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Hépato-Gastro & Oncologie Digestive

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Maladie cœliaque, hypersensibilité au gluten et régime sans gluten : ce qu’il faut savoir et rectifier Volume 25, numéro 2, Février 2018

Illustrations


  • Figure 1

  • Figure 2

Tableaux

Définition des différentes entités digestives liées au gluten

La maladie cœliaque est une entéropathie auto-immune secondaire à l’ingestion de gluten, survenant chez des sujets génétiquement prédisposés [1]. Elle se traduit sur le plan histologique par une atrophie villositaire intestinale avec augmentation des lymphocytes intraépithéliaux CD3+CD8+, exprimant de plus la molécule CD103 (αEβ7) qui favorise leur interaction avec l’épithélium [1]. Il faut distinguer la maladie cœliaque ou intolérance au gluten de l’allergie au gluten et de l’hypersensibilité au gluten.

L’allergie au gluten a principalement été décrite dans le cadre des allergies alimentaires dépendantes d’un effort physique (FDEIA : food dependent exercise induced anaphylaxis). Elle est exacerbée par l’exercice physique qui facilite l’absorption intestinale des allergènes. Il s’agit d’une réaction d’hypersensibilité immédiate médiée par les IgE, et des IgE spécifiques ont été détectées contre des épitopes des oméga-5 gliadines et glutenines de haut poids moléculaire [2].

L’hypersensibilité au gluten se manifeste par des troubles fonctionnels digestifs améliorés par le régime sans gluten.Les IgA anti-gliadine sont observés chez moins de 8 % des patients et les anticorps anti-transglutaminase, témoins de la réponse immune adaptative dans le chorion au cours de la MC, y sont absents [3].

Il n’existe ni en cas d’allergie au gluten ni en cas d’hypersensibilité au gluten, d’atrophie villositaire intestinale détectable, infirmant le diagnostic de maladie cœliaque (tableau 1).

Il faut distinguer la maladie cœliaque ou intolérance au gluten de l’allergie au gluten et de l’hypersensibilité au gluten

Bases physiopathologiques de la maladie cœliaque et hypothèses pour l’hypersensibilité au gluten

La maladie cœliaque correspond à une maladie intestinale autoimmune like liée à l’ingestion du gluten. Les gènes HLA de classe II rendent compte d’environ 40 % de la prédisposition génétique de la maladie cœliaque [1]. Les protéines « toxiques » pour les patients sont les protéines de stockage du blé, de l’orge et du seigle inhabituellement riches en résidus glutamine et proline, d’où leur nom de prolamines. Les prolamines du blé, les mieux caractérisées, sont divisées en α, γ et ϖ-gliadines et en gluténines de haut et bas poids moléculaires. La structure compacte de ces protéines et la présence de nombreuses prolines les rendent très résistantes à la digestion par les enzymes pancréatiques et de la bordure en brosse qui n’ont pas d’activité prolyl-endopeptidase. Au cours de la maladie cœliaque, les peptides de gliadine sont transportés de façon intacte par voie paracellulaire ou transcellulaire via le récepteur à la transferine, le CD71. En effet le CD71 normalement exprimé exclusivement au pôle latérobasal des entérocytes est surexprimé au pôle apical au cours de la maladie cœliaque active [1]. On ignore la cause de cette hyperexpression, néanmoins, il est intéressant d’observer que les âges électifs d’entrée de la maladie cœliaque (nourrisson, femme jeune) correspondent à des périodes de la vie où des carences en fer sont fréquentes. Les peptides de gliadine fixés aux IgA sous forme de complexes IgA-gliadine sont capables de se fixer sur le CD71 et d’être transportés par endocytose. Dans le chorion les peptides de gliadine sont déamidés par la transglutaminase tissulaire [1]. Le complexe forme un néo-antigène susceptible d’être reconnu par le système immunitaire et l’apparition des auto-anticorps contre la transglutaminase chez les patients cœliaques exposés au gluten et leur disparition après régime. La déamidation introduit dans les peptides du gluten des charges négatives qui augmentent leur affinité pour la poche à peptides des molécules HLA-DQ2/8 et favorisent la formation de complexes stables efficacement reconnus par les lymphocytes T (LT) CD4+ ainsi activés provoquant une synthèse de cytokines pro-inflammatoires. En effet, les cytokines pro-inflammatoires interféron alpha (IFN-α), interféron gamma (IFN-γ), interleukines 15 (IL-15), 17 (IL-17) et 21 (IL-21) sont produites en excès dans la muqueuse intestinale des patients cœliaques [1]. Ex vivo l’IL-15 est capable d’activer l’expression de marqueurs Natural Killer (NK) sur les lymphocytes intraépithéliaux (LIE) qui peuvent ainsi, à travers ces récepteurs NK, lyser les cellules épithéliales exprimant leurs ligands et conduire à une attaque « auto-immune like » de l’épithélium [1]. En outre, l’IL-15 active dans les LIE des signaux anti-apoptotiques puissants [4] qui favorisent l’hyperplasie des LIE au cours de la maladie cœliaque et aussi celle des LIE transformés des complications lymphomateuses, sprue réfractaire clonale et lymphome T intestinal [5].

Au cours de l’hypersensibilité au gluten il n’y a pas d’atrophie villositaire mais une hyperlymphocytose intraépithéliale est observée dans 40 % des cas [6]. Les différentes études sérologiques révèlent la négativité des anticorps sériques anti-transglutamine (IgA et IgG), ce qui témoigne de l’absence de réponse immune adaptative dans le chorion. En revanche, différentes hypothèses ont été avancées pour rendre compte de l’hyperlymphocytose intraépithéliale parfois observée. Il a été suggéré que des épitopes du gluten pourraient induire un « stress épithélial » au niveau de la muqueuse intestinale et, comme chez les patients apparentés à des malades cœliaques, favoriser une réponse innée avec hyperproduction d’IL-15 et de protéines de stress de type Heat Shock Protein (HSP27 et HSP70) [7, 8]. Une altération de la perméabilité intestinale a été suggérée par le travail de Vazquez-Roque et al.[9].

Il semblerait que certains patients présentent davantage une hypersensibilité aux FODMAPs (Fermentable Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides and Polyols) qu’au gluten. Ces carbohydrates à chaînes courtes (Fructose, Fructane, Lactose, Galactanes, Polyols) exercent un effet osmotique dans la lumière intestinale et leur fermentation est responsable de libération d’hydrogène favorisant ainsi la distension abdominale [10]. Comme le blé contient des FODMAPs, un effet confondant avec le gluten est possible. Le groupe de Biesierkierski a d’ailleurs montré qu’il n’y avait plus d’impact de l’éviction du gluten une fois que les patients « hypersensibles » recevaient un régime allégé en FODMAPs [11]. Le fructane est une molécule de stockage énergetique du blé et fait partie des FODMAPs. Sa concentration est nettement supérieure dans les blés modernes par rapport au blé ancien [12]. Par ailleurs, d’autres composants du blé comme les ATIs (inhibiteurs de l’alpha-amylase et de la trypsine) sont capables de stimuler l’immunité innée intestinale [13]. Les ATIs sont des protéines présentes dans les grains de céréales et dont le rôle principal est de rendre le blé plus résistant aux insectes et aux parasites. Le blé moderne a une teneur en ATIs plus élevée que les variétés anciennes [14]. Des études ont montré que les ATIs peuvent activer les récepteurs Toll-like (Toll-Like Receptor-4 ou TLR4) et le complexe TLR4-MD2-CD14 au niveau des monocytes, des macrophages et des cellules dendritiques de la muqueuse intestinale. Ceci entraînerait une cascade d’événements menant à la production de cytokines pro-inflammatoires, comme l’interleukine-8, interleukine-12, TNF (Tumor Necrosis Factor), MCP-1 (Monocyte Chemoattractant Protein-1) et RANTES (Regulated on Activation, Normal T Cell Expressed and Secreted)[15, 16]. L’inflammation intestinale ainsi produite pourrait ainsi être à l’origine des symptômes digestifs. Des lectines du blé WGA (Wheat Germ Agglutinin) pourraient également stimuler l’immunité innée [17]. Comme les ATIs et les WGA, les carbohydrates du blé comme les fructanes du blé pourraient être impliqués. Le terme d’hypersensibilité au blé serait alors davantage approprié que celui d’hypersensibilité au gluten. Une étude récente montre que l’hypersensibilité au blé survient préférentiellement chez des patients avec terrain auto-immun [18].

Contrairement à la maladie cœliaque, il n’existe aucune base physiopathologique solide à l’hypersensibilité au gluten

Intolérance et hypersensibilité au gluten : épidémiologie, manifestations cliniques et diagnostic

La prévalence de la maladie cœliaque est d’environ 1 % dans les pays occidentaux, Europe et États-Unis [19]. La fréquence de la maladie cœliaque a longtemps été sous-estimée, en raison des formes silencieuses, pauci-symptomatiques ou atypiques qui sont actuellement majoritaires [20] avec de nombreux cas encore non diagnostiqués [20]. La maladie cœliaque affecte essentiellement les sujets de type caucasien et reste exceptionnelle chez les Afro-américains, les Chinois et les Japonais [19]. En revanche sa prévalence en Afrique du Nord est proche de celle observée en Europe [19]. La majorité des diagnostics est actuellement faite à l’âge adulte, et les formes à révélation tardive sont en constante augmentation, avec 20 % des cas diagnostiqués après 60 ans. Cette maladie est 2 à 3 fois plus fréquente chez la femme [21]. Peu de donnée existe sur la prévalence de l’hypersensibilité au gluten mais elle pourrait concerner jusqu’à 1 % de la population européenne et nord-américaine et concernerait davantage les femmes [6, 22].

La forme classique de la maladie cœliaque associant des signes cliniques et biologiques de malabsorption de l’intestin grêle est actuellement minoritaire [19]. Les signes classiques sont une diarrhée avec stéatorrhée, un amaigrissement et une dénutrition, une asthénie et des douleurs abdominales. Les anomalies biologiques sont des signes indirects de malabsorption : anémie associée à une carence en fer, folates, vitamine B12, carence en facteurs vitamine-K dépendants (II, VII et X), hypoalbuminémie, hypocalcémie, hypomagnésémie et déficit en zinc [19]. Les formes atypiques, pauci-symptomatiques ou silencieuses, représentent actuellement la majorité des diagnostics faits chez l’adulte [19]. Le diagnostic de maladie cœliaque peut être évoqué devant une augmentation des transaminases, voire une hépatopathie sévère inexpliquée, une anémie par carence en fer, en folates ou en vitamine B12 isolée, une aphtose buccale récidivante ou encore des troubles fonctionnels intestinaux [19]. Certains cas de syndromes de l’intestin irritable avec diarrhée et bilans endoscopiques et histologiques normaux pourraient être secondaires à une maladie cœliaque latente [19]. Environ 30 % des patients nouvellement diagnostiqués aux États-Unis ont une surcharge pondérale [19]. Des manifestations extradigestives sont également fréquemment révélatrices telles qu’une déminéralisation osseuse diffuse ou des arthralgies. Parfois seuls des troubles neurologiques (épilepsie, neuropathie périphérique d’origine carentielle, migraine ou ataxie cérébelleuse) voire une cardiomyopathie dilatée idiopathique peuvent révéler la maladie [19]. Une hypofertilité peut être observée en particulier chez les femmes entre 25 et 29 ans [23]. Il existe un risque accru de maladie cœliaque chez les apparentés au premier degré de malades cœliaques (10 %), chez les patients atteints de dermatite herpétiforme ou d’autres maladies auto-immunes. Des maladies auto-immunes, principalement la throïdite auto-immune et le diabète de type I, sont observées chez environ 20 % des patients [1]. Le dépistage de la maladie cœliaque repose sur le dosage sérique des anticorps IgA anti-transglutaminase (tTG), qui ont une meilleure sensibilité et spécificité que les anti-gliadine et anti-endomysium (AEM) ainsi que les IgG anti-tTG en cas de déficit en IgA (2 à 3 % des cœliaques). La détection des anticorps anti-gliadine déamidée a aussi une très bonne performance diagnostique et la positivité de ces tests est bien corrélée à l’ingestion de gluten [21]. Le diagnostic doit être confirmé par la réalisation d’une endoscopie digestive haute (figure 1) avec biopsies duodénales en réalisant quatre biopsies dans la deuxième partie du duodénum et deux biopsies au niveau du bulbe en raison de l’hétérogénéité de la distribution et de l’intensité des lésions histologiques [21]. Les lésions intestinales prédominent logiquement dans la partie proximale de l’intestin grêle avec des degrés variables d’atrophie villositaire évaluée selon la classification de Marsh (figure 2). Il existe au minimum une hyperlymphocytose intraépithéliale comme observée au cours des formes latentes, détectées chez des sujets à risque. L’étude des groupes HLA a essentiellement une valeur prédictive négative. En effet, la détection d’un haplotype à risque (HLA DQ2/8) ne permet pas d’affirmer le diagnostic de MC compte tenu de leur grande fréquence dans la population générale (∼ 35 %), mais leur absence permet d’éliminer ce diagnostic. Outre le bilan de malabsorption, une ostéodensitométrie osseuse doit être systématique, à la recherche d’une ostéopénie.

Le diagnostic d’hypersensibilité au gluten reste à ce jour exclusivement clinique et repose sur des symptômes à type de trouble fonctionnel intestinal (douleurs abdominales, ballonnements et alternance diarrhée/constipation) améliorés par l’exclusion du gluten [13](tableau 1). Des troubles extradigestifs, tels que des douleurs ostéoarticulaires, une humeur dépressive, des céphalées ou de la fibromyalgie peuvent être associés [13]. Le bénéfice de l’éviction du gluten a été prouvé par un essai randomisé double aveugle versus placebo [11]. Il n’existe pas de test biologique diagnostique même si des IgG anti-gliadine, très peu spécifiques, ont été retrouvés dans 56 % des cas et de façon plus rare des IgA anti-gliadine (environ 8 % des cas), les anticorps anti-transglutaminase ou anti-endomysium restant négatifs [3]. Il n’existe pas, par définition, d’entéropathie même si une légère hyperlymphocytose intraépithéliale a pu être observée [6].

Le diagnostic d’hypersensibilité au gluten reste à ce jour exclusivement clinique et repose sur des symptômes à type de trouble fonctionnel intestinal

Le régime sans gluten : indications

Le régime sans gluten (RSG) est indiscutable en cas d’allergie au gluten. En effet, comme toute allergie alimentaire, le traitement repose sur l’éviction totale de l’allergène, le gluten avec éviction du blé, du seigle, de l’orge et de l’avoine et leur substitution par le maïs et le riz. Il est nécessaire de respecter très strictement le régime pour éviter les manifestations d’hypersensibilité immédiate à type de prurit, d’urticaire ou d’œdèmes de Quincke qui peuvent engager le pronostic vital. Il faut prévoir notamment pour l’enfant un projet d’accueil individualisé en milieu scolaire pour les repas.

Le traitement de la maladie cœliaque repose aussi sur le RSG à vie. L’avoine, autrefois considérée comme toxique, ne semble pas avoir d’effet délétère sur la muqueuse intestinale et peut être autorisée. L’explication du régime par une diététicienne expérimentée est nécessaire et l’adhésion des malades auprès d’associations de malades est préconisée afin d’obtenir la liste des différents produits sans gluten et les médicaments qui en contiennent. Ce régime est contraignant, difficile à suivre en collectivité ou au restaurant. Le RSG permet habituellement la diminution du syndrome de malabsorption, l’amélioration des symptômes classiques (diarrhée, douleurs abdominales, ballonnements), l’anémie et les aphtes [21]. Le RSG permet une régression partielle ou complète de la déminéralisation osseuse [21]. L’augmentation des transaminases associée à la maladie cœliaque, régresse totalement dans 90 % des cas après un an d’éviction du gluten et une biopsie hépatique n’est requise qu’en cas d’échec du régime bien suivi [21]. Les troubles neurologiques centraux, à type d’ataxie ou de migraine, ou périphériques à type de neuropathie semblent aussi bénéficier de l’éviction du gluten [23]. Par contre, le bénéfice du RSG en cas de troubles de troubles de la reproduction n’est pas clairement démontré, mais a été rapporté [24]. Alors que l’amélioration clinique est rapide, l’atrophie villositaire intestinale ne régresse généralement pas avant 6 à 24 mois de RSG [25]. Le RSG doit être préconisé à vie au cours de la maladie cœliaque, en particulier chez l’adulte, car il prévient en partie le risque de complications malignes [26], osseuses [27], ainsi que la survenue de maladies auto-immunes [28].

Parmi les pistes de traitement substitutif au RSG, la plus prometteuse semble celle des protéases mais ne permettrait pour l’instant de couvrir que l’ingestion quotidienne de 2 grammes de gluten [29]. L’échec du RSG impose d’abord et avant tout la réévaluation du diagnostic initial de maladie cœliaque. Si le diagnostic initial de maladie cœliaque est confirmé, la principale cause de mauvaise réponse au RSG est une observance incorrecte de celui-ci dans plus de 50 % des cas [19]. Une diminution progressive des titres sériques d’anticorps cœliaques et leur négativation à un an de régime sans gluten est en revanche un signe de bon suivi du RSG. Récemment des tests de détection de peptides immunogéniques dans les selles et dans les urines ont été mis au point [30]. Ils permettent notamment de détecter de faibles ingestions de gluten (20 grammes) dans les 48 dernières heures [30]. L’échec du RSG impose d’éliminer une autre cause d’atrophie villositaire (voir encadré 1). Le contrôle endoscopique associé à un bilan exhaustif est indispensable en cas de persistance ou de reprise des symptômes chez un patient cœliaque suivant apparemment correctement son régime. En effet, le suivi endoscopique sur plusieurs années des patients cœliaques a montré qu’une atrophie villositaire persistante était détectable chez plus de 40 % d’entre eux et que ce défaut de cicatrisation muqueuse était associé à une augmentation du risque de survenue de complications notamment celui de fracture et de lymphome [31].

Les principales complications malignes de la maladie cœliaque sont l’adénocarcinome du grêle, sprue cœliaque réfractaire et lymphome invasif. La sprue de type I est caractérisée par des LIE de phénotype normal sans clone détectable alors que le type II est considéré comme un lymphome de bas grade, intra-épithélial, avec expansion de petits LIE de phénotype anormal (absence de récepteur T, CD3-, CD8-, CD103+) [5]. Le type II se complique en lymphome T de haut grade (Enteropathy Associated T cell Lymphoma – EATL)) dans 30 % à 50 % de cas à 5 ans et seulement 50 % des patients sont en vie 5 ans après le diagnostic [5]. Le diagnostic des lymphoproliférations associées à la maladie cœliaque reste difficile et nécessite notamment des études immuno-histochimiques, phénotypiques et de biologie moléculaire spécialisées. Les EATL sont rares (incidence évaluée entre 0,22 et 1,9/100 000 habitants) mais de pronostic extrêmement sombre (environ 20 % de survie à cinq ans) [19]. L’EATL peut être diagnostiqué au cours d’une urgence chirurgicale et révèle alors souvent une maladie cœliaque ou peut compliquer une sprue réfractaire. La confirmation diagnostique comporte, au minimum, une relecture anatomopathologique et les traitements nécessitent d’être discutés en réunions de concertation pluridisciplinaire (Réseau national expert CELAC, Centre Expert national des Lymphomes associés à la Maladie cœliaque-Centre coordinateur : Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris).

Il n’y a pas de complication identifiée au cours de l’hypersensibilité au gluten. Le respect du RSG au cours de l’hypersensibilité au gluten reste donc discuté [32]. Si la définition de cette entité clinique repose sur la régression des troubles digestifs par l’éviction du gluten, une diminution de la consommation en FODMAPs peut aussi entraîner une amélioration significative des symptômes [11]. L’attitude doit s’adapter au type des aliments responsables des troubles. Si les troubles digestifs sont induits aussi par des aliments contenant des FODMAPs (lait/lactose, fruits/fructose…) on peut d’abord préconiser une alimentation allégée en FODMAPs. En revanche si les troubles digestifs ne sont diminués que par l’exclusion du gluten ou du blé il faut éliminer une hypersensibilité au blé et proposer un régime sans blé moins restrictif que le RSG. Une étude récente réalisée chez 200 patients hypersensibles au blé montre que la grande majorité des patients restent hypersensibles (85 %) après 8 ans mais que les symptômes sont toujours contrôlés par le régime sans blé pour 90 % d’entre eux [33]. Ainsi, il est souhaitable de laisser entrevoir au patient hypersensible non cœliaque un régime moins restrictif que le régime sans gluten et lui rappeler que si l’exclusion isolée du gluten n’apporte pas de carence, les produits sans gluten sont 3 à 5 fois plus chers que les produits avec gluten et qu’aucune prise en charge est prévue par la sécurité sociale.

Le respect du régime sans gluten au cours de l’hypersensibilité au gluten reste donc discuté

Conclusion

Maladie cœliaque et hypersensibilité au gluten sont des affections courantes traitées par le régime sans gluten. Toutefois la distinction entre intolérance (maladie cœliaque) et hypersensibilité au gluten est fondamentale pour la prise en charge et la surveillance à long terme des patients. Le risque de survenue de complications osseuses, auto-immunes et malignes au cours de la maladie cœliaque nécessite un régime strict avec la vérification endoscopique d’une cicatrisation muqueuse puisqu’il est clairement établi aujourd’hui que celle-ci a un rôle pronostique. À l’inverse aucune donnée n’indique qu’un régime strict soit nécessaire au cours de l’hypersensibilité au gluten. Il est d’ailleurs souvent nécessaire de réaliser des tests de réintroduction du gluten pour éliminer une maladie cœliaque avant le contrôle endoscopique des patients hypersensibles s’étant auto-administrés le RSG depuis plusieurs mois. Par ailleurs, certains patients hypersensibles peuvent bénéficier d’un régime allégé en hydrates de carbone (FODMAPs) ou en blé, moins restrictif et onéreux que le RSG.

Take home messages

  • Le régime sans gluten est nécessaire au cours de la maladie cœliaque car il n’existe pas à ce jour d’alternative thérapeutique.
  • L’objectif thérapeutique au cours de la maladie cœliaque est d’obtenir une cicatrisation muqueuse intestinale avec repousse villositaire complète afin de prévenir les complications notamment osseuses et lymphomateuses.
  • L’hypersensibilité non cœliaque au gluten est définie comme un trouble fonctionnel intestinal amélioré par l’exclusion du gluten.
  • Il n’existe pas actuellement de rationnel scientifique à l’hypersensibilité au gluten.
  • Il n’existe pas de complications évolutives à l’hypersensibilité au gluten non cœliaque.
  • Un régime allégé en carbohydrates améliore généralement les patients avec hypersensibilité au gluten.

Liens d’intérêts

les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

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