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Médecine thérapeutique

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Les myopathies inflammatoires : actualités et données d’intérêt pour le praticien Volume 25, numéro 2, Mars-Avril 2019

Illustrations


  • Figure 1

  • Figure 2

Tableaux

Les myopathies inflammatoires (MI) sont parmi les affections les plus rares parmi les connectivites, loin derrière le syndrome de Sjögren et le lupus érythémateux systémique (LES). Néanmoins, au cours de sa carrière professionnelle, tout praticien est amené à rencontrer au moins un ou deux patients présentant ces affections. Des avancées substantielles ont été réalisées, au cours des dernières années, dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique des patients atteints de MI, notamment grâce à une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques en cause. Le pronostic vital des MI reste relativement sombre, en lien avec leur caractère paranéoplasique fréquent, mais aussi avec les complications cardiorespiratoires spécifiques de la myopathie et les effets secondaires potentiels des traitements (infections). Ces facteurs concourent in fine à une survie inférieure à celle de la population générale : 66 % à cinq ans et 55 à 77 % à dix ans [1, 2].

Dans cet article, nous discutons les modifications nosologiques ainsi que la place diagnostique et pronostique grandissante occupée par les tests immunologiques, et nous présentons un état des lieux de la prise en charge thérapeutique des MI, au regard notamment des données d’intérêt de tout praticien.

Myosite nécrosante auto-immune : une nouvelle entité à part entière

La prise en charge des MI est basée sur l’élimination, devant un syndrome myogène, des principales causes évidentes de myopathie, notamment endocriniennes (e.g., thyroïdiennes) et toxiques (le plus souvent médicamenteuses), et sur la mise en évidence du caractère inflammatoire et dysimmunitaire de l’atteinte musculaire. La biopsie musculaire, la microscopie électronique et l’immunohistochimie permettent ensuite de faire la distinction entre les trois principales affections à savoir : la dermatomyosite (DM), la polymyosite (PM) et la myosite à inclusions [3]. En plus de ces trois entités, le terme « polymyosite probable » a été ajouté à la classification, il y a quelques années, pour décrire l’ensemble des atteintes musculaires inflammatoires auto-immunes contrastant histologiquement avec un infiltrat lymphoplasmocytaire très discret, voire absent [4].

La caractérisation clinique de plus en plus précise de cette « polymyosite probable » a permis de la requalifier récemment en « myosite nécrosante auto-immune » (MNA). Il s’agit en effet d’une entité susceptible, dans la grande majorité des cas, d’être rattachée à une toxicité musculaire autonomisée des statines [5, 6]. L’analyse clinique et paraclinique de plusieurs centaines de patients chez qui une myopathie a persisté malgré l’arrêt des statines révèle en effet la présence :

  • d’un syndrome myogène clinicobiologique et électrique,
  • d’une nécrose musculaire peu ou non inflammatoire à la biopsie,
  • d’autoanticorps très sensibles et spécifiques dirigés contre la 3-hydroxy-3-méthyl-glutaryl-coenzyme A réductase (HMGCR) [7].

Devant cette évolution des concepts, il est désormais impératif de rechercher une prise de statines devant toute MI et de surveiller de façon rapprochée et prolongée tout patient ayant présenté une myopathie aux statines dans ses antécédents proches ou lointains. Le tableau 1 reprend la classification actuelle des MI et leurs principales caractéristiques cliniques et paracliniques.

Cartographie immunologique et corrélations cliniques : apport des anticorps au diagnostic et au pronostic

Le domaine de l’auto-immunité à visée diagnostique a été bouleversé, ces dernières années, par les progrès réalisés en matière de recherche, de caractérisation et d’interprétation clinique et pronostique des autoanticorps. Dans le domaine des MI, outre la MNA et les anticorps anti-HMGCR mentionnés plus haut, trois grands volets ont bénéficié de ces avancées : les myosites à inclusions, les atteintes respiratoires et le cancer. Le tableau 2 reprend les principales corrélations clinicosérologiques au cours des myopathies inflammatoires.

Les anticorps anti-cN1A et anti-MUP44 sont observés dans 60 % des myosites à inclusions, contre 15-20 % dans la DM et la PM, avec une valeur pronostique péjorative très importante des anti-MUP44, associés à une survie bien plus réduite au cours des myosites à inclusions.

Les anticorps anti-MDA-5 sont quant à eux désormais considérés comme des marqueurs sérologiques fortement corrélés à la survenue d’une pneumopathie interstitielle diffuse, volontiers sévère et progressive, notamment au cours des DM amyopathiques.

Enfin, les patients atteints de DM et présentant des anticorps anti-NXP-2 et/ou anti-TIF-γ positifs ont un risque accru (hazard ratio de 4 à 5) de développer une pathologie maligne au cours de l’évolution [8].

Traitement des myopathies inflammatoires en 2019 : quoi de neuf ?

De toutes les MI, la myosite à inclusions, pour laquelle aucun médicament n’a prouvé son efficacité, constitue sans doute la plus décevante sur le plan thérapeutique, avec une évolution à sens unique, relevant beaucoup plus de la thérapie physique et de la rééducation que de la pharmacologie. Toutes les thérapies immunosuppressives ont en effet été essayées avec une efficacité très anecdotique – ou, dans certains cas, paradoxale, puisque conduisant à reconsidérer le diagnostic initial. Le bimagrumab est le dernier agent étudié en traitement de la MI, avec des résultats définitivement négatifs [9].

Pour les autres MI, la corticothérapie reste la pierre angulaire du traitement en première ligne, à la dose de 1 à 2 mg/kg/j, avec une dégression progressive ultérieure. En deuxième intention, suite à une corticodépendance ou à une corticorésistance, beaucoup de traitements immunosuppresseurs et immunomodulateurs ont été tentés. Le rituximab et les immunoglobulines polyvalentes intraveineuses (IgIV) sont toutefois les seuls à faire l’objet d’études randomisées et contrôlées, avec des résultats décevants pour le premier, encourageants pour les IgIV (2 g/kg/mois pendant six mois). Du côté des immunosuppresseurs classiques, le méthotrexate et l’azathioprine bénéficient d’un grand recul chez les praticiens, et demeurent de ce fait des alternatives valables dans cette indication, malgré l’absence d’essais prospectifs randomisés [9-12].

Par ailleurs, l’identification de la MNA a soulevé la question du traitement de choix en première ligne de cette nouvelle entité. Il a été en effet remarqué que les patients avec MNA, à la différence de la DM et de la PM, présentaient généralement une corticorésistance et avaient ainsi recours fréquemment, sinon toujours, aux traitements de deuxième intention. La tendance actuelle dans la MNA est donc de recourir facilement, voire d’emblée, en première intention, à des combinaisons thérapeutiques à base de corticoïdes associés aux immunoglobulines ou aux immunosuppresseurs [13].

Il est important, enfin, de rappeler que la recherche d’un cancer doit rester systématique dès le diagnostic, puis au sixième et au dix-huitième mois de suivi, et à chaque rechute ou réponse non optimale au traitement. La persistance ou la réapparition de signes musculaires sous corticoïdes n’est pas toujours synonyme de rechute ou de corticorésistance, et peut être le reflet d’une myopathie cortisonique plutôt que d’un échec thérapeutique [14].

La figure 1 propose une approche thérapeutique de la MI, et la figure 2 présente un algorithme global, diagnostique et thérapeutique, de la maladie.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec cet article.

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