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Troubles du cycle, aménorrhée et syndrome des ovaires polykystiques chez l’adolescente Volume 21, numéro 3, Juillet-Août-Septembre 2019

Illustrations


  • Figure 1

  • Figure 2

  • Figure 3

Tableaux

Les troubles du cycle menstruel chez l’adolescente sont un motif fréquent de consultation. Les premières règles surviennent en moyenne deux ans après la thélarche [1]. En France, la ménarche survient entre 11 et 14 ans chez 90 % des filles (en moyenne 12 ans et 8 mois) [2]. Il existe néanmoins des variabilités selon l’origine ethnique, les facteurs socio-économiques et les facteurs nutritifs.

En physiologie, les cycles sont souvent irréguliers dans les deux ans qui suivent les premières règles. Leur durée peut varier de vingt et un à quarante-cinq jours. Ce phénomène est fonctionnel et le plus souvent transitoire, secondaire à une immaturité du mécanisme de rétrocontrôle positif de l’œstradiol sur l’hormone lutéinisante (LH) [3].

Des études longitudinales ont montré que les cycles deviennent rapidement réguliers chez l’adolescente. En effet, une étude américaine a été réalisée chez 112 adolescentes caucasiennes : un an après la ménarche, 65 % d’entre elles avaient eu plus de dix épisodes de règles et 90 % avaient plus de dix cycles par an à trois ans. Dans cette étude, 80 % des cycles étaient ovulatoires à un an [4]. Un interrogatoire réalisé en Hollande chez 2 480 adolescentes âgées de 14 à 17 ans a révélé que 92 % d’entre elles présentaient des cycles réguliers [5].

Ainsi, des cycles irréguliers constatés plus de deux ans après la ménarche doivent faire rechercher une pathologie sous-jacente. Ils sont le plus souvent secondaires à un syndrome des ovaires polykystiques, mais une pathologie organique telle qu’un bloc en 21-hydroxylase à révélation tardive ou une hyperprolactinémie doit être éliminée [3].

Le trouble du cycle – et notamment une aménorrhée – chez une adolescente peut parfois accompagner un retard pubertaire. La fréquence des différentes pathologies à l’origine d’un retard pubertaire a été évaluée par une équipe américaine : 30 % des cas seraient liées à un retard pubertaire simple, 20 % à un hypogonadisme hypogonadotrope organique, 19 % à un hypogonadisme hypogonadotrope fonctionnel et 26 % seraient en rapport avec une insuffisance ovarienne. Dans cette étude, l’étiologie du retard pubertaire ne pouvait pas être définie de façon précise dans 5 % des cas [6].

Aménorrhée de l’adolescente : définitions, étiologies et prise en charge

L’aménorrhée signifie l’absence de règles ; elle peut être primaire ou secondaire. Dans tous les cas, il est important d’éliminer une grossesse : il faudra toujours réaliser un dosage de l’hormone gonadotrophique chorionique (hCG).

L’aménorrhée primaire se définit par une absence de règles chez une patiente de 15 ans ayant un âge osseux supérieur à 13 ans. En cas d’aménorrhée primaire, un bilan est souhaitable deux ans après la thélarche et dans tous les cas après 14 ans [7].

L’aménorrhée secondaire se définit par l’interruption des cycles menstruels pendant plus de trois mois. Il est recommandé de réaliser des explorations en cas d’aménorrhée au-delà de quatre-vingt-dix jours chez l’adolescente.

Devant une jeune fille consultant pour des troubles du cycle menstruel ou une aménorrhée, toutes les étiologies doivent être évoquées : des anomalies morphologiques (imperforation hyménéale, absence d’utérus…) aux dysfonctionnements ovariens (insuffisances ovariennes, hyperandrogénies ovariennes), en passant par les causes hypothalamo-hypophysaires.

Il faudra préciser l’histoire familiale, le stade pubertaire en s’appuyant sur la classification de Tanner, un antécédent de chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie ou de maladie chronique, l’existence de douleurs abdominales, de céphalées, de troubles visuels, d’une anosmie ou d’une galactorrhée. L’indice de masse corporelle (IMC), la taille de la patiente, sa taille cible, la notion d’amaigrissement ou de prise de poids sont des paramètres importants à rechercher, tout comme l’évaluation de la pratique sportive. Les signes d’hyperandrogénie sont à quantifier (pilosité, hirsutisme voire hypertrophie clitoridienne).

Le bilan minimal comprend le dosage des gonadotrophines (hormone folliculostimulante [FSH], LH) et de l’œstradiol. Un test aux progestatifs permet d’orienter le diagnostic. Les dosages de la testostérone totale et de la 17-hydroxy-progestérone sont à réaliser essentiellement devant des signes d’hyperandrogénie.

Dans un deuxième temps, devant un tableau d’hypogonadisme hypergonadotrope, le caryotype devra être réalisé. À l’inverse, en cas d’hypogonadisme hypogonadotrope, le dosage de la prolactine et une IRM hypophysaire sont indispensables.

L’échographie pelvienne permet d’évaluer la présence d’un utérus et sa taille. Une hauteur utérine de 35 mm signe le début de la puberté. Une IRM pelvienne peut être réalisée dans certains cas, par exemple, si l’échographie, réalisée par voie abdominale en général, est d’interprétation difficile.

En cas d’obésité associée aux troubles du cycle, il est souhaitable de dépister un éventuel syndrome métabolique : mesure du tour de taille, de la tension artérielle, réalisation d’un bilan glucido-lipidique.

Aménorrhée primaire

Elle est définie par une absence de règles chez une patiente de 15 ans, ayant un âge osseux supérieur à 13 ans (fusion plus ou moins complète des P3 des doigts).

Les étiologies sont diverses, nécessitant un interrogatoire et un examen clinique complet, des explorations biologiques, une échographie pelvienne, voire des explorations génétiques.

Les causes d’aménorrhée primaire sont :

  • le SOPK ;
  • les causes hypothalamo-hypophysaires ;
  • les autres causes endocriniennes d’origine ovarienne ou surrénalienne ;
  • les malformations utéro-vaginales.

Devant une aménorrhée primaire, il est nécessaire d’évaluer le développement pubertaire selon les stades de Tanner, en particulier le développement mammaire. La figure 1 illustre la cotation du développement mammaire, selon les stades de Tanner.

En l’absence de développement mammaire = retard pubertaire

L’absence de développement mammaire traduit une absence de sécrétion d’œstradiol ou une absence de l’action de l’œstradiol. Il peut s’agir d’un retard pubertaire simple, mais il est indispensable d’exclure une pathologie sous-jacente. Le dosage des gonadotrophines permet l’orientation diagnostique.

En cas de retard pubertaire, la détermination de l’âge osseux doit être systématique ; il permet d’évaluer indirectement la maturation globale de l’organisme [9]. Pour cela, il faut réaliser une radiographie de la main et du poignet gauches de face, lue par un radiologue entraîné, en utilisant l’atlas de Greulich et Pyle [10]. Le début de la puberté se situe aux alentours d’un âge osseux de 11 ans chez la fille, correspondant à l’apparition de l’os sésamoïde du pouce. L’âge osseux permet également d’interpréter les résultats du dosage des gonadotrophines hypophysaires. En effet, si l’âge osseux est inférieur à 11 ans chez la fille avec des valeurs de FSH et LH basses, cela peut correspondre à un retard pubertaire simple. En revanche, si les gonadotrophines sont basses alors que l’âge osseux a dépassé 11 ans, le diagnostic de déficit gonadotrope est probable.

En cas d’hypogonadisme hypergonadotrope

La FSH est élevée, > 25 UI/L, en regard d’un œstradiol effondré. Le test au progestatif sera négatif : la prise d’un progestatif pendant une durée de dix jours n’induira pas de saignement dans les quinze jours après l’arrêt [11].

Insuffisance ovarienne prématurée

Le diagnostic à évoquer est celui d’une insuffisance ovarienne prématurée (IOP). Elle survient chez 1 à 3 % des femmes avant l’âge de 40 ans. Elle peut être en rapport avec une déplétion primitive du stock de follicules primaires, une atrésie accélérée des follicules ou avec un défaut de sélection et/ou à un blocage de la maturation folliculaire [12].

Le syndrome de Turner, ou monosomie X dans sa forme classique, est la cause la plus fréquente d’IOP. Il existe dans ce syndrome une atrésie accélérée des follicules. Sa fréquence est comprise entre 1/1 500 et 1/2 500 naissances féminines vivantes. L’impubérisme s’accompagne d’un syndrome dysmorphique plus ou moins marqué (anomalies squelettiques, lymphœdème, cou palmé, implantation basse des cheveux, nævi cutanés), ainsi que d’une petite taille (taille définitive le plus souvent inférieure à 1 m 50). L’insuffisance ovarienne est quasi-constante, même si 30 % des patientes vont présenter une puberté spontanée, en général retardée. D’autres anomalies sont souvent associées : anomalies cardiaques congénitales, anomalies rénales congénitales, hypothyroïdie, ostéopénie ou ostéoporose, anomalies oculaires (strabisme, amblyopie, anomalie de la vision des couleurs), atteintes auditives. Il faudra les dépister au cours du suivi.

D’autres causes d’IOP sont possibles :

  • Causes iatrogènes : chimiothérapie, radiothérapie. Il existe dans ce cas une accélération de l’apoptose. Les agents alkylants sont les médicaments le plus souvent à l’origine d’une IOP. L’âge de la patiente au moment du traitement représente le meilleur facteur pronostique de récupération de la fonction ovarienne [13].
  • Causes génétiques : anomalies du nombre ou de structure du chromosome X, anomalies autosomiques, mutations génétiques… [14]. Le tableau 1 résume les principales anomalies génétiques impliquées dans l’IOP.
  • Causes auto-immunes : dans cette situation, l’IOP peut par exemple s’intégrer dans une polyendocrinopathie auto-immunede type I (APECED) ou être associée à d’autres endocrinopathies auto-immunes. Il n’existe pas de marqueur spécifique et notamment la présence d’anticorps anti-ovaires n’est pas performante pour faire le diagnostic d’une IOP auto-immune.

Le bilan minimal à réaliser en cas d’IOP comporte le caryotype, la recherche d’une prémutation du gène FMR1 (syndrome de l’X fragile), un bilan auto-immun avec les anticorps anti-thyropéroxydase et anti-21-hydroxylase, une glycémie à jeun et un dosage de la thyréostimuline (TSH). Le reste des investigations génétiques doit être orienté en fonction du contexte clinique.

Néanmoins, le plus souvent, l’étiologie reste inconnue (70 % des cas sont des IOP idiopathiques).

Résistance aux œstrogènes

Exceptionnellement, il peut exister une élévation majeure du taux plasmatique d’estradiol (E2 > 1 000 pg/mL), associée à des gonadotrophines élevées. Deux cas ont été décrits à ce jour, correspondant à une résistance aux estrogènes par perte de fonction du récepteur ERα. Celle-ci est caractérisée par une absence de développement mammaire, une atrophie endométriale et de gros ovaires kystiques [15].

En cas d’hypogonadisme hypogonadotrope

La FSH et surtout la LH sont basses (ou parfois « anormalement normales »), en regard d’un œstradiol bas dans ce cas.

Pathologie tumorale ou infiltrative

L’IRM hypophysaire est indispensable afin de ne pas méconnaître une pathologie tumorale ou infiltrative (sarcoïdose, histiocytose) de la région hypothalamo-hypophysaire. L’ensemble des fonctions antéhypophysaires doit être exploré afin de dépister une hyperprolactinémie ou une insuffisance antéhypophysaire globale. Les tumeurs en cause sont essentiellement les adénomes hypophysaires et les craniopharyngiomes [12]. Les prolactinomes (ou adénomes à prolactine) sont les tumeurs hypophysaires les plus fréquentes. Ils sont rares chez les enfants et adolescentes, mais représentent 50 % de tous les adénomes hypophysaires, soit 2 % des tumeurs intracrâniennes [16]. L’élévation de la prolactinémie entraîne une inhibition de la sécrétion pulsatile de gonadolibérine (GnRH). Les symptômes comprennent généralement ceux de l’hyperprolactinémie (retard pubertaire, troubles du cycle menstruel ou aménorrhée ± galactorrhée), éventuellement associés à un syndrome de masse tumorale (céphalées, troubles du champ visuel, troubles neurologiques, etc.). L’IRM hypophysaire permettra de déterminer la taille de la tumeur (microadénome si < 10 mm, macroadénome si > 10 mm). Elle pourra être complétée par un champ visuel ainsi que par une mesure de l’acuité visuelle, dont l’atteinte conditionne l’urgence du traitement [12]. Le traitement étiologique est chirurgical en cas de processus tumoral, éventuellement associé à une radiothérapie. Le traitement hormonal substitutif permettra de corriger les déficits hypophysaires existants.

Hypogonadismes hypogonadotropes congénitaux

Les hypogonadismes hypogonadotropes congénitaux sont très rares. Le plus connu (mais pas forcément le plus fréquent) est le syndrome de Kallmann-de Morsier qui associe un hypogonadisme hypogonadotrope à une anosmie. Plusieurs mutations génétiques responsables de ce syndrome ont été identifiées [17]. D’autres déficits gonadotropes génétiques sans anosmie ont également été décrits (mutation de la GnRH ou de son récepteur, mutation du gène Kiss-1 ou de son récepteur…).

Aménorrhée hypothalamique fonctionnelle

L’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle (AHF) est une cause fréquente d’hypogonadisme hypogonadotrope, caractérisée par une perturbation de l’activité pulsatile des neurones à GnRH. Le diagnostic ne peut être confirmé qu’après avoir éliminé une pathologie organique (par conséquent, après réalisation d’une IRM hypophysaire) [18]. L’AHF est liée à une alimentation pauvre en lipides et/ou un excès d’activité sportive ; classiquement, les danseuses ou coureuses à pied, chez qui l’exercice physique est important et répété. L’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle peut également s’intégrer à une maladie chronique : maladie de Crohn, maladie cœliaque, pathologies cardiaques congénitales, insuffisance rénale, etc.

Le spectre clinique est large, allant d’une aménorrhée primaire sans développement mammaire à une aménorrhée secondaire. Le test au progestatif est le plus souvent négatif, même s’il peut être faiblement positif dans des formes partielles. Le test à la GnRH n’est plus recommandé [18].

Retard pubertaire simple

Le retard pubertaire simple est un diagnostic d’élimination, il est beaucoup plus rare chez la fille que chez le garçon : il touche 2,5 % des filles qui débuteront leur puberté après 13 ans. Habituellement, le délai d’apparition des règles ne dépasse pas trois ans après les premiers signes pubertaires ; mais il est possible d’observer chez certaines jeunes filles l’apparition des règles vers 17 à 20 ans seulement. Étant donné la grande fréquence des formes familiales, il existe probablement des facteurs génétiques de prédisposition à une puberté retardée [12].

Biologiquement, l’œstradiolémie se situe à des valeurs normales basses, avec un test à la GnRH normal. Lorsque le taux d’œstradiol dépasse 50 pg/mL et/ou si l’échographie montre une imprégnation œstrogénique suffisante de l’utérus, un traitement progestatif séquentiel pendant 10 jours peut permettre d’induire les menstruations.

En l’absence de retard pubertaire

Le syndrome des ovaires polykystiques

Il représente la cause la plus fréquente de troubles du cycle et d’aménorrhée chez l’adolescente. Un chapitre spécifique lui est consacré plus loin dans l’article.

Les malformations utéro-vaginales

Ces malformations sont détaillées dans un article dédié à ce sujet dans cette revue. La recherche de douleurs abdominales permet d’orienter le diagnostic étiologique.

Autres étiologies

Si l’échographie pelvienne met en évidence un utérus, le diagnostic est celui d’un arrêt de développement pubertaire. Les étiologies sont alors communes à celles des aménorrhées secondaires.

La figure 2 illustre la démarche diagnostique devant une aménorrhée primaire chez l’adolescente.

Aménorrhée secondaire

Chez l’adolescente, l’aménorrhée secondaire correspond à une interruption des cycles menstruels au-delà de quatre-vingt-dix jours, chez une patiente préalablement réglée. Elle peut être précédée par une spanioménorrhée, se caractérisant par des règles très espacées, ceci après deux ans de mise en route des cycles. Les causes des aménorrhées secondaires de l’adolescente sont les mêmes que celles de la femme adulte. Il faut en premier lieu éliminer une grossesse, par un dosage d’hCG.

L’examen clinique recherchera des signes d’hyperandrogénie (acné, hyperséborrhée, hirsutisme voire alopécie du vertex, hypertrophie clitoridienne, modification de la voix) et une prise de poids à l’adolescence. Des signes plus spécifiques doivent être recherchés comme un acanthosis nigricans, témoin d’une insulino-résistance, une galactorrhée, et plus rarement des signes d’hypercorticisme. Les dosages à réaliser sont la FSH, la LH, l’œstradiol et la prolactine, ainsi que les androgènes ovariens et surrénaliens (testostérone totale, Δ4-androsténédione et 17-hydroxy-progestérone). Une évaluation morphologique par une échographie pelvienne doit être pratiquée.

Causes ovariennes

Le syndrome des ovaires polykystiques

Le cas particulier du SOPK de l’adolescente sera détaillé de façon plus précise à la fin de cet article.

L’insuffisance ovarienne prématurée

Il s’agit dans ce cas d’un hypogonadisme hypergonadotrope. Les étiologies sont identiques à celles décrites précédemment dans le chapitre des aménorrhées primaires.

Les tumeurs ovariennes virilisantes

Les tumeurs ovariennes virilisantes doivent être évoquées devant une hyperandrogénie importante et/ou des signes d’hypercorticisme. L’hirsutisme peut être très important, avec apparition d’une pilosité sur le visage et le torse, une raucité de la voix et la présence d’une hypertrophie clitoridienne. Biologiquement, les gonadotrophines sont en général effondrées. Les taux de testostérone plasmatique sont souvent supérieurs à 1,5 ng/mL, avec des taux de Δ4-androsténédione souvent modérément élevés.

Causes surrénaliennes

Le bloc en 21-hydroxylase de forme non classique

Le bloc en 21-hydroxylase dans la « forme non classique » est un déficit enzymatique partiel en 21-hydroxylase aboutissant à un excès de précurseurs, la 17-hydroxy-progestérone, en partie convertie en androgènes surrénaliens responsables de l’hyperandrogénie. Il s’agit d’une pathologie autosomique récessive[19].Au niveau hypothalamique, la 17-hydroxy-progestérone et les androgènes convertis en œstrogènes exercent un rétrocontrôle négatif sur l’axe gonadotrope, à l’origine d’une dysovulation « centrale ». De plus, une partie des androgènes surrénaliens en excès agit au niveau ovarien et serait capable d’induire un trouble de la folliculogenèse, proche de celui observé dans le SOPK, en agissant sur les cellules de la granulosa des follicules ovariens en croissance. Il a en effet été rapporté un tableau échographique d’ovaires polykystiques chez près de 50 % des patientes présentant une forme non classique de bloc en 21-hydroxylase (c’est pourquoi il conviendra de toujours éliminer un bloc en 21-hydroxylase avant de poser le diagnostic de SOPK, en accord avec les critères de Rotterdam) [19, 20]. Le bloc en 21-hydroxylase de forme non classique peut se manifester à l’adolescence par une accélération de la vitesse de croissance staturale, une prémature pubarche, une pseudo-puberté précoce, une hyperandrogénie (acné, hirsutisme), une aménorrhée (primaire ou secondaire) ou d’autres troubles du cycle menstruel. Il peut également être paucisymptomatique à l’adolescence dans certaines formes.

Le diagnostic repose sur le dosage de la 17-hydroxy-progestérone de base et éventuellement après test au Synacthène® (valeur-seuil : 10 ng/mL). Il est confirmé par la recherche des mutations génétiques du gène CYP21[21]. La grande majorité des formes non classiques de déficit en 21-hydroxylase ne sont pas reconnus par le dépistage néonatal. Ainsi, le fait que ce dernier soit négatif ne doit en aucun cas permettre d’éliminer le diagnostic. Le traitement du bloc en 21-hydroxylase de forme non classique consiste à traiter les signes d’hyperandrogénie. L’utilisation d’anti-androgènes comme l’acétate de cyprotérone sont proposés en cas d’hirsutisme invalidant. Les glucocorticoïdes (le plus souvent l’hydrocortisone) dont le but est de freiner l’axe corticotrope peuvent être discutés dans certaines situations.

Le déficit en 11β-hydroxylase

Le déficit en 11β-hydroxylase est beaucoup plus rare. Il représente la deuxième cause d’hyperplasie congénitale des surrénales, avec une prévalence de 5 à 8 % et une fréquence globale estimée à 1 pour 100 000 naissances. Il est en rapport avec des mutations du gène CYP11B1[22]. Le déficit en 11β-hydroxylase se caractérise par un déficit en glucocorticoïdes, une hypertension artérielle, une hyperandrogénie et une virilisation avec troubles du cycle chez les femmes [23].

Étiologies plus rares

Le syndrome de Cushing

Le syndrome de Cushing, beaucoup plus rare chez l’adolescente, doit être évoqué sur symptômes cliniques : érythrose faciale, vergetures pourpres et larges, amyotrophie, obésité. Le dépistage est réalisé par un dosage du cortisol libre urinaire sur 24 h et/ou par un freinage minute (dosage du cortisol à 8 h le matin, après prise de 1 mg de dexaméthasone à minuit [24].

Les tumeurs surrénaliennes virilisantes

Dans les tumeurs surrénaliennes virilisantes, les taux de sulfate de déhydroépiandrostérone sont très élevés. Ces tumeurs sont exceptionnelles ; c’est pourquoi le dosage systématique du SDHEA chez une adolescente n’est pas justifié en cas d’hyperandrogénie modérée mais sera proposé seulement en cas de virilisation et ou de testostérone totale supérieure à 1,5 ng/mL.

Causes hypothalamo-hypophysaires = hypogonadisme hypogonadotrope

Les étiologies sont similaires à celles des hypogonadismes hypogonadotropes responsables d’une aménorrhée primaire chez l’adolescente : causes tumorales ou infiltratives, hyperprolactinémie, aménorrhée hypothalamique fonctionnelle (diagnostic d’élimination). Elles ont été détaillées un peu plus haut dans l’article.

Causes utérines

L’aménorrhée peut être secondaire à des synéchies utérines, d’origine infectieuse (tuberculose, endométrite à germes banals) ou traumatique (curetage abrasif). Le diagnostic sera évoqué à l’interrogatoire, conforté par un bilan hormonal normal et l’absence de menstruations suite à un traitement œstroprogestatif. Une hystéroscopie ou une hystérosalpingographie permettront de confirmer le diagnostic. Le traitement aura pour but de lever la synéchie.

La figure 3 synthétise les étiologies possibles devant une aménorrhée secondaire de l’adolescente.

Prise en charge

Le traitement de l’hypogonadisme à l’adolescence est indiqué :

  • Si l’absence de puberté est attendue à l’adolescence, secondaire à une pathologie développée dans l’enfance.
  • S’il existe une aménorrhée, le plus souvent entre 14 et 16 ans : aménorrhée avec impubérisme, aménorrhée primaire ou secondaire avec développement pubertaire partiel ou complet, aménorrhée avec hyperandrogénie.

Le diagnostic étiologique précis doit être établi avant le début du traitement [25].

Le traitement médical de l’hypogonadisme de l’adolescente, qu’il soit hypo- ou hypergonadotrope, organique ou fonctionnel, fait appel aux œstrogènes et aux progestatifs dans la plupart des cas. La dose et la séquence du traitement seront fonction de l’âge de la patiente, de sa taille, du stade pubertaire et de la profondeur du déficit. Seuls les hypogonadismes dus à une hyperprolactinémie isolée relèvent d’un traitement spécifique par des agonistes dopaminergiques (la cabergoline par exemple).

Schéma de traitement

L’utilisation de faibles doses d’œstrogènes au début du traitement est admise par tous, en raison de l’effet-dose des œstrogènes sur la croissance osseuse (stimulants à faible dose, inhibiteurs à fortes doses) [26]. Le traitement est débuté à l’âge normal de la puberté (âge osseux : 11 ans), ou lorsqu’un ralentissement de la vitesse de croissance est observé. Une petite dose est maintenue tant qu’on souhaite un développement mammaire sans accélération de la maturation osseuse, soit pendant au moins deux ans. La dose d’œstrogènes est ensuite augmentée progressivement pour aboutir au traitement substitutif de l’adulte en quatre à cinq ans. Le progestatif est introduit secondairement, lorsque la dose d’œstradiol est supérieure à 0,5 mg/j (voie orale) et lorsque l’utérus est pubère. Le traitement œstroprogestatif à dose substitutive est débuté à la fin de la période de croissance. La dose d’œstradiol recommandée est de 2 mg/j pour l’œstradiol oral. Un progestatif est associé dix à quatorze jours par cycle. Les règles surviendront dès le premier cycle du traitement œstroprogestatif. Celui-ci permettra un développement pubertaire normal et complet. L’œstradiol par voie orale est la forme galénique la plus adaptée. Cependant, l’existence d’antécédents ou de facteurs de risque thromboemboliques contre-indiquant la voie orale, les pathologies hépatiques avec cytolyse, l’hypertriglycéridémie et l’intolérance digestive devront faire utiliser l’œstradiol par voie percutanée/transdermique, à la dose minimale utile.

Cas particuliers

Lorsque l’hypogonadisme est fonctionnel (retard pubertaire simple, troubles du comportement alimentaire, maladie chronique, etc.), le même schéma thérapeutique est appliqué, mais des fenêtres thérapeutiques sont réalisées tous les 6 à 12 mois pour observer une éventuelle reprise spontanée de l’activité ovarienne. Les causes à l’origine du trouble seront prises en charge chaque fois que cela est possible.

Lorsque l’aménorrhée survient dans un contexte de développement pubertaire partiel ou complet, le traitement hormonal devra être adapté au stade pubertaire et au degré de carence œstrogénique évaluée sur le développement mammaire, les dimensions utérines et de l’endomètre en échographique, la densité osseuse et éventuellement l’œstradiolémie.

En cas d’aménorrhée avec hyperandrogénie, la cause la plus fréquente est le SOPK. La prise en charge comprend soit l’utilisation d’une contraception œstroprogestative soit le recours à l’acétate de cyprotérone en association avec de l’œstradiol naturel (per os ou transdermique), des mesures hygiéno-diététiques, et parfois un traitement par agents insulino-sensibilisants. Cette prise en charge spécifique sera détaillée un peu plus loin.

Cas particulier du syndrome des ovaires polykystiques chez l’adolescente

Le SOPK représente une des causes majeures d’anovulation, et l’étiologie la plus fréquente d’hyperandrogénie, chez l’adolescente comme chez la femme adulte. Il peut être responsable d’une aménorrhée primaire ou secondaire, même si la majorité des patientes décrivent plutôt l’existence d’une spanioménorrhée, généralement associée à une hyperandrogénie et à une surcharge pondérale, voire à un syndrome métabolique.

Ce syndrome est caractérisé par une grande hétérogénéité clinique et biologique, avec des difficultés diagnostiques et thérapeutiques amplifiées chez l’adolescente. En effet, la conférence de consensus internationale de 2017 sur le SOPK de l’adolescente souligne bien que les critères diagnostiques considérés comme pathologiques chez la femme adulte peuvent être considérés comme physiologiques (variantes de la normale) en période péripubertaire [27]. Cette conférence de consensus avait ainsi pour but d’améliorer la prise en charge diagnostique et thérapeutique du SOPK chez les adolescentes.

Rappels physiopathologiques

Les facteurs physiopathologiques prédisposant au SOPK sont encore mal connus. Le phénomène primitivement responsable des troubles de l’ovulation dans ce syndrome serait l’excès de synthèse des androgènes par les cellules de la thèque, essentiellement sous l’effet de facteurs intra-ovariens. Deux phénomènes essentiels constituent les troubles de la folliculogenèse associés au SOPK :

  • Une croissance excessive des follicules de 2 à 5 mm [28], très probablement liée à l’excès d’androgènes ovariens.
  • Une inhibition de la sélection d’un follicule dominant (follicular arrest).

L’hormone antimüllérienne (AMH), sécrétée par les cellules de la granulosa des petits follicules en croissance, pourrait être un des acteurs impliqués dans le trouble de la folliculogenèse associé à ce syndrome [29-31].

L’obésité androïde est fréquemment associée au SOPK (même s’il existe peu de données épidémiologiques spécifiques aux adolescentes), mais elle n’est ni nécessaire, ni suffisante pour induire ce syndrome. En revanche, il est admis que l’insulino-résistance, et donc l’hyperinsulinisme compensatoire associé vont avoir un effet amplificateur (et donc aggravant) sur l’hyperandrogénie ovarienne et sur le trouble de la folliculogenèse du SOPK.

Définition/diagnostic du syndrome des ovaires polykystiques à l’adolescence

Il n’existe pas de consensus actuellement sur la définition du SOPK chez l’adolescente. La définition basée sur les critères de Rotterdam de 2003 ne paraît pas être adaptée à l’adolescente [32]. En effet, le risque serait de surdiagnostiquer le SOPK. La conférence de consensus internationale de 2017 rappelle que la période péripubertaire est caractérisée par l’existence transitoire d’une hyperandrogénie, d’irrégularités menstruelles et de cycles dysovulatoires, rendant difficile le diagnostic de SOPK [27].

Clinique

L’acné est courante à l’adolescence, avec ou sans SOPK. L’hirsutisme associé au SOPK se développe plutôt au fil du temps. Par ailleurs, les irrégularités menstruelles sont fréquentes dans les années qui suivent la ménarche. Selon la conférence de consensus internationale de 2017, l’hyperandrogénie chez les adolescentes peut être la conséquence d’une maturation incomplète de l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien, tout comme les cycles anovulatoires [27].

Ainsi, d’après la conférence de consensus d’Amsterdam de 2012, c’est essentiellement la persistance de ces troubles au-delà des deux premières années suivant la ménarche ou la présence d’une aménorrhée primaire à l’âge de 16 ans qui doivent faire évoquer le diagnostic, a fortiori si l’hyperandrogénie clinique et/ou biologique est franche [33].

Hyperandrogénie clinique : hirsutisme, acné, alopécie

L’hirsutisme est défini par une pilosité excessive, répartie selon un mode masculin, dans des territoires normalement glabres chez la femme (visage, cou, thorax, ligne blanche, etc). L’hirsutisme doit être distingué de l’hypertrichose ; en effet, celle-ci correspond à un développement excessif du système pileux, réparti selon un schéma non sexuel. La sévérité de l’hirsutisme peut parfois ne pas correspondre aux taux sériques d’androgènes. Selon Ibáñez et al., l’hirsutisme modéré ou sévère peut être un signe d’excès d’androgènes dans les années suivant la ménarche [27]. Chez l’adulte, le score de Ferriman et Gallwey est utilisé pour coter l’hirsutisme. L’utilisation de ce score n’est pas toujours adaptée chez l’adolescente, puisqu’il a été décrit en incluant des femmes à partir de l’âge de 15 ans [27].

L’acné est un problème fréquent à l’adolescence, généralement transitoire. D’après la conférence de consensus internationale de 2017, l’acné inflammatoire, modérée ou sévère, surtout si elle ne répond pas aux traitements topiques, doit faire rechercher un excès d’androgènes. L’alopécie est rare et a été peu étudiée chez les adolescentes. Ainsi, Ibáñez et al. ont conclu que l’acné et l’alopécie ne doivent pas être considérées isolément comme des critères diagnostiques du SOPK chez les adolescentes [27].

Par ailleurs, l’adrénarche prématurée, définie chez les filles comme l’apparition de poils pubiens avant l’âge de 8 ans pourrait annoncer le SOPK dans l’enfance. Cependant, l’adrénarche prématurée ne précède pas le SOPK chez toutes les filles, et inversement [27]. Ce symptôme doit d’ailleurs faire éliminer avant tout un déficit en 21-hydroxylase dans sa forme non classique

Troubles du cycle menstruel

D’après la conférence de consensus internationale de 2017, les irrégularités menstruelles ne peuvent pas être considérées non plus comme un critère diagnostique unique du SOPK chez les adolescentes. En effet, celles-ci sont fréquentes pendant les deux premières années qui suivent la ménarche, voire même selon certains auteurs jusqu’à la cinquième année suivant la ménarche, même sans SOPK [27]. En règle générale, le test aux progestatifs est le plus souvent positif, attestant d’une imprégnation œstrogénique suffisante.

Biologie

La biologie est difficile à interpréter. Son but est essentiellement d’éliminer les causes graves d’hyperandrogénie. Il est donc impératif de doser dans tous les cas la testostérone totale, la 17-hydroxy-progestérone. De plus, selon Ibáñez et al., il est important de confirmer l’hyperandrogénie biologique chez les adolescentes symptomatiques avant d’envisager un diagnostic de SOPK [27].

Sur le plan hormonal, les androgènes plasmatiques sont augmentés. L’élévation persistante de la testostérone totale a été présentée comme la meilleure preuve de l’hyperandrogénie biologique chez l’adolescente présentant des symptômes de SOPK. Cependant, en raison de la variabilité des résultats de testostéronémie et des connaissances limitées sur les fluctuations des taux de testostérone au cours de l’adolescence, aucun seuil précis de testostéronémie n’a pu être retenu. Ceci est bien souligné dans la conférence de consensus internationale de 2017 [27].

Chez certaines patientes, il existe un hyperinsulinisme secondaire à une insulinorésistance, pouvant jouer un rôle pathogène. Toutefois, Ibáñez et al. soulignent bien dans la conférence de consensus internationale de 2017 que même si l’insulinorésistance et l’hyperinsulinémie sont souvent associées au SOPK et peuvent influencer son développement chez certaines patientes, les définitions actuelles du SOPK n’incluent pas l’obésité, l’insulinorésistance ou l’hyperinsulinémie dans les critères diagnostiques du syndrome [27].

Les anomalies de la tolérance glucido-lipidique doivent être recherchées, même si le diabète est exceptionnel à cet âge. Lorsque ces anomalies sont présentes, elles s’intègrent dans le syndrome métabolique, très fréquemment associé au SOPK.

Il faudra vérifier le cortisol libre urinaire des 24 h en cas de suspicion clinique d’hypercorticisme (vergetures larges et pourpres, comblement des creux sus-claviculaires, buffalo neck…). De même, la prolactine doit être dosée en cas de trouble du cycle, qu’il soit ou non associé à une galactorrhée (signe très inconstant chez l’adolescente).

Échographie pelvienne

L’échographie est également d’interprétation délicate à cet âge. En général, seule la voie sus-pubienne est possible.

Les critères de Rotterdam, qui sont les critères diagnostiques officiels du SOPK chez la femme adulte, sont définis pour la voie endovaginale [34] :

  • volume ovarien augmenté, supérieur à 10 mL ;
  • plus de douze follicules de 2 à 9 mm par ovaire (critère très difficile à obtenir par voie sus-pubienne, c’est pourquoi la mesure du volume ovarien est privilégiée).

Cependant, la conférence de consensus internationale de 2017 précise que l’aspect anatomique ovarien évolue avec l’âge : le volume ovarien augmente au cours de la puberté pour atteindre progressivement le volume adulte. De même, la taille des follicules change également avec l’âge : le plus grand nombre de petits follicules est observé à l’adolescence et au début de l’âge adulte, pour ensuite diminuer avec l’âge [27].

De plus, la morphologie ovarienne normale des adolescentes se rapproche beaucoup de celle des femmes atteintes de SOPK. L’hypertrophie du stroma ovarien ou la forme globuleuse des ovaires ne doivent plus être utilisée comme critères diagnostiques, en raison de leur médiocre sensibilité et/ou spécificité.

Le seuil de 12 follicules par ovaire est controversé depuis plusieurs années. En effet, l’amélioration des progrès techniques de l’imagerie et l’utilisation récente de sondes d’échographie endovaginales à haute fréquence > 8 MHz entraînent une surestimation artificielle de la prévalence des ovaires polykystiques échographiques dans la population générale si le seuil de 12 follicules antraux est maintenu. Désormais, le seuil utilisé pour le diagnostic de SOPK est plutôt de 19 à 25 follicules de 2 à 9 mm, mais ce seuil n’a pas encore été pris en compte officiellement dans les classifications actuelles, y compris dans la population particulière des adolescentes [35].

Il est bien reconnu désormais que le volume ovarien paraît plus adapté que le comptage folliculaire antral pour évaluer le critère « ovaires polykystiques échographiques » (PCOM) chez les adolescentes, en particulier parce que l’examen échographique par voie vaginale n’est souvent pas envisageable chez ces jeunes patientes. Initialement, un volume ovarien supérieur à 10 mL était recommandé pour le diagnostic de PCOM à l’adolescence. À l’heure actuelle, il est recommandé d’utiliser le seuil de 12 mL dans la population adolescente (seuil basé sur un volume ovarien supérieur à deux déviations standards au-dessus de la moyenne dans une population adolescente en bonne santé) [27, 35].

Par ailleurs, le compte folliculaire antral est difficile à réaliser chez l’adolescente. En effet, la voie sus-pubienne est très souvent la seule possible à cet âge. Or, les seuils de comptes folliculaires antraux ont été discutés en utilisant la voie endovaginale. C’est pourquoi, selon Ibáñez et al. la mesure du volume ovarien chez l’adolescente semble être plus adaptée et plus facilement réalisable, par voie sus-pubienne ou par voie endovaginale [27].

L’hormone antimüllérienne : une aide diagnostique pour le syndrome des ovaires polykystiques de l’adolescente ?

Le dosage de l’AMH pourrait être une aide au diagnostic de SOPK, surtout lorsque l’échographie pelvienne est peu contributive. En effet, le taux d’AMH sérique est très bien corrélé au nombre de petits follicules antraux et pourrait donc être un substitut au compte folliculaire antral [36]. Les taux d’AMH augmentent progressivement pendant l’enfance, puis restent relativement stables entre 8 et 25 ans [28]. Un taux d’AMH élevé à l’adolescence permet donc de s’orienter vers un SOPK, surtout s’il existe une oligoanovulation et/ou une hyperandrogénie associée, après avoir éliminé les autres causes [32]. Malheureusement, à l’heure actuelle, il n’existe pas de seuil d’AMH consensuel permettant de poser le diagnostic de SOPK chez l’adolescente. En effet, chez l’adolescente, le dosage de l’AMH semble avoir un pouvoir diagnostique plus faible que chez la femme adulte. Les données de la littérature sont encore peu nombreuses, avec des séries hétérogènes et des techniques de dosage de l’AMH différentes et même obsolètes pour certaines. Ainsi, l’utilisation du dosage sérique de l’AMH chez l’adolescente reste encore controversée pour le diagnostic du SOPK dans cette tranche d’âge particulière [37]. Cependant, avec l’apparition de nouvelles méthodes automatisées de dosage de l’AMH, on pourrait espérer avoir un seuil d’AMH consensuel, adapté à l’âge, dans un avenir proche [38]. Ainsi, Ibáñez et al. estiment que l’AMH ne devrait pas être utilisée comme critère diagnostique du SOPK chez l’adolescente car il existe une association plus faible des taux d’AMH avec le SOPK à l’adolescence. Ceci pourrait être dû à la présence de taux sérique d’AMH plus élevés chez les adolescentes non SOPK par rapport aux femmes adultes [27].

Prise en charge du syndrome des ovaires polykystiques de l’adolescente

Étant donné la grande hétérogénéité du syndrome, le but du traitement va dépendre des symptômes présentés par la patiente : régularisation des cycles menstruels, amélioration des signes d’hyperandrogénie, prise en charge globale et précoce du syndrome métabolique et des risques cardiovasculaires [33]. Le principal intérêt de diagnostiquer précocement le SOPK chez l’adolescente est de sensibiliser ces jeunes patientes aux complications métaboliques de ce syndrome et de les éduquer pour un bon respect des mesures hygiéno-diététiques.

Selon la conférence de consensus internationale de 2017 sur le SOPK de l’adolescente, l’intervention sur le mode de vie est incontournable en cas d’obésité et/ou d’insulino-résistance associée et doit reposer sur l’association d’un régime hypocalorique, et d’une activité physique. La perte de poids et l’exercice physique sont les traitements de première intention chez les filles en surpoids et obèses (niveau de preuve C). Ils permettent de diminuer les taux d’androgènes et normalisent les cycles menstruels (niveau de preuve A). Par ailleurs, ils améliorent les marqueurs de la santé cardio-métabolique (niveau de preuve B) [27].

Prise en charge de l’hyperandrogénie

L’hyperandrogénie des patientes affectées par le SOPK se manifeste en général immédiatement après la ménarche, principalement par l’apparition d’acné et d’hirsutisme.

En cas d’hyperandrogénie minime à modérée, la contraception œstroprogestative reste la pierre angulaire du traitement. Certains auteurs proposent le recours d’emblée en première intention aux contraceptifs œstroprogestatifs peu ou non androgéniques (désogestrel, gestodène, chlormadinone, norgestimate, drospirénone), afin de corriger les troubles du cycle tout en étant le plus efficace possible sur les manifestations mineures de l’hyperandrogénie [39, 40]. Il agit en diminuant les taux sériques de gonadotrophines et en augmentant la SHBG, conduisant ainsi à une baisse des androgènes. En outre, ce traitement permet également d’assurer une contraception efficace, si la patiente en exprime le besoin.

En cas d’hyperandrogénie sévère avec hirsutisme, l’acétate de cyprotérone à forte dose est un traitement de choix. Ce progestatif est doté d’un effet anti-gonadotrope et anti-androgène puissant. D’une part, il inhibe la liaison de la dihydrotestostérone à son récepteur ; et, d’autre part, il freine l’action d’enzymes surrénaliennes impliquées dans la stéroïdogenèse. Compte-tenu de l’action antigonadotrope puissante, le schéma associe classiquement 25 à 50 mg/j d’acétate de cyprotérone (Androcur®) à un œstrogène naturel (1 à 2 mg/j en comprimé, gel ou patch) pendant 20 à 21 jours sur 28. Des mesures cosmétiques comme la décoloration ou l’épilation au laser peuvent être associées aux traitements hormonaux, pour de meilleurs résultats [41].

En cas de contre-indication aux œstrogènes et/ou d’intolérance à l’acétate de cyprotérone, la spironolactone peut être utilisée. Son action anti-androgénique passe d’une part par la diminution de la biosynthèse de la testostérone et d’autre part par l’inhibition de la liaison de la dihydrotestostérone aux récepteurs aux androgènes. Son effet est net au bout du 3e mois de traitement. La dose initiale habituellement utilisée est de 75 à 100 mg/j. L’augmentation des doses sera progressive. La dose nécessaire peut être de 200 à 300 mg/j, surtout chez les patientes obèses. Une surveillance du ionogramme sanguin est indispensable avec ce traitement, en raison du risque d’hyperkaliémie. Il faudra associer la spironolactone à un oestroprogestatif (en l’absence de contre-indication) ou à un progestatif, car elle est responsable de troubles du cycle et n’a pas d’effet contraceptif.

Prise en charge du syndrome métabolique associé au syndrome des ovaires polykystiques de l’adolescente

Le syndrome métabolique est souvent observé à un âge plus jeune qu’habituellement. La prévalence du syndrome métabolique associé au SOPK a augmenté ces dernières années, notamment chez les jeunes. On l’estime entre 26 et 33 % selon les populations. Cependant, la prévalence du syndrome métabolique associé au SOPK chez les adolescentes est difficile à évaluer en raison de l’absence de critères diagnostiques objectifs et cohérents du syndrome métabolique dans cette tranche d’âge [42].

L’insulinorésistance est fortement associée à la surcharge pondérale ou à l’obésité, présentes chez 30 à 50 % des patientes adultes. Une méta-analyse récente a montré que le risque de développer un syndrome métabolique pour les adolescentes atteintes de SOPK était significativement plus élevé par rapport aux jeunes filles sans SOPK (OR : 2,69 ; IC 95 % : 1,29-5,60) [43]. Le risque de diabète de type 2 chez ces patientes serait 5 à 10 fois supérieur à celui de la population normale [44].

Ces chiffres alarmants posent l’indication d’une prise en charge la plus précoce possible de ces aspects chez les jeunes filles présentant un SOPK, notamment en cas d’obésité androïde. Il est important dans ce contexte particulier de mettre en place des mesures d’éducation thérapeutique afin de modifier leur mode de vie et leurs habitudes alimentaires, dans le but de favoriser le contrôle pondéral sur le long terme. De plus, la perte de poids peut permettre d’améliorer la régularité menstruelle. Le dépistage précoce et régulier d’une éventuelle intolérance au glucose voire d’un diabète de type et/ou d’une éventuelle dyslipidémie fait partie intégrante de la prise en charge de ces adolescentes [32].

La metformine n’a pas l’AMM chez les adolescentes et les sujets non diabétiques en France. La metformine est recommandée chez les femmes atteintes de SOPK souffrant de diabète de type 2 ou d’une intolérance aux hydrates de carbone ne s’améliorant pas avec les mesures hygiéno-diététiques.

Une méta-analyse récente a évalué l’utilisation de la metformine par rapport à la contraception œstroprogestative pour le traitement du SOPK chez les adolescentes. La conclusion était que la metformine était aussi efficace que les œstroprogestatifs pour le traitement de l’hirsutisme. La metformine s’est révélée supérieure à la contraception œstroprogestative pour la réduction pondérale et l’amélioration des troubles glucidiques. Mais les œstroprogestatifs étaient meilleurs pour la régulation des cycles menstruels. Les auteurs ont toutefois souligné que la qualité globale des données était médiocre et que des études ultérieures bien menées étaient nécessaires pour mieux répondre aux questions clés concernant le traitement du SOPK chez les adolescentes [45].

Points à retenir

  • Les troubles du cycle menstruel sont un motif de consultation fréquent à l’adolescence.
  • Un bilan étiologique exhaustif doit être réalisé afin de ne pas méconnaître une pathologie organique.
  • La prise en charge des troubles du cycle et/ou d’une aménorrhée doit être adaptée au stade de développement pubertaire.
  • Le SOPK demeure l’étiologie la plus fréquente de troubles du cycle, volontiers mais pas systématiquement associé à une hyperandrogénie ; son diagnostic à l’adolescence est plus délicat qu’à l’âge adulte.
  • La mise en place de mesures hygiéno-diététiques et la sensibilisation des jeunes patientes SOPK à contrôler leur poids sur le long terme, en prévention des complications métaboliques et cardiovasculaires associées à cette pathologie, représentent un aspect majeur de la prise en charge du SOPK.

Liens d’intérêts

les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

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