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Hépato-Gastro & Oncologie Digestive

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Récupération Améliorée en Transplantation Hépatique : késaco ? Volume 26, numéro 6, Juin 2019

Le concept du programme de Récupération Améliorée après Chirurgie (RAC) (équivalent anglo-saxon du Enhanced Recovery After Surgery – ERAS) est un protocole de soins fondé sur la réduction de la réponse au stress chirurgical et l’amélioration de la récupération. Le « stress » doit être pris dans sa définition médicale de séquence complexe d’événements provoquant des réponses physiologiques et psychosomatiques. Depuis plus de dix ans maintenant, l’application en chirurgie digestive de tels programmes a abouti à une réduction significative du taux de complications, à un délai de récupération fonctionnelle plus court et à une diminution de la durée de séjour sans avoir pour autant observé une hausse du taux de ré-hospitalisations [1, 2].

Késaco ?

Dans chaque protocole de RAC, il existe une base commune et constante à toutes les spécialités chirurgicales, représentée par des éléments génériques rythmant le parcours de soins qui ont vocation de respecter au maximum l’homéostasie et la récupération de l’individu :

  • En pré-opératoire : consultation d’information, réduction du jeûne préopératoire, pas de préparation intestinale systématique, prophylaxie antibiotique et antithrombotique, absence de prémédication anxiolytique.
  • En per-opératoire : agents anesthétiques à courte durée d’action, remplissage vasculaire adapté, prévention de l’hypothermie, utilisation de l’abord par laparoscopie lorsque l’expertise est disponible.
  • En post-opératoire : pas de sonde gastrique, prévention systématique des nausées et vomissements, mobilisation et réalimentation précoces.

Les protocoles de Récupération Améliorée après Chirurgievisent à limiter toutes les contraintes additionnelles encadrant l’acte chirurgical

Chaque discipline a ensuite introduit les éléments spécifiques dans ses propres protocoles dédiés. Après la publication des recommandations RAC en chirurgie colorectale, des protocoles en chirurgie pancréatique (2012), urologique (2013), gastrique (2014), gynécologique majeure (2015) ou bariatrique (2016) ont suivi. En ce qui concerne le foie, les recommandations spécifiques à la chirurgie hépatique hors transplantation hépatique (TH) ont été publiées en 2016 [3]. L’analyse de la littérature met en évidence que la mise en place d’un programme de RAC en chirurgie hépatique est associée à une réduction significative du taux de complications post-opératoires (mineures, grade I), du délai de récupération fonctionnelle et de la durée de séjour, sans modifier le taux de réadmissions et sans que l’impact médico-économique ne soit démontré [4].

L’indication médicale de sortie comme nouveau critère de jugement !

Plus que la durée d’hospitalisation, le délai entre l’intervention et la récupération fonctionnelle du patient semble être un paramètre plus pertinent et objectif que la durée d’hospitalisation, répondant à des critères médicaux précis et s’affranchissant des contraintes logistiques et organisationnelles qui varient selon les centres ou les pays.

L’indication médicale de sortie (IMS) est définie par une liste de critères consensuels de récupération fonctionnelle, validés pour les programmes de RAC en chirurgie hépato-biliaire [5, 6]. Le patient est considéré avoir atteint un bon niveau de récupération fonctionnelle, et être par conséquent capable de sortir d’hospitalisation. D’un point de vue médical, il est justifié d’autoriser la sortie d’un malade lorsque l’ensemble de ces critères sont satisfaits. Aujourd’hui, l’IMS est définie uniquement dans les protocoles de RAC en chirurgie hépatique et non pas en transplantation. De plus, pour une TH, il faudra tenir compte dans les critères de sortie de l’état du malade mais aussi de l’évaluation fonctionnelle du greffon, ce qui est tout à fait unique.

L’indication médicale de sortie est définie par une liste de critères consensuels de récupération fonctionnelle

De la chirurgie hépatique à la transplantation

La prise en charge standard péri-opératoire d’une TH « hors approche RAC » repose sur des protocoles hétérogènes, et s’appuie souvent sur des habitudes de centre ou de service, basées sur des approches empiriques et/ou des données très éparses de la littérature. Si les modalités techniques chirurgicales per-opératoires optimales ont été mieux décrites et adoptées par la plupart des centres, les modalités de prise en charge chirurgicale, anesthésique, réanimatoire et médicale péri-opératoires restent très hétérogènes. Plusieurs revues de la littérature attestent de cette hétérogénéité et restent elles-mêmes très imprécises quant à la gestion de nombreux aspects péri-opératoires de la TH, tels que la gestion des dispositifs de drainages abdominaux, de l’analgésie péri-opératoire, du délai d’extubation, du délai de reprise de la mobilisation active du patient, du retrait des cathéters (artériels, veineux centraux et périphériques) et des sondes (vésicale, gastrique), de la reprise de l’alimentation [7, 8]. Ce constat étant fait, la transplantation hépatique gagnerait à bénéficier du développement d’une approche RAC.

La transplantation hépatique gagnerait à bénéficier du développement d’une approche « Récupération Améliorée après Chirurgie »

Il existe actuellement très peu de données disponibles dans la littérature sur RAC et TH. Une étude randomisée monocentrique chinoise portant sur 128 malades [9], comparant un programme RAC (n = 54) aux soins usuels (n = 74), a mis en évidence une réduction de la durée de séjour de 10 jours (36 %) dans le bras expérimental. Néanmoins, cette étude souffre de nombreux biais dont une incohérence objectifs/critères d’évaluation, l’absence de calcul d’effectif, aucun détail sur les méthodes de randomisation. Enfin, le programme de RAC n’était pas clairement décrit, sans aucune référence aux recommandations RAC appliquées en chirurgie hépatique [3]. L’équipe de la Pitié a réalisé une étude pilote prospective en développant un programme RAC en 20 items dérivés des recommandations RAC en chirurgie hépatique mais aussi adapté à la présence d’un greffon hépatique [10]. Les résultats sur 30 malades (RAC ; n = 10 vs. contrôle ; n = 20) mettent en évidence la sécurité et la faisabilité d’un tel programme avec un taux d’adhésion de 72,9 % au protocole. Pour la première fois, des critères spécifiques de sortie inspirés des protocoles RAC en chirurgie hépato-biliaire ont été utilisés et adaptés au patient transplanté et au greffon. Même si l’objectif principal de cette étude n’était pas d’évaluer son efficacité, une réduction significative de 47 % de la durée totale d’hospitalisation (9,5 vs. 18 jours, p < 0,001), ainsi qu’en réanimation (3 vs. 4,5 jours, p = 0,005) et en chirurgie (1,5 vs. 6 jours, p = 0,01) a été observée par rapport à un groupe témoins appariés 1:2 sur le score de gravité préopératoire. Une évaluation prospective à plus grande échelle est souhaitable pour confirmer les intérêts de cette approche.

Liens d’intérêts

les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

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