JLE

Hépato-Gastro & Oncologie Digestive

MENU

Retentissement psychologique du cancer du pancréas : quels enjeux, quelle prise en charge ? Volume 26, numéro 9, Novembre 2019

Illustrations


  • Figure 1

Introduction

Les données épidémiologiques récentes montrent que l’incidence des cancers du pancréas (CaPa) a doublé en Europe et aux États-Unis au cours de ces vingt dernières années (+ 5 % par an) [1, 2]. La gravité de l’adénocarcinome pancréatique n’est plus à démontrer car le taux de survie à cinq ans reste autour de 6 % tout stade confondu et la prise en charge pour la majorité des patients demeure palliative en dépit des avancées thérapeutiques récentes [3, 4]. Selon des estimations, le CaPa deviendrait la deuxième cause de décès par cancer en 2030 [5].

À côté des symptômes physiques invalidants (asthénie, anorexie, douleur, ictère, sténose digestive, diabète, etc.) des problèmes psychologiques, comme les troubles anxio-dépressifs (TAD), apparaissent souvent précocement dans l’histoire de la maladie. Dans certains cas même, ils pourraient en être le premier symptôme voire le révéler (conséquence du cancer). À l’opposé, l’implication potentielle d’affections psychologiques dans la survenue et/ou l’évolution de ce cancer est suggérée par des études préliminaires [6]. Outre la réputation effrayante de cette affection anxiogène dont le patient a connaissance et qui peut être renforcée par l’entourage ou ses lectures, on peut aisément comprendre que des TAD découlent de l’histoire naturelle du CaPa avec ses complications, telles que la douleur (qui entraîne par elle-même des troubles de l’humeur, une désadaptation sociale, une insomnie, sans compter l’impact de la prise d’antalgiques…), l’ictère (signe extérieur visible de la maladie, prurit invalidant), et l’anorexie et la cachexie (retentissement physique mais aussi social). Autant les cliniciens ont souvent l’expertise qui leur permet de gérer aux mieux les complications somatiques, autant le diagnostic et la prise en charge des TAD sont souvent vécus comme extérieurs à leur champ de compétence même s’ils savent faire preuve d’humanité. Des facteurs biologiques pourraient également participer à déclencher les TAD, avec un rôle majeur de l’inflammation [6]. Enfin, des éléments psychosociaux mais aussi médicaux peuvent avoir une influence sur les TAD, tels que l’empathie du médecin, perçue par le patient lors de l’annonce diagnostique et de l’équipe soignante dans sa totalité lors du suivi. Contrairement aux idées reçues, une empathie perçue lors de la consultation d’annonce par le patient de la part de son médecin peut même dans certains cas majorer l’anxiété [7].

Ainsi, l’identification précoce et précise du retentissement psychologique, et notamment des TAD des patients (après l’annonce diagnostique et au cours du suivi évolutif) mais aussi de leurs proches, et leur prise en charge adaptée, est un enjeu majeur pour leur qualité de vie. Elle pourrait également optimiser l’adhésion aux traitements anti-tumoraux.

Le but de cette revue est de faire un état des lieux de l’impact psychologique du CaPa et des problématiques de prise en charge qui en découlent. Nous nous focaliserons sur le patient mais aussi sur les proches-aidants. Nous tenterons également de mieux définir les causes des TAD et les facteurs psychosociaux associés.

Répercussions psychologiques du cancer du pancréas

Une littérature abondante documente les répercussions psychologiques du cancer, quelle qu’en soit la localisation [8, 9]. Une méta-analyse de Mitchell et al. [8] rapporte une prévalence des troubles de l’adaptation (anxieux, dépressifs ou mixtes) chez 30 % des patients. Elle souligne le lien entre l’annonce de la limitation de traitements ou d’un pronostic vital engagé à moyen ou à court terme et l’apparition de syndromes dépressifs caractérisés chez 16 %-18 % des patients. Les proches de ceux-ci sont l’une des premières sources de soutien tout au long de leur maladie, mais cela n’est pas toujours reconnu par les médecins [10]. Pourtant, l’importance de leur rôle est de plus en plus souvent souligné dans la littérature [11, 12], mais aussi leur détresse [13, 14], qui peut être aussi importante voire supérieure à celle du patient lui-même. Dans les études les plus anciennes concernant le CaPa, le taux de dépression des patients était estimé à 33 %-55 %, et supérieur à celui des autres tumeurs digestives [15, 16]. Ces chiffres sont cinq fois plus élevés que pour ceux des sujets indemnes de maladie cancéreuse [6].

Les TAD surviennent souvent de manière concomitante chez les patients et leurs aidants, et même chez les équipes soignantes impliquées dans la prise en charge de ce type d’affection grave. Dans une étude australienne effectuée à trois mois du diagnostic de CaPa, la prévalence de la dépression était estimée à 15 % chez les patients et les soignants [17]. L’anxiété (mesurée avec l’Hospital Anxiety and Depression Scale, HADS) était même plus importante chez les soignants que leurs patients (39 % vs. 15 %) [17].

La dépression et l’anxiété seraient principalement liées au mauvais état général du patient, son état de tristesse initial et l’expérience antérieure de la mort d’un membre de la famille par cancer [18]. Dans un autre contexte, celui du dépistage des sujets à haut risque de CaPa, l’anxiété des sujets surveillés est majorée : dans deux études, la perception de risque de CaPa était plus aiguë que dans la population générale (p < 0,0001) et leur niveau d’anxiété plus élevé (p < 0,0001) pendant la période de dépistage [19, 20].

Néanmoins, malgré une littérature abondante sur l’importance des difficultés adaptatives des patients et leurs proches atteints de maladies engageant le pronostic vital, il existe peu de données sur le retentissement psychologique du CaPa, alors que la prévalence des TAD est importante avec un impact clinique et thérapeutique majeur [3].

Les troubles anxio-dépressifs surviennent de manière concomitante chez les patients et leurs aidants

Quelles sont les causes potentielles des troubles anxio-dépressifs au cours du cancer du pancréas ?

La dépression est depuis longtemps associée au CaPa. Sa survenue est précoce et peut même précéder le diagnostic [6]. Mais au vu de la prévalence des TAD dans la population générale, il est difficilement imaginable qu’ils puissent conduire à la recherche systématique d’un CaPa. Toutefois, la survenue concomitante de certaines anomalies cliniques ou biologiques (douleurs abdominales, diabète récent…) pourrait nuancer cette assertion. Les causes du retentissement psychologique du CaPa sont multifactorielles : à la fois exogènes liées à l’annonce diagnostique, au pronostic défavorable bien connu de la maladie, au retentissement économique et social du cancer, mais aussi endogènes, en rapport avec les complications cliniques et biologiques du CaPa telles que la douleur, la fatigue ou la cachexie [6](figure 1). On suspecte que les TAD soient dus en partie aux perturbations des différentes fonctions endocrines et exocrines du pancréas, en altérant la sécrétion des neurotransmetteurs, des enzymes digestives et des bicarbonates [6].

Peu de facteurs biologiques sont directement incriminés mais certains, comme l’interleukine 6 (IL6), ont été associés à une symptomatologie dépressive [21, 22]. Plus globalement, il existe des arguments en faveur de la relation entre les phénomènes inflammatoires et la dépression [23], et l’on sait que le CaPa est associé à un état pro-inflammatoire particulièrement important [24]. Les cytokines inflammatoires sont potentiellement des médiateurs de la dépression à travers leur influence sur le métabolisme des neurotransmetteurs, de la fonction neuroendocrine et aussi de la plasticité neuronale [25, 26].

La voie de la kynurénine (enzyme IDO : indoléamine 2-3 dioxygénase 1) semble également impliquée car en lien avec le comportement, le sommeil, la thermorégulation et la gestation. Cette voie a également été associée aux processus neurotoxiques du CaPa et dans la maladie d’Alzheimer [27]. En effet, dans une étude chez 17 patients atteints de CaPa opérables, chez lesquels étaient réalisés des prélèvements sanguins plasmatiques, il a été observé une corrélation inverse entre les scores de dépression et d’anxiété (mesurés par le Beck Depression Inventory, BDI, et le Beck Anxiety Inventory, BAI) et le ratio acide kynurénique/tryptophane plasmatique. Dans les deux cas, la corrélation semble être principalement liée à l’acide kynurénique.

Ainsi, l’expression accrue de l’enzyme IDO créerait un déséquilibre dans la production de métabolites neuroactifs de la voie de la kynurénine et cela pourrait entraîner des symptômes dépressifs. L’apparition des TAD ne se résume sans doute pas à un trouble biologique, car on sait que l’anxiété peut également être une composante d’un épisode dépressif majeur chez de nombreux patients.

D’autres études ont montré que la mutation de l’oncogène KRAS était associée à un état dépressif chez des patients atteints de cancer colorectaux [28]. En effet, chez 62 patients suivis pour un cancer colorectal métastatique, les porteurs de mutations de KRAS avaient des scores de dépression (mesurés avec l’HADS) significativement plus importants, indépendamment du sexe et de l’indice de performance (p < 0,05). Ces résultats n’étaient pas trouvés pour l’anxiété. Or, on sait que la prévalence des mutations KRAS dans le CaPa dépasse 90 % [29].

Les symptômes psychologiques sont-ils une cause ou une conséquence du cancer du pancréas ?

Aspects cliniques

Des études de méthodologie robuste montrent que les conséquences psychologiques surviennent tôt dans l’évolution du CaPa, avant même la survenue d’autres symptômes révélateurs « classiques » (ictère, douleur, altération de l’état général).

Ainsi, une étude suédoise publiée en 2016, portant sur 300 000 patients atteints de cancer et 3 millions de sujets qui en étaient indemnes (groupe contrôle), montrait une augmentation de la prévalence des symptômes psychiatriques environ un an avant le diagnostic de cancer. Ceux-ci étaient particulièrement associés aux cancers de mauvais pronostic [30]. Ceci est bien sûr important dans le CaPa qui évolue de manière indolente le plus souvent avant d’être diagnostiqué le plus souvent lors de l’apparition d’un symptôme aigu révélateur. Dans une autre étude, 5 % des patients décrivaient fatigue ou dépression dans l’année précédant le diagnostic de CaPa avec une fréquence qui était le double de celles des sujets contrôles [31].

D’autres données préliminaires suggèrent, a contrario, qu’un état psychologique altéré pourrait induire une majoration du risque de CaPa. C’est évidemment un point très sensible eu égard aux questions fréquentes des patients et leurs familles lors de la prise en charge initiale [15].

Une analyse poolée de données individuelles non publiées, récoltées entre 1994 et 2008, de plus de 160 000 patients issues de 16 cohortes prospectives anglaises et écossaises a été réalisée. Un auto-questionnaire mesurant la détresse psychologique a été utilisé (General Health Questionnaire, GHQ-12). Les patients devaient accepter d’avoir leurs données mises en lien avec des registres médicaux. Les patients qui présentaient un cancer à la baseline étaient exclus. Les patients ayant les scores de détresse psychologique les plus élevés à la baseline avaient plus de risque de développer certains cancers tels que les cancers colorectaux (1,84 ; 1,21-2,78), les cancers de la prostate (2,42 ; 1,29-4,54) ou encore les CaPa (2,76 ; 1,47-5,19) [32], après ajustement sur l’âge, le sexe, l’éducation, le niveau socio-économique, le Body Mass Index (BMI) et le statut éthylique ou tabagique.

Une autre étude basée sur des registres d’assurance-santé américains entre 1989 et 1993 a permis de montrer que les patients diagnostiqués et suivis pour une maladie mentale chronique reconnue par le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-IV) et relevant d’un suivi psychiatrique, développaient plus de CaPa (2,4 ; 1,15-4,78) que les sujets indemnes de maladie mentale [33]. Cependant, le lien de cause à effet reste très difficile à affirmer. Ces données issues de registres ne peuvent pas être considérées comme suffisantes et justifient la réalisation d’études dédiées de plus grande ampleur.

Les troubles anxio-dépressifs surviennent avant même la survenue d’autres symptômes « classiques » du cancer du pancréas

Aspects biologiques

Pour revenir aux aspects biologiques, des modèles murins validés de dépression induite par le cancer montrent une diminution de la ramification dendritique dans le cortex préfrontal interne de souris atteintes de tumeurs [34].

Une des pistes intéressantes dans le développement des cancers chez les patients atteints de syndrome dépressif majeurs est celle de l’immunité.

Chez la souris, Hart a décrit en 1988 dans son article princeps un certain nombre de comportements qui accompagnent la maladie cancéreuse en lien avec la réponse immunitaire. Il cite des altérations du comportement des souris immunodéprimées telles que « somnolence, dépression, perte d’appétit, réduction de la consommation d’eau et arrêt du toilettage ». Les facteurs IL-1, IL-6 et le TNF-α induisent cette réponse comportementale [24].

Chez l’homme, une étude auprès de 108 patientes suivies pour un cancer de l’ovaire chez lesquelles des dosages immunologiques étaient réalisés a montré que le degré de dépression (évalué avec le BDI) pouvait stimuler le niveau de TNF-α dans le sérum. La proportion de lymphocytes CD3+, CD4+ et cellules NK diminuait chez les patientes atteintes de dépression sévère en faveur de cet épuisement immunitaire faisant le lit du cancer [35].

Il existe un rationnel biologique avec un rôle majeur de l’inflammation dans la survenue de troubles anxio-dépressifs

Facteurs psychosociaux associés

D’après le modèle d’auto-régulation de Leventhal et al.[36], les personnes confrontées à un problème de santé se créent une représentation de leur maladie afin de donner du sens à leur problème et y faire face. Cette représentation comprend des aspects cognitifs (cause, durée, conséquences, etc.) et émotionnels (répercussions émotionnelles de la maladie). D’après ce même modèle, la représentation de la maladie influencerait les stratégies d’ajustement (en anglais : coping) des patients, c’est-à-dire la manière dont ils font face à la maladie. Ces stratégies correspondent à l’ensemble des processus cognitifs et comportementaux que la personne interpose entre elle et la situation ou l’évènement auquel elle est confrontée afin de maîtriser, réduire ou tolérer son impact sur son bien-être physique et psychologique [37]. On distingue généralement les stratégies centrées sur le problème (comme la recherche d’information, la planification) et celles centrées sur l’émotion (comme l’expression ou la répression des émotions).

Dans le contexte de l’annonce diagnostique et de la proposition de traitement, il semble également important de s’intéresser à l’empathie clinique. Celle-ci correspond globalement à la capacité du soignant à comprendre le point de vue et les émotions du patient, et à communiquer cette compréhension de manière adéquate et sensible. Certains travaux ont montré que l’empathie que le patient perçoit de son médecin favoriserait son ajustement émotionnel [7, 38].

En ce qui concerne la place du partenaire, le modèle développemental et contextuel des couples confrontés à la maladie chronique a été proposé pour mieux comprendre cet ajustement réciproque [39]. Le modèle systémique et transactionnel de dyades (couple de deux sujets en interaction) en psychologie de la santé a, quant à lui, été proposé pour penser l’ajustement de dyades patient-proche [36]. En effet, tous les patients ne sont pas en couple et d’autres proches peuvent être particulièrement impliqués ou concernés par la maladie (enfant, fratrie, etc.).

D’après ces modèles, la maladie est partagée entre le patient et son proche/partenaire. Le proche, comme le patient, va développer ses propres représentations de la maladie et stratégies d’ajustement pour y faire face (soutenir le patient, éviter d’être émotionnellement débordé, de s’impliquer en excès ou encore le surprotéger), ce qui entraîne des conséquences sur sa propre santé mentale mais également celle du patient. Actuellement, on considère que le patient et son proche (partenaire ou aidant principal) agissent comme une unité interpersonnelle plutôt qu’en tant qu’individus confrontés isolément à un agent stressant, tel qu’une maladie grave [40, 41].

Pistes d’études

Le stade initial, le projet thérapeutique et la longueur d’évolution d’un CaPa peuvent influencer les processus d’adaptation émotionnels. Après une phase de sidération lors de l’annonce du CaPa, bien souvent faite par un autre acteur que le soignant direct (médecin traitant, radiologue…), il survient souvent une période de réassurance et de meilleur confort psychique. Ce sera d’autant plus vrai que les effets secondaires des traitements sont maîtrisés et que le contrôle tumoral (stabilité ou réponse) est au rendez-vous lors des scanners itératifs. Par la suite, on observe fréquemment une lassitude de la chimiothérapie et une demande d’allègement ou d’arrêt : la crainte aiguë de la mort s’est sensiblement atténuée, ce qui laisse ouvert le champ des plaintes vis-à-vis du traitement prolongé et pourvoyeur d’effets désagréables.

Il conviendrait donc d’étudier les manifestations psychologiques de manière quantitative et qualitative à différents stades de la prise en charge, au moment du diagnostic mais aussi à d’autres étapes de la maladie : au stade de maladie potentiellement « curative », c’est-à-dire opérable avant chimiothérapie néo-adjuvante, avant résection et au décours du suivi. Il n’est en effet pas rare en clinique quotidienne de suivre des patients qui malgré une stratégie curative effectuée vont développer des syndromes dépressifs au cours du suivi ou des états d’anxiété importants au moment des bilans d’évaluation après la fin de la chimiothérapie adjuvante. En effet, une réactivation de TAD peut survenir chez certains patients, notamment quand est décidé l’arrêt du traitement anti-tumoral et donc une prise en charge médicalisée « intense » aboutissant à la perte des habitudes et des liens réguliers et rassurants avec l’équipe soignante.

Par ailleurs, certaines réactions peuvent sembler paradoxales : il s’agit notamment des TAD qui peuvent survenir chez celles et ceux qui ont échappé à l’évolution fatale attendue (ou prédite) du CaPa. Ils se trouvent démunis au moment où ils prennent conscience de leur possible guérison. Ce phénomène est régulièrement observé dans d’autres cancers, avec des TAD parfois majeurs, un sentiment d’imposture ou de gêne vis-à-vis des patients n’ayant pas eu cette « chance » de guérison. Une étude récente issue de registres américains SEER montre que sur 8 651 569 patients atteins de cancer, 13 311 sont décédés par suicide et que le ratio standardisé de mortalité par suicide était de 4,44 (IC95 % 4,33-4,55). Les personnes âgées, de sexe masculin, non mariées, avec une maladie localisée étaient les plus à risque par rapport aux autres patients. Les cancers du poumon, des voies aéro-digestives supérieures, des testicules, de la vessie et le lymphome de Hodgkin avaient le plus haut ratio standardisé de mortalité (> 5-10) durant la période de suivi [42].

Chez le patient suivi pour un CaPa inopérable ou métastatique, l’état psychologique peut être étudié certes lors de l’annonce diagnostique, mais aussi au moment de chaque bilan d’évaluation, avant la réalisation du scanner et en fonction de la réponse tumorale observée (progression-stabilité-réponse partielle ou complète).

De même chez les longs survivants, malgré une réponse thérapeutique appréciable, les manifestations psychologiques peuvent être importantes y compris chez les aidants, certains patients vivant une phase « d’injustice » d’être toujours vivants lorsque la moyenne de survie est dépassée, ou épuisés par la chronicité de la maladie et des effets secondaires inhérents aux différents traitements.

Une étude quantitative précise de la prévalence des symptômes anxieux et dépressifs en France et en Europe par questionnaires validés chez les patients atteints de CaPa et leurs aidants semble pour ces raisons pertinentes à réaliser. À ce titre, le questionnaire State Trait Anxiety Inventory permet, à travers 40 items et une échelle de réponse en quatre points, d’évaluer l’anxiété actuelle au moment de la passation [l’anxiété-état] et le tempérament anxieux habituel du sujet (l’anxiété-trait) [43]. Le questionnaire BDI permet, à travers 21 items et une échelle de réponse en quatre points, de mesurer l’intensité de la symptomatologie dépressive [44].

De même, les stratégies d’ajustement du patient face à la maladie semblent importantes à étudier. Le questionnaire validé Brief-Cope [45, 46] permet de les évaluer à travers cinq dimensions : la résolution de problèmes, la recherche de soutien, l’évitement, la distraction et la restructuration cognitive positive.

La représentation de la maladie peut être étudiée par un autre questionnaire (Brief-Illness Perception Questionnaire)[47] qui permet d’évaluer les représentations cognitives et émotionnelles de la maladie. Les représentations cognitives sont plus précisément mesurées par l’impact que les personnes perçoivent de la maladie sur leur vie, la durée de la maladie, leur sentiment de contrôle sur la maladie (personnel et lié aux traitements), la fréquence des symptômes, la compréhension de la maladie et dans quelle mesure ils se sentent concernés par la maladie.

Conclusion

Les TAD surviennent de manière précoce dans les CaPa et restent présents tout au long de la prise en charge. Une meilleure connaissance de la relation dépression-anxiété-CaPa pourrait conduire à un diagnostic plus systématique, avec en corollaire une meilleure prise en charge des patients et de leurs aidants.

À ce titre, il est nécessaire de mieux définir, dans des études de méthodologie plus robuste, essais cliniques ou études ancillaires psychologiques d’essai clinique, les troubles psychologiques des patients et de leur aidant principal. En effet, si le bénéfice direct immédiat pour les participants de ces études psychologiques n’est pas cherché, la Société Française de Psychologie souligne le bénéfice indirect possible pour ces patients et leur(s) aidant(s), mais aussi pour le personnel soignant qui devrait être sensibilisé et plus performant dans ce domaine essentiel du soin insuffisamment considéré jusqu’alors. C’est tout le sens de l’étude qui est en préparation et que nous allons prochainement proposer avec les groupes coopérateurs en oncologie digestive.

Take home messages

  • Les troubles anxio-dépressifs surviennent de manière précoce dans les cancers du pancréas, parfois même avant le diagnostic.
  • Ils surviennent chez les patients, leurs accompagnants mais aussi chez les équipes soignantes.
  • Il existe un rationnel clinique liée au pronostic de la maladie et son évolution, mais aussi biologique avec un rôle majeur de l’inflammation (cytokines IL6) et de certaines enzymes neurotoxiques (enzymes IDO).
  • Dans ce contexte, un diagnostic précoce et une prise en charge adaptée du retentissement psychologique des cancers du pancréas sur les patients et leurs aidants est un enjeu majeur.
  • Une collaboration accrue entre cliniciens et psychologues cliniciens et chercheurs, avec le développement d’études dédiées est aujourd’hui nécessaire.

Liens d’intérêts

les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

Licence Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International