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Journal de Pharmacie Clinique

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Etude de satisfaction de la pharmacie clinique au CHR d’Orléans Volume 39, numéro 3, Septembre 2020

Illustrations


  • Figure 1

  • Figure 2

Tableaux

La pharmacie clinique a été définie par la Société française de pharmacie clinique (SFPC) comme « une discipline de santé centrée sur le patient dont l’exercice a pour objectif d’optimiser la prise en charge thérapeutique, à chaque étape du parcours de soins » [1].

L’objectif de notre étude était d’évaluer le degré de satisfaction et les attentes des prescripteurs, neuf ans après la mise en place de cette activité. Cette activité a fait l’objet de différentes évaluations en France et à l’étranger.

Matériel et méthodes

L’activité de pharmacie clinique a débuté en 2009 au Centre hospitalier régional d’Orléans (CHRO). Actuellement, huit unités de soins de l’établissement bénéficient d’une présence pharmaceutique effective au moins une fois par semaine. Dans le cadre de cette activité, en 2018, nous avons analysé 24 277 prescriptions avec 8 955 interventions pharmaceutiques et avec un taux de refus de 14 %. Le CHRO comporte 1 715 lits et places, dont : 1 551 lits de médecine-chirurgie-obstétrique (MCO), 70 places d’ambulatoire et hôpitaux de jour et 94 lits de soins de suite et réadaptation (SSR). Le fonctionnement de la pharmacie clinique repose sur un binôme pharmacien senior/interne pour différents services comme la pneumologie, les soins palliatifs, la médecine interne et la chirurgie orthopédique. D’autres services bénéficient seulement d’un senior comme la rhumatologie, l’infectiologie et la chirurgie digestive. Le centre pénitencier Orléans – Saran accueille un interne deux jours par semaine.

Après une revue de la littérature française et internationale sur l’appréciation par les prescripteurs de l’activité de pharmacie clinique en milieu hospitalier, nous avons déterminé des questions pertinentes [2-6]. Un questionnaire a été établi, avec pour objectifs un temps de réponse n’excédant pas trois minutes et un taux de réponse optimisé (Annexe A).

Trois items ont été abordés :

  • la pertinence des informations transmises au cours de l’analyse pharmaceutique ;
  • l’aspect relationnel ;
  • les attentes du prescripteur vis-à-vis des interventions du pharmacien.

Le questionnaire est construit sous la forme de 23 questions courtes et fermées ; chacune permet au prescripteur de noter son degré de satisfaction de 1 à 5 et laisse la possibilité au prescripteur de rédiger un commentaire libre.

Concernant la pertinence des informations transmises au cours de la validation pharmaceutique, nous abordons 9 thèmes (grille de la Société française de pharmacie clinique) : interaction médicamenteuse, indication à la mise en place d’un traitement médicamenteux, redondance pharmacologique, adaptation posologique, modalités d’administration, équivalence thérapeutique, suivis thérapeutique et clinique, effets indésirables, contre-indication. Afin d’en faciliter la compréhension, chaque thème est illustré par un exemple concret d’intervention pharmaceutique.

L’aspect relationnel collige 6 thèmes : qualité de communication, disponibilité du pharmacien, éventuelle intrusion excessive, pertinence des interventions, réactivité et relationnel avec le service.

Les attentes du prescripteur vis-à-vis des compétences du pharmacien susceptibles de constituer une aide sont représentées par 8 thèmes. Ils concernent la réalisation de l’historique médicamenteux du patient, l’évaluation de l’observance du patient, l’analyse de la pertinence pharmaco-économique d’un traitement, l’information sur les médicaments, la transmission au pharmacien de ville, la rédaction de déclaration de pharmacovigilance, l’éducation thérapeutique, l’information des soignants sur le bon usage des médicaments et dispositifs médicaux.

Les unités de soins ciblées par l’enquête sont celles qui bénéficient de la présence d’un pharmacien clinicien au moins une fois par semaine. Ainsi, le questionnaire a été envoyé aux huit services de l’établissement disposant d’une présence pharmaceutique in situ : chirurgie digestive, chirurgie orthopédique, centre pénitentiaire (CPOS), infectiologie, médecine interne, pneumologie, rhumatologie, et soins palliatifs.

La liste des prescripteurs de chaque service ciblé a été récupérée auprès des affaires médicales de l’établissement. Cette liste précise pour chaque service le nombre de prescripteurs en fonction de leur statut (praticien hospitalier, praticien contractuel ou attaché, assistant, interne).

L’enquête s’est déroulée sur une période d’un mois. Les questionnaires ont été distribués de manière anonyme par l’intermédiaire des secrétariats de chaque unité de soins cible, par courrier interne le 03 septembre 2018. Chaque questionnaire rempli a été retourné au service en charge de la qualité et de la communication de l’établissement. Deux relances ont été effectuées après la distribution, chacune à 15 jours d’intervalle.

Lors de la réception des premiers questionnaires, il a été décidé de ne pas tenir compte dans l’analyse de l’item « intrusion excessive » du fait de la non-compréhension par les praticiens du libellé (réponses aberrantes).

Les résultats quantitatifs sont présentés sous forme de moyenne +/- écart type et les résultats qualitatifs sous forme de pourcentage. Les résultats obtenus sous forme de cotations de 1 à 5 ont été additionnés puis présentés sous forme de pourcentages. Il a été décidé de réaliser un test exact de Fisher pour comparer le taux de réponse selon le type de service mais également selon le statut des répondeurs.

Résultats - Discussion

Pour les 8 services concernés par l’enquête, 79 prescripteurs ont été identifiés et ont reçu le questionnaire. La répartition des prescripteurs répondeurs par type de service (figure 1) et par statut est présentée dans le tableau 1. Au total, le taux de réponse s’élève à 30 % (n = 24). On observe une absence de différence significative dans les réponses en fonction du type de service concerné (p = 0,155) et on observe également une absence de différence significative concernant le statut des répondeurs (p = 0,164). Les praticiens hospitaliers présentent le meilleur taux de réponse (n = 14, soit 18 % de la population ciblée), suivis par les assistants et les internes (n = 5, soit 6 %). Aucun praticien attaché ou contractuel n’a répondu au questionnaire.

Notre taux de réponse (30 %) est plus bas que celui de l’équipe pharmaceutique d’Annecy (79 %) où la population cible était différente (en plus des médecins, infirmières diplômées d’état et aides-soignantes étaient destinataires du questionnaire) et celui de l’équipe de Louven en Belgique [2, 5, 6]. Notre résultat est encourageant au regard de l’étude réalisée au CHU de Grenoble, qui avait recueilli 18 % de réponses [5]. Dans cette enquête, comme au CHRO aucun praticien attaché ou contractuel n’avait répondu au questionnaire.

Il en ressort une satisfaction globale pour l’adaptation posologique (figure 2), le signalement des contre-indications, interactions médicamenteuses et redondances pharmacologiques, la proposition d’équivalences thérapeutiques. Les points à améliorer concernent l’indication à la mise en place d’un traitement médicamenteux, les modalités d’administration, le suivi thérapeutique et clinique, la prévention des effets indésirables. Ce résultat est comparable à ceux observés dans la littérature [2-6].

Les résultats sur l’aspect relationnel mettent en évidence un degré de satisfaction élevé (96,3 %). Cela est en accord avec le ressenti des pharmaciens cliniciens qui reçoivent un accueil satisfaisant dans les unités de soins.

Les deux attentes principales des prescripteurs sont l’aide à la déclaration de pharmacovigilance lors de la suspicion d’une iatrogénie médicamenteuse et l’information sur les médicaments. Cet objectif est en adéquation avec le projet de service qui vise à encourager la déclaration par le biais des pharmaciens cliniciens : propositions de déclarations faites par les pharmaciens lors de la validation pharmaceutique, rédaction des déclarations par les internes en pharmacie et les pharmaciens seniors. Ainsi, nous avons fait 145 déclarations au Centre régional de pharmacovigilance de Tours pour l’année 2018 contre 35 en 2008 [7]. Le complément d’informations souhaité concerne principalement la stabilité des médicaments, la possibilité d’écraser/ouvrir les formes galéniques, et les données de pharmacocinétique. Dans ce contexte, un travail en interne a été réalisé sur les incompatibilités physico-chimiques des médicaments et sera prochainement diffusé à l’aide d’un support format poche. Une formation est réalisée depuis 2014 dans l’établissement sur le thème des médicaments écrasables. Cette formation est basée sur le e-learning conçu par la SFPC en collaboration avec l’Omedit Haute Normandie et validée par l’Omedit de la région Centre. Elle a été réalisée auprès de 212 soignants et médecins [8]. Elle est accompagnée de la diffusion d’un livret listant les médicaments référencés, la possibilité ou non de les écraser, et l’alternative proposée à l’écrasement. Ce document faisant l’objet de mises à jour régulières est présent dans chaque unité de soins.

Les médecins font part de leur souhait de bénéficier de la conciliation médicamenteuse dans leurs services (Annexe B). La conciliation est réalisée à l’entrée et à la sortie des patients permettant un meilleur lien avec les professionnels de ville. Ce processus formalisé prend en compte, à l’entrée du patient lors d’une nouvelle prescription, tous les médicaments pris et à prendre par le patient dans le but de réduire les erreurs médicamenteuses, et réaliser une continuité médicamenteuse [9]. Ce projet est en cours de déploiement au CHR d’Orléans. Depuis novembre 2018, elle a démarré dans le service de dermatologie puis s’est étendue au service de pneumologie et de chirurgie digestive et urologique (61 conciliations réalisées). Les patients cibles de l’hôpital sont ceux entrés par les urgences, de plus de 75 ans et avec plus de cinq lignes de traitement à l’entrée.

L’item Analyse de la pertinence pharmaco-économique est en cours d’amélioration avec la réalisation de différents travaux comme une plaquette sur les biosimilaires pour les MICI (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin) et le RIC (rhumatisme inflammatoire chronique) permettant d’identifier les différents biosimilaires pour toutes les molécules de référence. Un document support est mis à disposition des prescripteurs et permet d’optimiser l’impact économique des prescriptions hospitalières exécutées en ville (PHEV). Cela facilite aussi le lien avec les pharmacies de ville. Dans ce même objectif, un pharmacien clinicien participe au comité ville/hôpital.

L’historique médicamenteux des patients devient accessible par la possible consultation du dossier pharmaceutique (DP) depuis fin 2018 au CHRO. Le but est à terme de pouvoir incrémenter ce DP en rétrocession pour avoir un meilleur suivi thérapeutique.

Les modalités d’administration ainsi que l’indication de la mise en place d’un traitement médicamenteux sont des items mal compris du fait de la discordance entre le nombre d’interventions pharmaceutiques réalisées, leurs taux de refus et le pourcentage de satisfaction de cette enquête. Pour l’item « Indication à la mise en place d’un traitement médicamenteux », le taux de refus est de 20 % sur l’année 2018. Concernant l’item « Modalités d’administration » ce taux est de l’ordre de 13 % sur cette même période.

Les principaux commentaires des cliniciens soulignent l’utilité de la coopération médico-pharmaceutique pour les services de soins et mettent en avant la valeur ajoutée de la pharmacie clinique pour les patients comme pour le corps médical. Aucun commentaire défavorable n’a été formulé.

Les limites de cette enquête sont principalement :

  • un taux de réponse trop faible pour une exploitation statistique ;
  • un déploiement de la pharmacie clinique dans les services les plus réceptifs de l’hôpital ce qui peut entrainer un biais de sélection.

Conclusion

La réalisation de cette première enquête de satisfaction nous a permis d’évaluer l’opinion très positive des cliniciens vis-à-vis de la pharmacie clinique. Cela permet également d’obtenir une référence pour les évaluations ultérieures. Le questionnaire sera revu lors d’une prochaine y incluant la conciliation médicamenteuse afin d’améliorer le taux de réponse. La qualité du lien avec le pharmacien d’officine, les données d’historique médicamenteux et d’observance pourront être améliorées grâce à la mise en place de la conciliation médicamenteuse et le développement du dossier pharmaceutique en cours de déploiement dans notre établissement. L’analyse de la pertinence pharmacoéconomique des prescriptions est également initiée en lien avec le développement des biosimilaires.

Cette enquête pourra faire l’objet d’un travail de fond pour un futur externe réalisant de la conciliation médicamenteuse et étant au plus près des cliniciens.

Liens d’intérêts

les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêts en rapport avec cet article.

Annexe A Annexes

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