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Hépato-Gastro & Oncologie Digestive

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Les erreurs à ne pas commettre en neurogastroentérologie Volume 26, supplément 2, Novembre 2019

Illustrations


  • Figure 1

  • Figure 2

  • Figure 3

Préambule

La prévalence de troubles fonctionnels gastro-intestinaux est évaluée entre 10 et 20 % dans la population générale. Il s’agit donc d’un motif de consultation très fréquent même si fort heureusement tous les sujets présentant une forme plutôt mineure de ces troubles ne consultent pas. Certes, la maladie fonctionnelle (par définition) ne met pas en jeu le pronostic vital à court terme, mais elle entraine une altération profonde de la qualité de vie difficilement supportable par de nombreux patients. Parmi ceux-ci, beaucoup se plaignent d’un manque d’écoute et/ou de prise en charge de leurs symptômes par le médecin traitant ou par le gastroentérologue. Plus que des recommandations classiques du type : « devant ce symptôme il faut faire… » vous trouverez ci-dessous quelques points en miroir… « devant ce symptôme ne pas faire… », argumentés de façon très brève pour éviter les erreurs ou les oublis les plus classiquement rencontrés en pathologie fonctionnelle.

Méconnaître un syndrome de rumination

Le syndrome de rumination doit être évoqué chez un patient se plaignant de régurgitations réfractaires aux inhibiteurs de la pompe à protons. Il s’agit de régurgitations alimentaires per-prandiales ou post-prandiales précoces, fréquemment à une re-déglutition du contenu régurgité, sans dysphagie ni retentissement sur l’état général [1, 2]. Les régurgitations ne sont pas précédées de nausées mais il peut exister des manifestations dyspeptiques qui peuvent être à l’origine de l’inconfort épigastrique provoquant ce syndrome qui fait partie des troubles fonctionnels œsophagiens décrits dans la classification de Rome. Ces régurgitations sont provoquées par des contractions volontaires mais inconscientes de la paroi abdominale associées à une hypotonie de la jonction œsogastrique qui provoquent la remontée des aliments dans l’œsophage, souvent dans la bouche. La physiopathologie du syndrome de rumination est mal connue. Outre sa présentation clinique caractéristique, il doit être évoqué en pH-impédancemétrie si le nombre de reflux post-prandiaux (au cours de la première heure post-prandiale) et atteignant l’œsophage proximal est important. En cas de doute diagnostique, la manométrie haute résolution couplée à l’impédancemétrie per- et post-prandiale affirme le diagnostic en montrant que les régurgitations sont précédées d’une augmentation de la pression abdominale supérieure à 30 mmHg. Le traitement repose sur l’explication du phénomène permettant une prise de conscience, la rééducation consistant à apprendre la respiration abdominale qui empêche les contractions de la paroi abdominale à l’origine des régurgitations. Il ne faut bien sûr pas faire opérer ces patients…

Le syndrome de rumination doit être évoqué chez un patient se plaignant de régurgitations réfractaires aux inhibiteurs de la pompe à protons

Ne pas faire de manométrie œsophagienne avant une fundoplicature

Le but de la manométrie pré-opératoire est d’éliminer une éventuelle achalasie de l’œsophage ou une absence de contractions œsophagiennes. Une achalasie peut se présenter sous la forme de régurgitations ou d’un pyrosis trouvé dans 25 % des cas. Il est même possible d’avoir une pHmétrie positive en cas d’achalasie [3]. En revanche, un hypopéristaltisme œsophagien (syndrome de motricité inefficace ou péristaltisme fragmenté) ne représente pas une contre-indication absolue à la chirurgie anti-reflux, ces anomalies étant fréquentes en cas de reflux gastro-œsophagien pathologique. L’intérêt des déglutitions répétées (« multiple rapid swallows » – test effectué lors de la manométrie et comportant cinq déglutitions de 2 mL séparées chacune de moins de deux secondes) pour évaluer la « réserve contractile » reste à démontrer.

Le but de la manométrie pré-opératoire est d’éliminer une éventuelle achalasie de l’œsophage ou une absence de contractions œsophagiennes

Attribuer trop facilement une symptomatologie ORL à un reflux gastro-œsophagien

Les symptômes ORL sont fréquemment mis sur le compte d’un reflux gastro-œsophagien (RGO) et sont donc à l’origine de prescriptions d’IPP le plus souvent à forte dose pour des périodes très prolongées. Quelques faits simples méritent d’être rappelés :

  • Beaucoup de patients et de médecins ont tendance à confondre pyrosis (brûlure rétrosternale ascendante, signe typique de RGO avec une bonne spécificité) et brûlures cervicales isolées dont les liens avec le reflux sont moins clairs.
  • Les lésions inflammatoires décrites en laryngoscopie n’ont aucune spécificité (elles sont trouvées chez 80 % de sujets totalement asymptomatiques), en l’absence de signe typique de RGO (pyrosis et régurgitations).
  • Si les IPP sont inefficaces, la probabilité que les symptômes soient en rapport avec un RGO est très faible, voire nulle [4]. De plus, la réponse aux IPP ne constitue en aucun cas une preuve de la responsabilité du RGO, les taux de réponses aux IPP étant strictement superposables à ceux du placebo dans les essais contrôlés.

En l’absence de signes d’alarme, un traitement d’épreuve peut se concevoir mais devra être interrompu après deux ou trois mois en cas d’inefficacité et la présence éventuelle d’un reflux pathologique devra être authentifiée par une pHmétrie œsophagienne sans traitement [5].

Un traitement d’épreuve du reflux gastro-œsophagien pour des symptômes ORL peut se concevoir mais devra être interrompu après deux ou trois mois en cas d’inefficacité

Ne pas documenter un reflux persistant en cas d’échec des inhibiteurs de la pompe à protons

Environ 30 à 40 % des patients avec symptômes de reflux ne répondent pas aux IPP. Les études en pH-impédancemétrie ont montré que les symptômes persistants peuvent être attribués à un reflux acide dans 10 % des cas et un reflux peu acide dans 30 % à 40 % des cas. Mais dans plus de la moitié des cas aucune corrélation ne peut être établie entre les symptômes résiduels et un éventuel reflux, quelle qu’en soit la nature. Il faut insister sur deux points importants :

  • Le consensus de Lyon a considéré que seules les œsophagites de grade C ou D étaient réellement significatives, les œsophagites de faible grade pouvant être observées chez des sujets sains asymptomatiques [6].
  • Un authentique RGO pathologique attesté par la présence d’une œsophagite peptique et/ou une pHmétrie positive peut coexister avec des maladies fonctionnelles œsophagiennes comme un pyrosis fonctionnel. Dans ces cas particuliers où un RGO existe, une pH-impédancemétrie sous traitement par IPP double dose permettra de faire la part des choses et d’éviter de faire opérer un patient dont les symptômes ne sont pas directement en rapport avec un reflux pathologique persistant [1, 6].

Dans plus de la moitié des cas, aucune corrélation ne peut être établie entre les symptômes résiduels et un éventuel reflux, quelle qu’en soit la nature

Ne pas retenir le diagnostic d’achalasie en cas de relaxation normale de la jonction œsogastrique sur une manométrie de haute résolution

L’achalasie associe un défaut de relaxation de la jonction œsogastrique (JOG) et une absence de péristaltisme œsophagien normal lors des déglutitions.

Si l’endoscopie est l’examen de première intention en cas de suspicion d’achalasie, l’examen de référence pour le diagnostic d’achalasie est la manométrie œsophagienne de haute résolution (MHR). La relaxation de la JOG lors des déglutitions est mesurée par la pression de relaxation intégrée (PRI, pression la plus basse mesurée pendant quatre secondes contiguës ou non lors de la période de déglutition). Selon la classification des troubles moteurs œsophagiens en MHR, dite classification de Chicago, l’achalasie est définie par une PRI médiane (pour les déglutitions réalisées en position allongée) élevée (supérieure à 15 mmHg avec les systèmes Medtronic™, 28 mmHg avec les systèmes Laborie™ à capteurs solides, 18 mmHg avec les systèmes Laborie™ à capteurs perfusés et 20 mmHg avec les systèmes Diversatek™) et une absence de contractions normales en réponse à la déglutition [7]. L’absence de contraction œsophagienne, la présence de contractions prématurées (ou spastiques) et/ou la présence de pressurisation pan-œsophagienne permettent de définir trois sous-types d’achalasie (figure 1).

L’existence d’une PRI normale ne doit pas faire éliminer le diagnostic d’achalasie si les autres caractéristiques manométriques sont présentes (absence de contraction, pressurisation pan-œsophagienne). Les achalasies à PRI normale pourraient représenter 10 % des cas d’achalasie [8].

En cas de PRI normale avec contractions œsophagiennes absentes et/ou pressurisation pan-œsophagienne, il faut chercher d’autres arguments en faveur d’une achalasie comme la présence d’un ressaut au passage du cardia, une stase œsophagienne et/ou un œsophage dilaté en endoscopie. Le transit œsophagien baryté (et au mieux minuté) est essentiel. Il peut montrer un aspect en queue de radis au niveau du cardia (figure 2) ainsi qu’une stase œsophagienne. Un aspect d’œsophage dilaté, voire sigmoïde, est trouvée dans les formes avancées.

Enfin, si la technique est disponible, une planimétrie par impédance (EndoFLIP™) peut être réalisée pour chercher une diminution de la distensiblité de la JOG en faveur d’une achalasie.

Les achalasies à pression de relaxation de la jonction œsogastrique normale pourraient représenter 10 % des cas d’achalasie

Ne pas chercher une néoplasie chez un patient avec une forme atypique d’achalasie et/ou une achalasie avec une altération importante de l’état général

L’achalasie se manifeste le plus souvent par une dysphagie d’évolution progressive. Des régurgitations et des douleurs thoraciques peuvent également être présentes ainsi qu’une perte de poids. Dans sa forme idiopathique, l’achalasie a souvent une longue durée d’évolution et les symptômes sont fréquemment intermittents au début sans altération de l’état général. Une forme à début brutal avec altération de l’état général doit faire évoquer une achalasie secondaire [9]. La recherche d’une néoplasie doit alors être effectuée. La réalisation d’un scanner thoraco-abdominal est préconisée avec éventuellement une échoendoscopie œsophagienne. Il ne faut pas hésiter à refaire l’endoscopie œso-gastro-duodénale, au mieux sous anesthésie générale, car certaines formes infiltrantes de cancer du cardia peuvent être méconnues lors d’une endoscopie initiale surtout s’il existe une stase œsophagienne.

Les formes manométriques atypiques d’achalasie (PRI élevée mais présence de contractions hypotoniques ou normales dans l’œsophage ; raccourcissement œsophagien en l’absence de tableau typique d’achalasie) et les achalasies de type III doivent également inciter à faire un bilan complémentaire par scanner et/ou échoendoscopie œsophagienne. Enfin, il faut vérifier que des biopsies œsophagiennes ont bien été réalisées pour éliminer une œsophagite à éosinophiles.

Une forme à début brutal avec altération de l’état général doit faire évoquer une achalasie secondaire

Dilater une achalasie de type III

Le traitement de l’achalasie a pour but de lever l’obstacle au niveau de la JOG mais il ne permet pas de restaurer des contractions normales dans l’œsophage. Les options thérapeutiques pour l’achalasie sont la dilatation pneumatique du cardia, la myotomie chirurgicale (myotomie de Heller le plus souvent laparoscopique, pouvant être associée à un montage anti-reflux), la myotomie endoscopique (POEM, Per Oral Endoscopic esophageal Myotomy) et l’injection de toxine botulique dans le cardia. Cette dernière option, considérée comme très peu invasive, a une durée d’efficacité limitée (environ six mois) et est réservée aux sujets âgés avec une morbidité élevée.

L’achalasie de type III est le sous-type d’achalasie qui répond le moins bien au traitement [10]. La dilatation pneumatique est clairement moins efficace que la myotomie chirurgicale dans l’achalasie de type III [11]. Une des explications est certainement que la dilatation pneumatique du cardia corrige le défaut d’ouverture de la JOG mais ne traite pas les contractions prématurées (spastiques) présentes dans l’œsophage distal des patients avec achalasie de type III. La myotomie permet de sectionner les fibres musculaires de l’œsophage distal et donc de traiter les contractions œsophagiennes anormales. La myotomie endoscopique autorise une section des fibres musculaires plus haut dans l’œsophage que la myotomie par voie laparoscopique et pourrait donc être un traitement de choix pour l’achalasie de type III. Toutefois, à ce jour, il n’y a pas d’étude contrôlée permettant de démontrer la supériorité de la POEM par rapport à la myotomie de Heller pour l’achalasie de type III. L’efficacité de la POEM est à mettre en balance avec le risque de reflux gastro-œsophagien qui est présent dans 30 % des cas après POEM [12].

La dilatation pneumatique est clairement moins efficace que la myotomie chirurgicale dans l’achalasie de type III

Méconnaitre une consommation de cannabis chez un vomisseur chronique

Les vomissements secondaires à une prise chronique de cannabis, ou « cannabinoïd hyperemesis syndrome » reste probablement à l’heure actuelle sous-diagnostiquée compte tenu de la consommation croissante de cannabis [13]. Ce syndrome se caractérise par des épisodes récurrents de nausées et de vomissements survenant généralement par crise de 24 à 48 heures chez des consommateurs chroniques de cannabis. Ce syndrome peut survenir parfois même après plusieurs mois d’arrêt du cannabis. La physiopathologie de ce syndrome est peu connue, puisque certains cannabinoïdes présentent également des propriétés antiémétiques et sont utilisés aux États-Unis à visée thérapeutique dans cette indication. Ce syndrome s’observe surtout chez l’homme jeune, issu de milieux défavorisé. Une des caractéristiques typiques de ce syndrome est le bénéfice symptomatique que retirent les sujets lors de la prise de douches ou de bains chauds répétés. La verbalisation de la consommation par le patient n’est pas systématique et il peut s’avérer utile de doser le delta 9-THC dans les urines. En plus du traitement antiémétique, l’arrêt de la consommation de cannabis est bien entendu nécessaire.

Les vomissements secondaires à une prise chronique de cannabis sont sous-diagnostiqués compte tenu de la consommation croissante de cannabis

Avoir recours trop rapidement à une nutrition parentérale chez les malades dyspeptiques/gastroparétiques

Chez les patients présentant une dyspepsie et/une gastroparésie sévère avec une réduction des apports alimentaires, le recours à une nutrition entérale doit être discuté. Celui-ci doit systématiquement être envisagé lorsque l’amaigrissement atteint plus de 10 % du poids corporel en moins de six mois [14]. En pratique, la tolérance parfois médiocre de la nutrition entérale peut parfois inciter au recours précoce à la voie parentérale, mais cette attitude n’est ni validée, ni conseillée par les différentes recommandations internationales. En effet, la nutrition parentérale expose à de plus nombreuses complications (thromboses, infections) sans apporter de bénéfice supplémentaire par rapport à la nutrition entérale. De plus, le recours précoce à une nutrition parentérale peut en rendre son sevrage difficile, la prolongeant inutilement et exposant le patient à ses complications. Afin d’améliorer la tolérance de la nutrition entérale, plusieurs modalités doivent être envisagées. Le recours initial à une sonde nasogastrique ou nasojéjunale temporaire (> 6 semaines) peut aider à passer un cap et affiner éventuellement les modalités de la nutrition qui pourra, au besoin se poursuivre par une gastrostomie et/ou une jéjunostomie. En cas de gastroparésie, le site post-pylorique sera préféré au site gastrique. Enfin, il est recommandé de débuter la nutrition entérale avec un débit lent (25-50 mL.h−1) qui pourra être augmenté de 10 à 25 mL.h−1 toutes les 12 h, idéalement à l’aide de mélanges standards polymériques.

Le recours à la nutrition parentérale en préférence à la nutrition entérale en cas de gastroparésie n’est ni validé, ni conseillé par les différentes recommandations internationales

Faire des tests d’allergie alimentaire chez un malade souffrant de syndrome de l’intestin irritable

Environ deux tiers des patients font le lien entre alimentation et symptômes de syndrome de l’intestin irritable (SII) et suspectent une allergie alimentaire [15]. Ils se voient souvent proposer la réalisation de tests d’allergie alimentaire coûteux suivis de régimes d’évictions en fonction des résultats pouvant être à l’origine d’une perte de poids parfois importante. La prise en charge des suspicions d’allergie alimentaire a fait l’objet d’une mise en garde de la Haute Autorité de Santé le mars 20181. Dans l’évaluation de l’allergie, il n’y a pas lieu de faire des tests diagnostiques n’ayant pas fait la preuve de leur efficacité, comme le dosage d’immunoglobulines G (IgG) ou celui d’immunoglobulines E (IgE) totales. Le diagnostic et le traitement approprié des allergies nécessitent des tests cutanés et/ou recherche d’IgE spécifiques en fonction de l’histoire clinique des patients.

Il ne faut donc pas prescrire ces tests et même informer les patients de l’absence d’intérêt de ces derniers afin qu’ils ne soient pas tentés de le faire.

Dans l’évaluation de l’allergie, il n’y a pas lieu de faire des tests diagnostiques n’ayant pas fait la preuve de leur efficacité, comme le dosage d’immunoglobulines G ou celui d’immunoglobulines E totales

Ne pas faire de biopsies coliques chez un patient ayant la diarrhée

La plupart des patients ayant une diarrhée chronique ont réalisé une coloscopie mais parfois sans que des biopsies coliques étagées n’aient été effectuées. La colite microscopique a une incidence élevée, du même ordre que celle de la maladie de Crohn dans une étude effectuée dans le Nord de la France avec incidence moyenne pour la maladie de Crohn de 7,9/105 habitants, pour la colite collagène de 5,3/105 habitants, et pour la colite lymphocytaire de 2,6/105 habitants [16]. Il paraît donc important de réaliser de façon systématique ces biopsies chez ces patients susceptibles de prendre des traitements pouvant être à l’origine de colite microscopique comme les inhibiteurs de la pompe à protons.

Il est important de réaliser de façon systématique des biopsies coliques chez des patients ayant une diarrhée chronique et susceptibles de prendre des traitements pouvant être à l’origine de colite microscopique

Ne pas expliquer les mécanismes physiopathologiques du syndrome de l’intestin irritable au patient

Les mécanismes physiopathologiques du SII sont complexes, et peuvent être en rapport avec des mécanismes périphériques comme des troubles de la motricité digestive, une augmentation de la perméabilité intestinale, une inflammation intestinale, une dysbiose et/ou une modification du métabolisme des acides biliaires [17]. Des mécanismes centraux peuvent également intervenir, comme une hypersensibilité viscérale, ou une dysfonction de l’axe cerveau-intestin. Enfin, les deux tiers des patients font un lien entre alimentation et symptômes. Un ou plusieurs de ces mécanismes peuvent être présents chez un même patient. Lorsqu’un patient ayant un SII fait des examens complémentaires, en particulier une coloscopie, il lui est le plus souvent indiqué que tout est normal. Ceci est souvent interprété par le patient comme le fait qu’il n’a rien, alors qu’il peut présenter des symptômes parfois associés à une altération importante de la qualité de vie. Ce malentendu peut entraîner une répétition des examens ou la multiplication d’examens inutiles, et majorer l’anxiété des patients qui craignent qu’on ne soit passé à côté d’une maladie grave. Ainsi, il paraît très important d’expliquer au patient les différents mécanismes pouvant être à l’origine des symptômes, le fait qu’ils ne peuvent pas être mis en évidence par des examens de routine, et enfin l’absence d’intérêt de les chercher du fait de l’absence d’impact sur la prise en charge thérapeutique. Un schéma peut être utilisé (figure 3).

Il est très important d’expliquer au patient les différents mécanismes pouvant être à l’origine des symptômes de l’intestin irritable et le fait qu’ils ne peuvent pas être mis en évidence par des examens de routine

Proposer un régime pauvre en FODMAPs chez un patient ayant des troubles du comportement alimentaire et/ou une maigreur

Le régime pauvre en FODMAPs (Fermentable Oligo-, Di-, Mono-saccharides And Polyols) est proposé en France en deuxième intention chez des patients réfractaires à la prise en charge initiale (prescription d’anti-spasmodiques et de régulateurs du transit et règles hygiéno-diététiques simples). Il peut avoir un effet bénéfique sur les douleurs abdominales, les ballonnements, améliorer le transit et la qualité de vie [18, 19]. Son efficacité est imprévisible. Ce régime difficile à suivre car très restrictif peut entraîner une perte de poids [20] et nécessite de trier les aliments. Il semble être plus facilement suivi par des patients à risque de troubles du comportement alimentaire [21]. Il paraît donc préférable d’éviter de le proposer à des patients présentant une maigreur et/ou des troubles du comportement alimentaire, les deux pouvant être aggravés par le régime.

Le régime restrictif pauvre en FODMAPs peut aggraver une maigreur et/ou des troubles du comportement alimentaire

Ne pas discuter avec le patient de la place des traitements alternatifs

La prise en charge du SII repose classiquement sur des traitements médicamenteux symptomatiques et des mesures hygiéno-diététiques. Certains traitements alternatifs ont fait la preuve de leur efficacité chez des patients réfractaires au traitement médical. C’est le cas pour l’hypnose, les deux tiers au moins des patients étant améliorés, avec une diminution des douleurs abdominales, des ballonnements, une amélioration des troubles du transit, et aussi un effet sur les symptômes extradigestifs (céphalées, anxiété-dépression, troubles du sommeil…) [22]. L’hypnose normalise la sensibilité viscérale et modifie les activations cérébrales en réponse à une stimulation colique. Cet effet peut persister à long terme, en particulier chez les patients pratiquant de l’auto-hypnose. La méditation pleine conscience semble également être bénéfique [23]. Les effets de l’ostéopathie sont incertains, une étude est en cours dans le cadre d’un PHRC National. D’autres traitements alternatifs n’ont pas d’effet comme l’acupuncture. Il faut noter que les patients utilisent beaucoup ses traitements sans en parler à leur médecin, mais s’orientent le plus souvent vers ceux n’ayant pas d’effet ! Dans une enquête auprès de l’association des patients souffrant du SII (APSSII), environ un patient sur quatre avait fait de l’acupuncture et/ou de l’ostéopathie, alors que seulement 15 % avaient testé l’hypnose. Il paraît donc très important d’aborder cette question avec eux et de les orienter vers les traitements efficaces.

Des traitements alternatifs comme l’hypnose doivent être proposés aux patients atteints de syndrome de l’intestin irritable

Proposer une colectomie à tous les patients avec constipation sévère

La prise en charge de la constipation chronique de l’adulte nécessite avant tout traitement une évaluation rigoureuse des patients. Celle-ci repose dans un premier temps sur une évaluation clinique précise. Les examens complémentaires sont proposés en seconde ligne et ont pour objectifs de chercher une cause organique et/ou préciser le type de constipation, afin d’orienter la stratégie thérapeutique. Lorsqu’une cause organique a été écartée, la mesure du temps de transit colique permet de confirmer la présence d’un ralentissement du transit et la manométrie anorectale, au mieux associée avec un test d’expulsion du ballonnet, a pour objectif d’affirmer le diagnostic de constipation d’évacuation. Pour documenter la constipation de transit, l’examen de référence recommandé de façon unanime dans les séries est le temps de transit aux pellets [23]. Il peut être discuté la réalisation d’une scintigraphie colique ou d’une manométrie colique à la recherche d’une inertie colique ou d’une manométrie du grêle ou de l’œsophage à la recherche de troubles de la motricité digestive diffus et avant de proposer un traitement radical.

La chirurgie colique peut être discutée dans la constipation de transit sévère : il s’agit d’un traitement radical de la constipation. La colectomie totale avec anastomose iléo-rectale constitue l’intervention de référence largement rapportée dans la littérature. Les résultats fonctionnels de la colectomie totale dans la constipation sont satisfaisants (50 à 100 % d’efficacité) mais les populations sont sélectionnées et les critères d’évaluation sont subjectifs et variables [24]. Il est important de préciser que la mortalité est faible mais non nulle dans une population de patients à faible comorbidités et que la morbidité peut être jugée élevée (10 à 50 % selon les séries) pour une maladie fonctionnelle. Le risque de récidive de constipation varie de 10 à 33 % et les douleurs abdominales persistent dans 41 % [25]. Cette information est importante à préciser aux patients. Enfin, il n’existe à ce jour aucun essai prospectif comparatif, ce qui témoigne bien d’une approche opératoire qui reste marginale, et surtout d’une sélection importante des patients après échec des traitements conservateurs, très demandeurs d’une prise en charge et sans co-morbidité significative pour limiter le risque opératoire. Les recommandations récentes sur la constipation [26] concernant la chirurgie colique mentionnent que « …compte tenu d’un bénéfice à long terme non prouvé et des séries rapportant des cas sélectionnés, il est recommandé que l’indication soit posée dans un centre expert, en dernier recours, après échec des autres alternatives médicales et mini-invasives ».

L’indication de la colectomie pour la constipation de transit sévère doit être posée dans un centre expert, en dernier recours, après échec des autres alternatives médicales et mini-invasives

Méconnaître des troubles de la statique rectale chez le patient ayant une constipation d’évacuation

La relation entre constipation d’évacuation et trouble de la statique rectale est établie depuis longtemps. Cependant il n’existe pas de corrélation entre l’importance des plaintes exprimées par les patients et l’importance des anomalies anatomiques. Par ailleurs, il est souvent difficile de savoir si l’anomalie anatomique est la cause ou la conséquence de la plainte [27]. L’approche opératoire des troubles de l’évacuation du rectum repose pourtant aujourd’hui sur la correction d’un trouble anatomique de la statique du rectum (prolapsus rectal, procidence rectale interne, recto-élytrocèle). Cette approche est associée à une prise en charge médicale concomitante. L’évaluation de l’efficacité des traitements se fait sur le bénéfice fonctionnel (amélioration des symptômes et de la vidange rectale) plus que sur la qualité de la correction anatomique. L’existence d’une inertie colique associée ne semble pas péjorer l’effet sur la vidange du rectum [28]. Les recommandations récentes sur la constipation [26] concernant la chirurgie des troubles de la statique rectale mentionnent que « la correction d’un trouble de la statique rectale est un facteur d’amélioration de la constipation terminale. Il est recommandé de réaliser un examen d’imagerie pour documenter le trouble de la statique pelvienne et chercher une élytrocèle avant d’opérer les patientes ».

La correction chirurgicale d’un trouble de la statique rectale est un facteur d’amélioration de la constipation terminale

Méconnaître des troubles du transit chez le patient incontinent

Les mécanismes physiopathologiques de l’incontinence fécale sont souvent multiples et associés : dysfonction anale, dysfonction rectale et troubles du transit.

Les troubles du transit sont essentiellement représentés par une diarrhée (parfois seul motif de consultation pour une incontinence anale « masquée »), une alternance diarrhée-constipation mais parfois par une constipation. Ces troubles sont parfois décrits spontanément par le patient mais ils peuvent être difficiles à objectiver et un calendrier des selles évaluant leur fréquence et leur consistance selon l’échelle de Bristol est alors utile. Dans tous les cas, il est indispensable, après avoir objectivé les troubles, de chercher une cause organique et d’en préciser les mécanismes. Lorsqu’une cause organique a été écartée, il est alors proposé dans les stratégies thérapeutiques de première intention, les conseils concernant l’hygiène défécatoire et la régularisation du transit. Ces traitements sont particulièrement utiles et souvent suffisants. Les médicaments proposés ont pour objectif de permettre un épaississement des selles et obtenir un transit régulier. L’efficacité de ces traitements justifie de chercher, explorer et prendre en charge les troubles du transit chez les patients ayant une incontinence fécale.

Il est justifié de chercher, explorer et prendre en charge les troubles du transit chez les patients ayant une incontinence fécale

Oublier qu’une diarrhée peut être conséquence de la constipation

Les causes de la diarrhée chronique sont nombreuses et l’exploration étiologique peut être complexe. Une des causes de diarrhée bien connue des cliniciens est la constipation. Il est parfois difficile de la mettre en évidence à l’interrogatoire notamment chez des patients ayant une constipation ancienne, chez les patients neurologiques ou encore si les patients prennent des ralentisseurs de transit. Le calendrier des selles est alors très utile pour préciser la fréquence des selles, leur consistance mais surtout la chronologie des troubles. L’émission d’un « bouchon » de selles dures suivi de selles plus molles avant la débâcle diarrhéique, l’alternance selles dures/selles liquides pendant quelques jours sont des éléments qui vont également permettre d’objectiver cette « diarrhée du constipé ». Lorsqu’un doute important subsiste, malgré un interrogatoire pertinent et un examen clinique avec toucher rectal, le temps de transit aux marqueurs radio-opaques est utile à la recherche d’arguments objectifs. L’étape suivante est de l’expliquer au patient et de le convaincre de prendre des laxatifs pour la diarrhée et d’arrêter les ralentisseurs de transit. Il est utile de les revoir avec un nouveau calendrier des selles sous laxatifs.

Il peut être difficile de mettre en évidence à l’interrogatoire une diarrhée du constipé, notamment chez des patients ayant une constipation ancienne, chez les patients neurologiques ou en cas de prise de ralentisseurs de transit

Take home messages

  • Le syndrome de rumination doit être évoqué en pH-impédancemétrie si le nombre de reflux post-prandiaux atteignant l’œsophage proximal est important.
  • Dans le bilan pré-opératoire d’un reflux gastro-œsophagien (RGO), le but de la manométrie est d’éliminer une éventuelle achalasie de l’œsophage ou une absence de contractions œsophagiennes.
  • Les symptômes ORL sont fréquemment mis sur le compte d’un RGO mais beaucoup de patients et de médecins ont tendance à confondre pyrosis et brûlures cervicales isolées dont les liens avec le reflux sont moins clairs.
  • Les lésions inflammatoires décrites en laryngoscopie n’ont aucune spécificité en l’absence de signe typique de RGO.
  • Si les IPP sont inefficaces sur les symptômes ORL, la probabilité qu’ils soient en rapport avec un RGO est très faible.
  • Un authentique RGO pathologique attesté par la présence d’une œsophagite peptique et/ou une pHmétrie positive peut coexister avec des maladies fonctionnelles œsophagiennes comme un pyrosis fonctionnel.
  • L’achalasie de type III est le sous-type d’achalasie qui répond le moins bien à la dilatation pneumatique.
  • En cas de gastroparésie, la nutrition par alimentation entérale est recommandée.
  • Dans l’évaluation de l’allergie, il n’y a pas lieu de faire des tests diagnostiques n’ayant pas fait la preuve de leur efficacité, comme le dosage des immunoglobulines G et E totales.
  • Il est important de réaliser de façon systématique des biopsies coliques chez des patients ayant une diarrhée chronique et susceptibles de prendre des traitements pouvant être à l’origine de colite microscopique.
  • Il paraît très important d’expliquer au patient atteint de syndrome de l’intestin irritable les différents mécanismes pouvant être à l’origine des symptômes et le fait que leur identification individuelle n’aurait aucun impact sur la prise en charge thérapeutique.
  • Le régime pauvre en FODMAPs (Fermentable Oligo-, Di-, Mono-saccharides And Polyols) ne doit pas être proposé à des patients ayant une maigreur et/ou des troubles du comportement alimentaire.
  • L’hypnose a fait la preuve de son efficacité chez des patients réfractaires au traitement médical.
  • La chirurgie colique ne peut être envisagée dans la constipation de transit sévère qu’en dernier recours et qu’après un bilan dans un centre expert.
  • La correction d’un trouble de la statique rectale est un facteur d’amélioration de la constipation terminale.
  • Les troubles du transit associé à l’incontinence fécale peuvent être une diarrhée, une alternance diarrhée-constipation mais parfois par une constipation.
  • Il peut être difficile de mettre en évidence à l’interrogatoire une diarrhée du constipé chez des patients ayant une constipation ancienne, chez les patients neurologiques ou en cas de prise de ralentisseurs de transit.

Liens d’intérêts

FZ : interventions ponctuelles pour Reckitt Benckiser. Les autres auteurs n’ont pas déclaré leurs éventuels liens d’intérêts.


1 www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2831508/fr/pertinence-des-soins-en-allergologie-immunologie

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