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Hépato-Gastro & Oncologie Digestive

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La cœlioscopie pour tous et pour tout ? Volume 25, numéro 5, Mai 2018

Moins de complications pour une survie similaire dans la chirurgie de l’œsophage…

Straatman J, van der Wielen N, Cuesta MA, et al.

Minimally invasive versus open esophageal resection: three-year follow-up of the previously reported randomized controlled trial: the TIME Trial. Ann Surg 2017; 266 : 232-6.

Il s’agit de l’analyse de survie à trois ans d’un essai randomisé, multicentrique, européen publié en 2012 dans le Lancet. Cet essai avait montré un bénéfice en faveur de la voie d’abord minimale invasive sur le taux de complications pulmonaires, un raccourcissement de la durée d’hospitalisation et une meilleure qualité de vie. L’objectif de ce travail était de comparer deux techniques chirurgicales de résection œsophagienne pour cancer de l’œsophage ou du cardia (Siewert 1) (voie ouverte ou minimale invasive). Cent quinze patients ont été randomisés : 56 dans le bras chirurgie ouverte et 59 dans le bras chirurgie minimale invasive. Il n’y avait pas de différence significative de survie globale avec un taux à trois ans de 40,4 % pour le bras « chirurgie ouverte » et 50,5 % pour le bras « chirurgie minimale invasive » (p = 0,207). Il n’y avait également pas de différence en termes de survie sans récidive à trois ans. Le taux de résection complète R0 et le nombre de ganglions examinés étaient similaires dans les deux groupes. Les auteurs concluent que cette étude démontre l’absence de différence de survies globale et sans récidive à trois ans entre les deux techniques chirurgicales.

Même si cet essai n’a pas été construit pour montrer une différence de survie (manque de puissance), ces résultats confortent l’utilisation de l’approche minimale invasive pour œsophagectomie pour cancer.

Moins d’erreurs techniques en 3D, y compris pour les opérateurs expérimentés

Smith R, Schwab K, Day A, et al.

Effect of passive polarizing three-dimensional displays on surgical performance for experienced laparoscopic surgeons. Br J Surg 2014 ; 101 : 1453-9.

L’apparition récente de la vision stéréoscopique 3D a été une révolution dans plusieurs domaines mais sa diffusion dans la communauté chirurgicale reste limitée. Dans cette étude, 20 chirurgiens expérimentés (ayant réalisé plus de 100 interventions) ont été évalués sur quatre exercices standardisés de chirurgies laparoscopiques. Ils devaient effectuer ces gestes avec vision 2D et 3D, dont la séquence dépendait de la randomisation. Dans ce travail, l’utilisation de la 3D permettait une diminution de 62 % du nombre médian d’erreur et de 35 % du temps médian de réalisation (p < 0,001 pour chaque comparaison). Le score de tolérance (NASA Task Load index) était significativement amélioré pour quatre items sur six.

Alors que des études plus anciennes suggéraient que seuls les chirurgiens en formation bénéficiaient de la vision 3D pour la réalisation de gestes, les résultats de cette étude confirment qu’il existe un avantage significatif à la vision binoculaire même pour les chirurgiens aguerris à la chirurgie laparoscopique. En effet, plusieurs équipes considéraient que la perte de stéréoscopie était compensée par l’expérience du chirurgien avec une meilleure tolérance générale.

Cœlioscopie et occlusion digestive : probablement plus de plaies iatrogènes…

Behman R, Nathens AB, Byrne JP, Mason S, Look Hong N, Karanicolas PJ.

Laparoscopic surgery for adhesive small bowel obstruction is associated with a higher risk of bowel injury: a population-based analysis of 8,584 patients. Ann Surg 2017 ; 266 : 489-98.

Avec le développement de la laparoscopie, de plus en plus de chirurgiens traitent les patients en occlusion du grêle par laparoscopie. Cependant, certaines difficultés liées à la distension de l’abdomen pourraient résulter en un risque accru de plaies de grêle. L’objectif de cette analyse de cohorte portant sur un registre canadien de l’Ontario de patients opérés entre 2005 et 2014 était de comparer le taux de plaies de grêle. Parmi 40 800 patients hospitalisés pour syndrome occlusif du grêle dû à des phénomènes adhérentiels ou brides, 21 % ont été opérés dont 7,8 % par laparoscopie (673/8 584). Les patients opérés par laparoscopie étaient plus jeunes et avaient moins de comorbidités. Le taux de traitement par laparoscopie a triplé au cours du temps. L’incidence de plaies du grêle était significativement supérieure dans le groupe laparoscopie (53,5 % versus 43,4 % ; p < 0,0001). Après ajustement, la laparoscopie était un facteur indépendant associé à un risque de plaie de grêle (OR = 1,64) ainsi que le sexe féminin, l’âge supérieur à 75 ans, les interventions en soirée et le week-end. Les durées d’hospitalisation, le taux global de complications et de mortalité postopératoires étaient significativement moindres dans le groupe laparoscopie.

Les résultats de cette étude vont à l’encontre d’autres études mais le premier randomisé de phase 3 sur le sujet est actuellement en cours d’inclusion en Finlande.

Appendicectomie par trocart unique : finalement plus de douleurs…

Carter JT, Kaplan JA, Nguyen JN, Lin MY, Rogers SJ, Harris HW.

A prospective, randomized controlled trial of single-incision laparoscopic vs. conventional 3-port laparoscopic appendectomy for treatment of acute appendicitis. J Am Coll Surg 2014 ; 218 : 950-9.

Dans cet essai, des patients adultes présentant une appendicite aiguë non compliquée ont été randomisés (ratio 1:1) entre appendicectomie par incision unique (SILS) ou appendicectomie conventionnelle à trois trocarts. Le critère de jugement principal était la douleur précoce postopératoire, l’hypothèse des auteurs étant une diminution de la douleur dans le groupe SILS. Alors qu’il était prévu d’inclure 150 patients, l’étude s’est arrêtée après les analyses intermédiaires menées sur 75 patients ; contrairement à l’hypothèse initiale, la douleur postopératoire était significativement plus importante dans le groupe SILS que dans le groupe conventionnel (échelle numérique : 4,4 versus 3,5 ; p = 0,01), de même que la consommation d’opiacés en postopératoire immédiat (3,9 mg versus 2,8 mg ; p = 0,01). La durée opératoire était en moyenne 40 % plus longue lorsque le SILS était utilisé (54 minutes versus 38 minutes ; p < 0,01). Il n’était pas observé de différences significatives en termes de complications post-opératoires, de consommation d’antalgiques à la sortie, de reprise de l’activité et de constatations esthétiques à distance.

Dans les deux précédents essais contrôlés randomisés comparant ces mêmes techniques, l’utilisation du SILS était corrélée, dans le premier, à une amélioration de la douleur postopératoire, dans le second, à une augmentation de la consommation d’opiacés. Les méta-analyses publiées sur le sujet n’ont pu mettre en évidence d’autre différence que la durée opératoire, en faveur de la laparoscopie conventionnelle. La laparoscopie à trocart unique semble offrir au patient un confort postopératoire similaire à la laparoscopie conventionnelle. Un avantage pourrait être de meilleurs résultats esthétiques à long terme, si toutefois elle n’entraîne pas d’augmentation du taux d’éventration. Par ailleurs, si le coût engendré par l’utilisation du SILS n’est pas rapporté dans cette étude, on sait qu’il est un frein au développement de la technique.

Quelle voie d’abord pour les pancréatectomies ? Le point de vue du patient lui-même…

Kwon W, Jang JY, Park JW, Han IW, Kang MJ, Kim SW.

Which method of pancreatic surgery do medical consumers prefer among open, laparoscopic, or robotic surgery? A survey. Ann Surg Treat Res 2014 ; 86 : 7-15.

Dans cette étude, des auteurs coréens ont cherché à recueillir la préférence de 600 personnes (dont 100 membres du personnel médical) concernant la voie d’abord d’une pancréatectomie distale pour une tumeur bénigne et une tumeur maligne. Les différents choix possibles étaient la « voie ouverte », la « laparoscopie » et la « chirurgie assistée par robot ». En cas de tumeur bénigne, les personnes interrogées répondaient majoritairement « laparoscopie ». Les personnes justifiaient le choix de la « laparoscopie » par rapport au « robot » pour des questions de coût et de sécurité. En cas de tumeur maligne, la « voie ouverte » était privilégiée pour un souci de radicalité. La majorité des personnes interrogées pensait que la « laparoscopie » et le « robot » étaient trop chers avec une prédominance parmi les personnes non médicalisées. De manière intéressante, les personnes non médicalisées avaient tendance à préférer davantage le robot en comparaison avec les données obtenues avec le personnel médical.

Bien entendu, ce travail présente de nombreux biais mais il est assez rare qu’on prenne objectivement en compte l’avis du patient dans le choix de la voie d’abord d’une intervention chirurgicale en général et d’une pancréatectomie en particulier. Cette étude très originale s’est intéressée aux pancréatectomies distales simplement pour faciliter la compréhension des personnes non médicalisées. Manifestement, la laparoscopie semble communément admise dans la population générale (coréenne) à la différence de la chirurgie assistée par robot. Enfin, la transposition des résultats de ce questionnaire à la population française pourrait être assez intéressante.

La laparoscopie est sûre même chez les patients insuffisants cardiaques…

Speicher PJ, Ganapathi AM, Englum BR, Vaslef SN.

Laparoscopy is safe among patients with congestive heart failure undergoing general surgery procedures. Surgery 2014 ; 156 : 371-8.

Cette large étude rétrospective américaine a permis d’inclure 2 219 patients ayant une insuffisance cardiaque diagnostiquée récemment (ou en aggravation récente) opérés d’une appendicectomie, d’une colectomie, d’une résection de grêle, d’une cure de hernie ou d’une splénectomie. Plus de patients étaient opérés en urgence dans le groupe laparotomie (36 % versus 71 % ; p < 0,001). La laparoscopie avait en analyse multivariée un rôle protecteur sur la mortalité (OR = 0,45 ; p = 0,04).

L’insuffisance cardiaque est la principale contre-indication théorique à la laparoscopie. La pression positive du pneumopéritoine peut diminuer le retour veineux et favoriser une défaillance cardiaque. En pratique, il n’existe que très peu de cas de mauvaise tolérance cardiaque rapportés dans la littérature. Cette étude va même plus loin et suggère que cette voie d’abord pourrait être mieux tolérée que la laparotomie en cas de décompensation cardiaque récente. Ce résultat (qui doit être interprété ici avec prudence) serait particulièrement intéressant pour une population de patients souvent âgés qui pourraient bénéficier des autres avantages de la chirurgie minimale invasive (diminution de la douleur, reprise de transit plus précoce…).

Chirurgie par abord transvaginal : not really ready for the prime time

Wood SG, Panait L, Duffy AJ, Bell RL, Roberts KE.

Complications of transvaginal natural orifice transluminal endoscopic surgery: a series of 102 patients. Ann Surg 2014 ; 259 : 744-9.

Cette étude rétrospective a inclus 102 patientes opérées par NOTES avec abord transvaginal dont 72 cholécystectomies (réalisées avec l’addition d’un trocart de 5 mm à travers l’ombilic), 24 appendicectomies et six cures de hernies de la paroi. L’âge moyen des patientes était de 37 ans et leur IMC moyen de 29 kg/m2. Dix complications post-opératoires (9,8 %) ont été rapportées (au cours d’un suivi médian de 90 jours) dont trois majeures (une plaie rectale au cours de l’abord transvaginal, un saignement de l’épiploon au cours d’une cholécystectomie et un abcès intra-abdominal après appendicectomie) et sept mineures.

Cette étude rétrospective monocentrique a pour principal mérite d’avoir essayé d’évaluer le taux de complications associées à une voie d’abord mini-invasive innovante. Cependant, son effectif relativement faible (pour une étude rétrospective, non comparative) ainsi que l’hétérogénéité des procédures réalisées ne permet pas vraiment de répondre à la question posée. Par ailleurs, le retentissement de cet abord sur l’activité sexuelle et la fertilité des patientes n’est aucunement mentionné. Cette série met malgré elle bien en évidence le besoin de travaux de qualité pour explorer ce domaine.

Liens d’intérêts

l’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

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