JLE

Hépato-Gastro & Oncologie Digestive

MENU

La séquence vancomycine-transplantation de microbiote fécal mieux que la fidaxomycine dans l’infection récidivante à Clostridium difficile ? Volume 26, numéro 7, Septembre 2019

Illustrations


  • Figure 1

Introduction

L’infection à Clostridium difficile est un enjeu majeur de santé publique dans les pays développés et particulièrement en France. Il s’agit d’une cause fréquente d’infection nosocomiale et elle représente un peu moins d’un tiers des causes de diarrhée post-antibiotique. Son impact est important puisqu’elle augmente fortement le risque de décès chez les patients hospitalisés. Le risque de récidive d’infection à C. difficile est de 20 % et augmente fortement en fonction du nombre de récidives antérieures, atteignant jusqu’à 45 % chez les patients ayant déjà présenté un épisode et 75 % chez ceux aux antécédents de récidives multiples [1].

Le risque de récidive d’infection à Clostridium difficile est de 20 % et augmente fortement en fonction du nombre de récidives antérieures

Le primum movens d’une telle infection est la présence d’une dysbiose dont les causes les plus fréquentes sont la prise récente d’antibiotiques, une MICI concomitante ou un âge avancé [2]. Bien que la transplantation de microbiote fécal (TMF) et la fidaxomycine aient montré leur efficacité dans le traitement de l’infection à C. difficile récidivante, aucun essai randomisé ne les a comparés directement. Le but de cette étude était de comparer l’efficacité de la TMF, la fidaxomycine et la vancomycine dans le traitement de l’infection à C. difficile récidivante.

Patients et méthodes

Il s’agissait d’un essai contrôlé randomisé monocentrique mené en ouvert au Danemark entre 2016 et 2018. Au total, 64 patients adultes (> 18 ans) avec au moins trois selles liquides par jour et une PCR positive pour la recherche de toxine A et/ou B de C. difficile dans les huit semaines suivant l’arrêt du traitement ont été inclus. Tous les patients devaient avoir présenté au moins un échec soit à la vancomycine soit à la fidaxomycine. Les patients ont été randomisés en trois groupes selon un ratio 3:3:2 pour recevoir soit une TMF (50 g de selles congelées provenant d’un seul donneur par coloscopie ou sonde naso-jéjunale après discussion entre le clinicien et le patient) après quatre à dix jours de vancomycine 125 mg ×4 par jour (n = 24 patients), soit dix jours de fidaxomycine 200 mg ×2 par jour (n = 24 patients), soit dix jours de vancomycine 125 mg ×4 par jour (n = 16 patients). Le critère de jugement principal était composite et défini comme la résolution des symptômes avec une PCR négative à huit semaines.

Résultats

Parmi les 120 patients pré-inclus, 64 patients dont l’âge médian était d’environ 68 ans avec peu de morbidités associés (indice de Charlson médian : 1) et avec un nombre médian de récidive égal à 4, ont été randomisés. Il faut noter que 23 % des patients avaient une MICI concomitante et que seulement trois patients avaient déjà reçu de la fidaxomycine dont deux dans le groupe recevant ce même antibiotique et un dans le groupe traité par TMF. Le taux de résolution des symptômes associée à une PCR négative à huit semaines (critère de jugement principal) était significativement plus élevé chez les patients traités par vancomycine puis TMF (17/24, 71 %) par rapport à ceux recevant de la fidaxomycine (8/24, 33 % ; p = 0,009) (figure 1) ou de la vancomycine (3/16, 19 % ; p = 0,001). Parmi les sept patients n’atteignant pas le critère de jugement principal sous vancomycine puis TMF, cinq n’avaient plus de symptômes à la semaine 8. Par ailleurs, une TMF de rattrapage a été réalisée chez 24 patients ayant récidivé dans les huit semaines suivant la randomisation permettant une résolution des symptômes avec PCR négative chez 20 d’entre eux (83 %). Aucune différence n’a été observée entre les trois groupes concernant le taux d’effets secondaires. Le seul facteur prédictif d’échec de la FMT était le faible niveau de l’hémoglobine à l’inclusion.

Commentaires

Il s’agit de la première étude contrôlée randomisée comparant la TMF à la fidaxomycine dans le traitement de l’infection à Clostridium difficile récidivante.

Les résultats sont sans appel. Le traitement séquentiel par vancomycine puis TMF était significativement plus efficace que la fidaxomycine (71 % vs. 33 ; p = 0,009).

Les résultats sont sans appel : le traitement séquentiel par vancomycine puis transplantation de microbiote fécal était significativement plus efficace que la fidaxomycine

On observait également une supériorité de la séquence vancomycine puis TMF par rapport à la vancomycine au régime standard (71 % vs. 19 % ; p = 0,001).

Toutefois, plusieurs points méthodologiques limitent la portée de ces résultats. Tout d’abord, à peine plus de 50 % des patients pré-inclus ont été randomisés. Les patients ont été majoritairement exclus en raison de leurs comorbidités et de la sévérité de l’infection, limitant ainsi la valeur de ces résultats à une sous-population de patients peu sévère et avec peu de comorbidités. Les auteurs justifiaient le nombre important d’exclus par le caractère peu éthique de traiter par vancomycine des patients avec infection sévère après échec préalable de cet antibiotique. Cette remarque met en lumière l’inutilité du troisième bras « vancomycine standard », qui s’apparente ici à un bras placebo, puisque la quasi-totalité des patients avaient récidivé malgré ce traitement. Ce schéma d’étude a contribué au nombre important de patients non inclus et a diminué la puissance de l’étude. À conserver ce troisième bras, un schéma pulsé aurait probablement été plus pertinent. Parmi les critères d’inclusion, comptait un échec préalable à la vancomycine ou la fidaxomycine, ce qui désavantageait de fait les deux bras antibiotiques seuls, même si seulement trois patients avaient été préalablement traités par fidaxomycine. Il faut également noter que le calcul d’effectif ne s’applique qu’à la comparaison entre vancomycine puis TMF et fidaxomycine. Toutes les autres comparaisons doivent être prises avec plus de précautions compte tenu du déséquilibre des groupes et de l’inflation du risque α due aux comparaisons multiples. Le schéma de l’étude en ouvert a pu également générer un biais de mesure compensé en partie par l’ajout d’un élément objectif au critère de jugement principal (PCR à la recherche de toxines A et/ou B). Les auteurs ont par ailleurs mis en exergue l’absence de patients infectés par la souche virulente porteuse du ribotype 027. Un autre point regrettable concernant le schéma de l’étude est l’utilisation de vancomycine avant la TMF, qui plus est, pendant des durées variables. Ce choix ne nous permet donc pas de conclure à la supériorité de la TMF sur la fidaxomycine mais bien à la supériorité de la séquence vancomycine puis TMF.

Malgré ces limites auxquelles s’ajoute l’hétérogénéité des modalités d’administration de la TMF, ces résultats soulignent la particulière efficacité de la TMF dans le traitement de l’infection à C. difficile comme le montre la très bonne efficacité (20 patients/24) du traitement de sauvetage par TMF en cas d’échec de la première stratégie de traitement.

Malgré ces limites auxquelles s’ajoutent l’hétérogénéité des modalités d’administration de la transplantation de microbiote fécal, ces résultats soulignent la particulière efficacité de cette dernière dans le traitement de l’infection à C. difficile

Avant d’être généralisés, ces résultats nécessitent d’être confirmés dans d’autres essais contrôlés randomisés, idéalement en aveugle, comparant TMF et fidaxomycine chez des patients non sélectionnés. Malgré les résultats spectaculaires de la TMF dans le traitement de l’infection à C. difficile, sa diffusion reste encore limitée par son coût et l’absence de données fiables sur l’absence d’effets secondaires à long terme.

Malgré les résultats spectaculaires de la transplantation de microbiote fécal dans le traitement de l’infection à C. difficile, sa diffusion reste encore limitée par son coût et l’absence de données fiables sur l’absence d’effets secondaires à long terme

En pratique, on peut donc retenir que la séquence de traitement vancomycine (4 à 10 jours) puis TMF est beaucoup plus efficace que la fidaxomycine dans le traitement de l’infection à C. difficile récidivante chez des patients sans signe de gravité et sans comorbidités importantes ayant récidivé malgré un traitement préalable par vancomycine ou fidaxomycine.

Liens d’intérêts

activité de consultant pour Abbvie, Amgen, Biogen, Pfizer, Roche, Janssen, Takeda et de conférencier pour Abbvie, MSD, Pfizer, Ferring, Janssen, Takeda.

Licence Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International