faire preuve de rigueur de pensée, de patience, de modestie en pacifiant son désir d’emprise et de contrôle sur l’autre ;
  • d’accepter que les familles et les enfants « échappent » aux projets et aux dispositifs professionnels les mieux ficelés ;
  • de lutter contre une théorie implicite de la fatalité et du destin ;
  • de résister contre la force de l’habitude : « il est habitué à ça » ;
  • d’utiliser de façon rigoureuse le concept de transmission transgénérationnelle et de son corollaire la capacité à briser ce cycle de répétition ;
  • de développer de nouveaux outils pour soutenir les personnes et les familles : clinique de la concertation, conférences familiales, pouvoir d’agir… ;
  • d’être discriminant entre les souffrances normales qui participent de la construction d’un enfant et la reconnaissance des violences qui entravent son développement physique, psychique, social et cognitif…

Les professionnels de la protection de l’enfance ont besoin d’être aidé et accompagné pour lier et tenir ensemble l’exigence de lucidité, qui garantit la mission de protection de l’enfant, et l’espoir, qui, quant à lui, soutient et promeut la possibilité d’un changement.

Perspectives pour les temps présent

Soigner les organisations est d’une extrême urgence si l’on veut prendre soin des professionnels et des usagers de la protection de l’enfance. Paul Claude Racamier4 disait qu’il suffisait que le milieu thérapeutique se dissocie pour que les patients se dissocient.

La prévention de la souffrance et des difficultés des professionnels en protection de l’enfance dépasse la « simple » prévention des facteurs de risques psychosociaux. Il ne s’agit pas uniquement de réduire la charge de travail ou les contraintes de temps mais bien de mener une réelle et profonde réflexion sur les organisations et leurs effets.

Nous ne pouvons-nous satisfaire de l’organisation actuelle des services où la prévalence des statuts déterminent strictement les champs de compétence, où les aliénations sociales les plus ordinaires s’exercent d’une façon naturelle et se fondent dans les us et coutumes administratives ou hospitalières, voire associatives aujourd’hui (hiérarchie, déclaration d’événements indésirables, cotation et gradation des interventions par exemple).

L’enjeu est de faire de la protection de l’enfance un objet politique au sens noble du terme participant d’une reconnaissance de la spécificité de ce secteur et de ses acteurs.

C’est par la possibilité de parler de son travail, de son action, qu’un professionnel se sentira légitime, investi et engagé. Pour cela, être autorisé à prendre un risque est fondamental. Bénéficier d’une organisation qui fonctionne comme une enveloppe contenante est nécessaire. Manager avec comme seule boussole la dimension assurantielle est une catastrophe. Gouverner avec la peur et le refus de l’autre est un non-sens.

Dans un champ aussi complexe que celui de la protection de l’enfant, les professionnels ont besoin d’une structure de qualité pour penser et intervenir. Une « base de sécurité » institutionnelle pour pouvoir apprivoiser la complexité sans la réduire ni la balayer, pour pouvoir interroger les certitudes autant que les incertitudes.

Il ne peut y avoir changement, transformation et apprentissage qu’à la condition de pouvoir s’engager dans la rencontre avec l’autre. Ceci est d’ailleurs valable tant dans la relation éducative, pédagogique que soignante. Le titre d’un colloque : « Prendre des risques en toute sécurité » qui vient de se tenir à Nîmes et organisé par l’ADC5, nous en rappelle l’urgence. Il est impératif de se ressaisir, de changer de registre organisationnel et opérationnel, afin d’offrir aux acteurs de la protection de l’enfance la sécurité et les points d’appuis fondamentaux à l’exercice d’une mission nécessaire.

Points à retenir

  • L’invisibilisation de la protection de l’enfance provoque souffrances et blessures chez les professionnels.
  • Nous approcher du noyau de la détresse de l’autre est effrayant.
  • La protection de l’enfance est une clinique complexe, exposée et méconnue.
  • Une clinique éclairée et engagée en protection de l’enfance impose de tenir le double fil de la lucidité et de l’espoir.
  • Prendre soin des enfants et des familles implique de soigner les organisations.

Liens d’intérêts

l’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.


1 Michèle Creoff, vice-présidente du Conseil National de la Protection de l’Enfance (CNPE).

2 AFIREM (Association Française d’Information et de Recherche sur l’Enfance Maltraitée) a été créée en 1979 sous l’impulsion de Pierre Straus, pédiatre.

3 Projet Pour l’Enfant.

4 Paul Claude Racamier, psychiatre, psychanalyste.

5 Association de Directeurs, Cadres de direction du secteur sanitaire, social et médico-social.

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