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Hépato-Gastro & Oncologie Digestive

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Préparation colique dans les MICI : quand acceptabilité rime avec efficacité… Volume 26, numéro 5, Mai 2019

Illustrations


  • Figure 1

Introduction

Avec l’avènement des biothérapies et l’apparition future de nouvelles petites molécules, les stratégies et les objectifs thérapeutiques ont beaucoup évolué au cours de la dernière décennie chez les patients atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). L’amélioration des lésions muqueuses endoscopiques est actuellement l’objectif thérapeutique à atteindre justifiant la répétition des coloscopies.

L’étude ACCEPT a montré que les examens endoscopiques sont les moins bien acceptés des outils de suivi de l’activité inflammatoire notamment en raison d’une mauvaise acceptabilité des préparations coliques notée chez plus de 75 % des patients [1].

Bien que les progrès concernant les préparations coliques aient été considérables ces dernières années grâce à la commercialisation des préparations à faible volume à base de polyéthylène glycol, picosulfate ou phosphate de sodium, des réserves quant à l’utilisation en cas de MICI en poussée figurent sur la notice d’utilisation de la plupart des préparations hors polyéthylène glycol en raison du risque potentiel de lésions muqueuses induites, privant ainsi ces patients d’une préparation potentiellement mieux tolérée.

Le but de cette étude était d’étudier l’acceptabilité, la tolérance et la sécurité d’emploi de ces préparations chez les patients atteints de MICI.

Les examens endoscopiques sont les moins bien acceptés des outils de suivi de l’activité inflammatoire notamment en raison d’une mauvaise acceptabilité des préparations coliques

Patients et méthodes

L’étude observationnelle et multicentrique CLEAN (Colonoscopy with Low volume bowEl prepAration in iNflammatory bowel diseases) a été réalisée dans 25 centres publics ou privés français, sous l’égide de la Société Française d’Endoscopie Digestive (SFED).

Pendant un mois, tous les patients MICI, dont le diagnostic datait d’au moins trois mois, âgés entre 18 et 75 ans, et nécessitant une coloscopie indépendamment de l’étude, ont été inclus. Les données étaient recueillies par le médecin ou à l’aide d’un questionnaire complété par le patient. Des antécédents d’insuffisance cardiaque ou rénale, de déshydratation sévère ou de colite aiguë grave étaient des critères d’exclusion. Le choix et les modalités de préparation étaient laissés à la libre appréciation du clinicien.

Les critères de jugement comprenaient des critères d’efficacité (score de Boston ≥ 7 sans segment < 2 ou taux de coloscopie complète), de tolérance (quantité de préparation ingérée, échelle visuelle analogique de tolérance, auto-questionnaire validé de tolérance de préparation colique et propension à reprendre ultérieurement la même préparation) et de sécurité d’emploi.

Résultats

Au total, 276 patients ont été inclus dont 190 (68,3 %) avec maladie de Crohn, 79 (28,4 %) avec rectocolite hémorragique et 7 (2,5 %) avec colites inclassées. L’indication de la coloscopie était l’évaluation de l’efficacité thérapeutique (54,7 %), le dépistage individualisé du cancer colorectal (32,7 %), une poussée de la maladie (16,5 %), le diagnostic initial (6,5 %) ou la dilatation d’une sténose (2,5 %). Les préparations utilisées étaient du polyéthylène glycol à volume habituel (4L) chez 42 patients (15,1 %), à faible volume (2L) chez 117 patients (42,1 %), des mélanges à base de picosulfates chez 81 patients (29,1 %), à base de phosphates de sodium chez 26 patients (9,3 %) et à base de sulfates de sodium, magnésium et potassium chez 12 patients (4,3 %). La préparation étaient coupées en deux (split-dose) dans 61,9 % des cas, avec régime sans résidu pendant trois jours chez 64,4 % des patients et un intervalle entre la fin de la préparation et le début de la coloscopie supérieur à 6 heures dans 52,5 % des cas.

La préparation était significativement plus efficace (score de Boston ≥ 7 sans segment < 2) en cas de préparation par polyéthylène glycol faible volume (76,7 %) ou picosulfates (78,4 %) qu’avec 4L de polyéthylène glycol (48,8 %) (p = 0,0021 et 0,0020, respectivement). Aucune différence n’était observée entre ces trois groupes quant au taux de coloscopie complète (intubation cæcale). Ces résultats étaient confirmés en analyse multivariée.

La préparation étaient considérées comme complète chez 59,5 % des patients avec 4L de polyéthylène glycol, 82,9 % des patients en cas de préparation par polyéthylène glycol faible volume et 93,8 % chez les patients préparés avec une solution à base de picosulfates (p < 0,0001). La tolérance moyenne des patients évaluée par échelle visuelle analogique était significativement meilleure dans le groupe picosulfates (7,8/10) par rapport aux groupes polyéthylène glycol faible volume (6,7/10) ou non (6/10) (p = 0,0003) (figure 1). Les patients seraient prêts à utiliser de nouveau la même préparation dans respectivement, 90 %, 83,3 % et 69 % des cas lorsqu’ils avaient reçu une préparation à base de picosulfates, de polyéthylène glycol faible volume ou non (p = 0,01). Toutes les données de tolérance ont été confirmées en analyse ajustée sur les potentiels facteurs confondants.

Aucun signal n’est apparu quant à la sécurité d’utilisation des préparations faibles volumes. Le taux d’érosions aphtoïdes n’était pas augmenté en cas de préparations à base de picosulfates.

Commentaires

Il s’agit de la première étude d’ampleur qui a évalué l’efficacité et la tolérance des préparations faibles volumes chez les patients atteints de MICI.

Le premier résultat à retenir est la cartographie des préparations utilisées en France en 2017 chez les patients atteints de MICI. On peut noter que, malgré les réserves émises, les préparations ne contenant pas de polyéthylène glycol sont largement prescrites (plus de 40 % des cas). Toutefois, on observe que les critères de qualité d’une coloscopie optimale ne sont pas toujours atteints avec seulement 61,9 % de préparations coupées en deux (split-dose) et un intervalle entre la fin de préparation et le début de la coloscopie supérieur à 6 heures dans plus de la moitié des cas.

Le deuxième message important est que les préparations dites de faible volume à base de polyéthylène glycol ou de picosulfates permettaient d’obtenir un taux de préparation efficace plus important que la traditionnelle préparation de 4L de polyéthylène glycol. La différence relative était de l’ordre de 30 % en faveur des patients recevant les préparations à faible volume. Ce résultat s’explique probablement par le faible taux de préparation complète chez les patients avec 4L de polyéthylène glycol (59,5 %) comparativement aux 82,9 % et 93,8 % de patients bien préparés par polyéthylène glycol faible volume ou par picosulfates, respectivement. Il faut garder en tête que les patients atteints de MICI ont un nombre de coloscopies supérieur à la moyenne et sont donc probablement plus réticents à accepter des modalités de préparation plus contraignante. Aucune comparaison n’a pu être effectuée pour les préparations à base de phosphates de sodium ou de sulfates de sodium, magnésium et potassium du fait des faibles effectifs de ces groupes.

Les préparations dites de faible volume à base de polyéthylène glycol ou de picosulfates permettaient d’obtenir un taux de préparation efficace plus important que la traditionnelle préparation de 4L de polyéthylène glycol

Le troisième enseignement à tirer de cette étude est que les préparations à base de picosulfates sont significativement mieux tolérées et acceptées par les patients que les préparations à base de polyéthylène glycol quel qu’en soit le volume. Toutefois, la pertinence clinique d’une différence relative d’échelle visuelle analogique entre 1,1 et 1,7 reste difficile à apprécier en pratique.

Les préparations à base de picosulfates sont significativement mieux tolérées et acceptées par les patients que les préparations à base de polyéthylène glycol quel qu’en soit le volume

Enfin, il faut noter le caractère rassurant de l’utilisation des préparations faible volume notamment celles à base de picosulfates chez les patients atteints de MICI. Aucun sur-risque de complications ou de lésions potentiellement induites par la préparation telles que des érosions aphtoïdes n’a été observé dans cette étude. Cependant l’effectif n’était probablement pas suffisant pour répondre spécifiquement à cette question.

La principale limite de cette étude est l’absence de randomisation qui expose à un biais de sélection. Toutefois, les analyses ajustées sur les principaux facteurs confondants ne remettent pas en cause et confirment les résultats. De plus, le taux de patients présentant des troubles hydroélectrolytiques n’était pas rapporté dans cette étude.

En pratique, on peut donc retenir que les préparations à faible volume, notamment celles à base de picosulfates, semblent présenter le meilleur rapport entre efficacité, acceptabilité et tolérance chez les patients atteints de MICI et devraient être privilégiée en l’absence de contre-indication.

Les préparations à faible volume, notamment celles à base de picosulfates, semblent présenter le meilleur rapport entre efficacité, acceptabilité et tolérance chez les patients atteints de MICI et devraient être privilégiée en l’absence de contre-indication

Liens d’intérêts

L’auteur déclare les liens d’intérêts suivants : activité de consultant pour Abbvie, Amgen, Biogen, Pfizer, Roche, Janssen, Takeda et de conférencier pour Abbvie, MSD, Pfizer, Ferring, Janssen, Takeda.

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