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Hépato-Gastro & Oncologie Digestive

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Hépatites sexuellement transmissibles Volume 26, numéro 5, Mai 2019

Illustrations


  • Figure 1

Tableaux

Introduction

Les hépatites virales sont une cause fréquente de perturbation du bilan hépatique. Les hépatites virales A, B, C, D et E sont responsables de 1,44 millions de décès par an et sont au rang de la 8e cause de décès dans le monde. Selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le virus de l’hépatite A (VHA) a causé 13,7 millions d’infections et 28 000 décès en 2010. Il s’agit d’une des causes les plus fréquentes d’hépatite aiguë infectieuse dans le monde. Les pays de l’Union européenne (UE) présentent un niveau d’endémie bas ou très bas. En 2012, 13 038 cas d’hépatite A ont été rapportés dans 29 pays de l’UE, soit 2,6 cas/100 000 individus. Ce taux varie considérablement selon les régions, avec des taux plus élevés dans les pays de l’Est (66,8 et 17,9 cas/100 000 habitants en Bulgarie et Roumanie respectivement) [1]. En France, la surveillance de l’hépatite A est assurée par la déclaration obligatoire depuis novembre 2005, et par le Centre National de Référence (CNR) des virus à transmission entérique. Le taux annuel d’incidence de notification a progressivement diminué à partir de 2010 pour atteindre en 2015 celui d’un pays de basse endémicité pour l’hépatite A, soit 1,1/100 000 habitants. Cependant, on a assisté à une épidémie d’hépatite A chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) entre 2016 et 2017, en France métropolitaine et dans plusieurs pays Européens.

Une épidémie d’hépatite A a touché les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes en Europe entre 2016 et 2017

La prévalence de l’antigène HBs (AgHBs) dans le monde est évaluée entre 3,7 % et 3,9 %. L’OMS estimait, en 2013, que 250 millions de personnes étaient porteuses du virus de l’hépatite B (VHB) dans le monde. Chaque année, près de 800 000 personnes décèdent du VHB et de ses conséquences : cirrhose ou carcinome hépatocellulaire. La prévalence de l’hépatite B est élevée (plus de 8 %) en Afrique subsaharienne et basse en Europe de l’Ouest [2]. La prévalence de l’AgHBs en 2016 était estimée à 0,8 % dans la population française métropolitaine [3]. La vaccination du VHB est obligatoire en France chez les nourrissons depuis le 1er janvier 2018. La couverture vaccinale des adolescents, évaluée en 2014 par l’étude Vaccinoscopie, était de 33 % [4]. Environ 14,5 % des patients porteurs du VHB sont co-infectés par l’hépatite D (VHD) parmi les personnes sans facteur de risque de toxicomanie et à faible risque de transmission sexuelle. La prévalence du VHD augmente à 37,5 % chez les usagers de drogues et à 17 % chez les patients avec des comportements sexuels à risque [5]. Une étude de prévalence portant sur l’infection par les virus des hépatites B et D, aux États-Unis entre 2011 et 2016, a montré que 42 % des porteurs de l’AgHBs avaient des anticorps anti-VHD [6].

Avec 170 millions de personnes contaminées par virus de l’hépatite C (VHC) dans le monde, trois à quatre millions de personnes infectées chaque année et un potentiel évolutif de l’infection vers une maladie sévère du foie (cirrhose, carcinome hépatocellulaire), l’hépatite C est un enjeu de santé publique majeur. L’apparition des nouveaux antiviraux à action directe a modifié l’histoire naturelle de la maladie. En France en 2016, le nombre de tests anti-VHC positifs était de 45/100 000 habitants [3].

Entre 2002 et 2016 en France, le nombre de personnes pour lesquelles des échantillons ont été adressés pour un diagnostic d’hépatite E (VHE) a augmenté de façon exponentielle (209 vs. 76 000). Une augmentation du nombre de cas diagnostiqués a été observée, concernant principalement les cas autochtones (9 vs. 2 292) dépassant très largement le nombre de cas importés. Depuis 2007, plus de 90 % des souches autochtones étaient de génotype 3. Une étude récente a estimé en France métropolitaine que les nombres annuels moyens de cas symptomatiques et de cas hospitalisés étaient respectivement à 68 007 et 546 [7]. À l’échelle mondiale, d’après l’OMS, on estime à 20 millions le nombre annuel d’infections, et à plus de 3,3 millions le nombre de cas aigus, avec environ 44 000 décès en 2015.

La primo-infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) peut se manifester par une hépatite aiguë. Le diagnostic de VIH lors de la primo-infection n’est que de 11 %, le diagnostic se faisant habituellement plus tardivement. Actuellement en France, plus de 7 000 nouveaux cas de VIH sont diagnostiqués chaque année, la moitié chez des personnes HSH [8].

Les infections à Epstein-Barr Virus (EBV) et cytomégalovirus (CMV) sont très fréquentes car l’on estime la prévalence à l’âge adulte à plus de 90 % pour l’EBV et 50 % pour le CMV. La moitié des primo-infections entraîne des cytolyses tandis que moins de 10 % sont responsables d’un ictère [9]. Enfin, l’Herpes Simplex Virus (HSV) de type 1 ou de type 2 peut donner des hépatites aiguës dans de rares cas. L’incidence des hépatites à HSV n’est pas décrite mais des cas d’hépatite aiguë sévère, principalement chez des sujets immunodéprimés, ont été décrits [10].

À côté des virus, certaines bactéries peuvent donner des infections sexuellement transmissibles. C’est le cas des Chlamydiae. Leur incidence a augmenté chez la femme de 18 à 25 ans. Chez l’homme, c’est la lymphogranulomatose vénérienne qui a augmenté de 161 % entre 2010 et 2015. Au total, près de 275 000 infections à Chlamydiae ont été dépistées en 2016 en France [11].

Hormis le VHE pour lequel peu de données sont disponibles, l’ensemble des pathogènes précédemment cités peuvent être transmis au décours de relations sexuelles. Trois modes de transmission sexuelle sont possibles : la transmission par les fluides sexuels (sperme ou sécrétions vaginales) voire la salive, la transmission sanguine (lors des effractions muqueuses), et, enfin, la transmission féco-orale (notamment lors de la pratique d’un anulingus). La libération des activités sexuelles par le chemsex ou les plans slam et les multipartenaires particulièrement chez les HSH sont à l’origine de l’augmentation des hépatites sexuellement transmissibles.

Trois modes de transmission sexuelle sont possibles : par les fluides sexuels, sanguine et féco-orale

L’objectif de cette mini-revue est de connaître les différents virus et bactéries à transmission sexuelle responsables d’hépatites, leurs modes de transmission, les modes de détection et les mesures préventives à mettre en place.

Transmission

Transmission sexuelle par les fluides sexuels et la salive

Le VIH se transmet par le sperme, les sécrétions vaginales et le sang. La primo-infection survient dans les deux à six semaines après la prise de risque et se manifeste par un syndrome « viral » avec polyadénopathies. Au niveau biologique, une cytolyse hépatique est présente dans 25 à 40 % des cas [12].

La principale cause de transmission du VHB en France est la transmission par les fluides sexuels. Dans une étude française récente, la cause d’hépatite B aiguë était l’exposition sexuelle dans 38,5 % des cas répartis tels que 22,7 % chez des individus ayant des partenaires sexuels multiples, 21 % chez des HSH et 9,2 % chez des individus ayant des relations sexuelles avec des partenaires AgHBs positifs. La deuxième cause de transmission de l’hépatite B est le voyage en zone d’endémie avec 21,5 % [13].

Nous rappelons que classiquement l’hépatite C ne se transmet pas par voie sexuelle, mais l’augmentation de la charge virale du VHC dans la population VIH masculine ou féminine, et les effractions muqueuses (ulcérations infectieuses ou traumatiques) augmentent le risque de transmission lors des rapports sexuels [14].

La présence du CMV dans les sécrétions génitales et les résultats de certaines études sur les partenaires sexuels soutiennent l’hypothèse d’une transmission sexuelle. En effet, il a été rapporté un taux de 95 % dans la population HSH [15].

Le virus EBV est présent dans la salive et les sécrétions génitales. La transmission est liée à des contacts rapprochés entre adultes jeunes. La transmission orale est fréquente, d’où son surnom de « maladie du baiser ». Deux sous-types d’EBV sont connus : le type 1 et le type 2. Selon une étude de prévalence réalisée à Amsterdam en 2000, la prévalence de l’infection à EBV de type 2 était significativement plus élevée chez les homosexuels masculins que chez les hétérosexuels (39 % vs. 6 %) et chez les hétérosexuels à haut risque d’infections sexuellement transmissibles (IST) que chez ceux à risque faible (15 % vs. 0 %). Les hétérosexuels à haut risque étaient définis comme des hétérosexuels consultant pour des maladies sexuellement transmissibles. Cela suggère une transmission sexuelle de l’EBV de type 2 [16]. De plus, l’EBV de type 1 semble associé à plus d’infections à Papilloma Virus mais sa prévalence, déjà très élevée dans la population adulte, n’est pas modifiée en fonction des activités sexuelles. Probablement parce que l’infection à EBV se fait principalement dans l’enfance ou à l’adolescence.

L’infection par HSV est une des plus fréquentes infections virales sexuellement transmissibles au monde. En cas d’herpès génital, une cytolyse modérée à moins de deux fois la normale est observée chez 14 % des patients [17]. De rares cas d’hépatites fulminantes ont été décrits. L’infection à HSV-2 est un facteur de risque pour l’acquisition et la transmission d’autres IST. Une étude brésilienne publiée en 2009 a montré une forte prévalence de HSV-2 chez les patients HSH séronégatifs pour le VIH (45,7 %). D’autre part, il existait une association importante entre l’infection à HSV-2 et la présence d’un partenaire sexuel stable dans les six derniers mois. En effet, le préservatif est peu utilisé parmi les couples stables, ce qui favorise la transmission d’HSV-2 [18].

Le syndrome de Fitz-Hugh-Curtis est une périhépatite faisant suite à une infection génitale, le plus souvent à Chlamydia trachomatis ou plus rarement à Neisseria gonorrhoeae. Le diagnostic est posé par la mise en évidence d’adhérences en cordes de violon entre la capsule hépatique et le péritoine pariétal lors de la cœlioscopie ou au scanner (rehaussement intense de la capsule hépatique après injection de produit de contraste). Pour les Chlamydiae, un traitement par doxycycline per os pendant 7 à 21 jours suivant localisation et génotype doit être prescrit. Le traitement associé systématique du gonocoque n’est plus recommandé.

La syphilis est une infection induite par le spirochète Treponema pallidum. La maladie se caractérise par l’évolution d’une phase primaire (chancre syphilitique) vers une phase secondaire (rash cutané), et si aucun traitement n’est mis en œuvre, vers une phase tertiaire (neurosyphilis, atteinte cardiovasculaire et gomme). La syphilis est dite la « grande simulatrice » en raison de l’atteinte de multiples organes. Les hépatites surviennent le plus souvent au stade secondaire de la maladie, mais sont peu reconnues en tant que diagnostic d’hépatite à part entière, en raison de la nature aspécifique des symptômes. L’hépatite syphilitique est fréquente chez les patients séropositifs pour le VIH, et notamment chez les HSH. En effet, en 2002, un quart des cas de syphilis aux USA sont survenus dans la population infectée par le VIH ; et 38 % des séropositifs pour le VIH avec une syphilis ont une perturbation du bilan hépatique compatible avec une hépatite syphilitique dans une étude américaine réalisée en 2009 [19].

Transmission sexuelle par voie féco-orale

La transmission sexuelle de l’hépatite A peut se faire à l’occasion de tout contact direct de la bouche d’une personne non infectée avec l’anus d’une personne porteuse du virus (anulingus ou rimming) ou indirect. La population HSH représente le principal groupe à risque d’infection par le VHA via les pratiques sexuelles rendant possible la transmission féco-orale du virus. Une épidémie française et européenne d’hépatite A a débuté en février 2016 et a touché principalement les HSH entre 15 et 49 ans. Les souches d’hépatite A étaient différentes de la souche habituelle (souche RIVM HAV16-090 dite « Europride » et souche VRD_521-2016) [20]. Près d’un quart des cas français (22 %) étaient résidents en Ile-de-France mais les autres régions françaises ont été touchées. Ainsi, au CHU de Nice, alors que le nombre de cas déclarés d’hépatite A entre 2010 et 2015 était stable avec 5 à 7 cas par an et aucun cas de transmission sexuelle, en 2017, 60 cas d’hépatite A ont été déclarés dont 33 chez des HSH (figure 1). Grâce aux mesures de préventions mises en place au printemps 2017 (cf. ci-dessous), l’épidémie a cessé. Au CHU de Nice, le nombre de déclarations en 2018 est revenu à son taux habituel de 6 cas par an dont un seul cas de transmission sexuelle chez un HSH. Les facteurs de risque associés au VHA dans la population HSH sont des partenaires sexuels anonymes, des relations sexuelles en groupe, des pratiques oro- et digito-anales et une fréquentation de saunas gays et darkrooms. De plus, l’hépatite A chez les sujets HSH est associée à une prévalence plus élevée du VIH [21]. Cela peut être expliqué par l’exposition des individus à plusieurs facteurs de risque du VHA et parce que la virémie et la présence du VHA dans les selles sont plus longues chez les patients infectés par le VIH, par rapport aux patients indemnes de VIH. Cette proportion élevée de co-infections VIH/VHA met en lumière l’importance du dépistage du VIH chez les patients HSH présentant une hépatite A aiguë.

Les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes représentent le principal groupe à risque d’infection par le VHA

La transmission sexuelle de l’hépatite E semble beaucoup moins consensuelle que celle de l’hépatite A et reste un sujet d’investigations. En effet, un nombre limité d’études s’est intéressé à une possible transmission sexuelle de l’hépatite E. Une étude publiée l’année dernière au Pays-Bas s’est intéressée à la prévalence de l’hépatite E dans une population à risque sexuel élevé (pratique de la sodomie, ou au moins trois partenaires sexuels dans les six derniers mois, ou positivité pour Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoeae, syphilis, ou VIH) comparativement à celle de la population générale. Les prévalences de l’immunoglobuline (Ig) G anti-VHE étaient les mêmes dans les deux groupes [22]. De même, une étude française réalisée en 2016 a montré que la prévalence des IgM anti-VHE était similaire chez les patients qu’ils soient infectés ou non par le VIH [23]. Ces données ne plaident pas en faveur d’une transmission sexuelle du VHE. À notre connaissance, la transmission sexuelle de l’hépatite E de génotype 1 dans les pays du Sud n’a jamais été publiée. La différence de transmission féco-orale entre le VHA et le VHE pourrait être expliquée en partie par le fait que la durée d’excrétion du virus est plus courte pour le VHE que pour le VHA (50 versus 79 jours respectivement). Ce différentiel de temps pourrait coïncider avec la période de reprise de l’activité sexuelle en rapport avec une amélioration de l’état général et de l’état de fatigue. Des facteurs viraux supplémentaires sont probablement impliqués.

Transmission sexuelle par voie sanguine

La désinhibition favorise les rapports sexuels non protégés, la multiplicité des partenaires et les pratiques traumatiques pour les muqueuses. Or, le risque d’IST augmente avec la brutalité des rapports. La pratique du chemsex mais surtout la consommation de drogues dans les clubs, associée au multipartenariat augmente de 30 % le risque de contracter une IST chez des HSH sous PrEP (cf. infra)[24].

Le chemsex (usage de substances psychoactives pour booster ses performances sexuelles) ou les plans slam et le multipartenariat augmentent de 30 % le risque de contracter une infection sexuellement transmissible chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes

Le chemsex [qui provient de la contraction des termes anglais « chemical » (produit chimique) et « sex » (sexe)], désigne le fait de consommer des produits psychotropes avant ou pendant les activités sexuelles afin de les rendre plus intenses et plus prolongées. Cette pratique est surtout présente dans les milieux gay et bisexuel, ainsi que dans le cadre de la prostitution masculine. Depuis leur popularisation, les sites et applications de rencontres géolocalisés sont souvent utilisés pour chercher de potentiels partenaires adeptes du chemsex, ainsi que pour se procurer les produits concernés par cette pratique. Généralement pratiqués à deux ou à plusieurs, ces plans peuvent durer pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours. Plusieurs produits sont associés à cette tendance :

  • les stimulants : amphétamines, cocaïne, métamphétamines (crystal meth) et cathinones (méphédrone, 3MMC, ecstasy, etc.) ;
  • les dissociatifs : kétamine ou analogues ;
  • les dépresseurs : GHB/GBL (gammahydroxybutyrate/gamma-butyrolactone), poppers (l’inhalation de ces derniers étant le plus courant).

Toutefois, le chemsex ne concerne pas que les drogues puissantes. La désinhibition volontaire en consommant du cannabis ou de l’alcool peut être également considérée comme du chemsex « soft » [25].

Les plans « slam » réfèrent au même phénomène, mais dans ce cas les substances sont injectées en intraveineuse. Il s’agit surtout d’injection de cathinones et de méthamphétamines. De cette manière, les plaisirs sont décuplés et la désinhibition permet des pratiques plus « hard » et plus longues.

Le chemsex et le slam sont des facteurs de risque de transmission du VHB, VHC et VIH des manières suivantes :

  • liées à la consommation de drogues : partage et/ou réutilisation de la seringue ou du matériel d’injection, partage du matériel de snif entraînant une contamination sanguine ;
  • liées aux pratiques sexuelles « hard » : rapports sexuels non protégés, fist-fucking ou fisting (pratique sexuelle consistant à pénétrer le rectum du partenaire avec la main), plug ou booty bumping (mode d’administration de la substance mélangée à de l’eau dans le rectum à l’aide d’une seringue dont on a retiré l’aiguille) entraînant des effractions muqueuses. Même si cela n’est pas l’objet de cette mini-revue, nous rappelons que le chemsex ou les plans slam peuvent être responsables d’hépatites aiguës médicamenteuses secondaires aux produits de synthèse consommés.

Ainsi au cours de ces trente dernières années, l’incidence de l’hépatite C aiguë a augmenté, principalement chez les sujets VIH-HSH passant de 0,7/1 000 personnes-années en 1990 à 1,8/1 000 personne-année en 2014 [26]. Dans ces cas-là, la transmission du VHC se fait soit par transmission sanguine lors de plan slam ou de chemsex, soit par transmission par les fluides sexuels. Très récemment, une augmentation des épidémies d’infection ou de réinfection du VHC avec des hépatites aiguës symptomatiques a été rapportée chez des sujets HSH non porteurs du VIH (car probablement protégés du VIH par la PrEP) [27, 28]. Les recommandations européennes (EASL) préconisent le traitement des hépatites C aiguës avant d’attendre le passage à la chronicité [29].

Le dépistage des autres IST est primordial de même que l’éducation sur les mesures de prévention pour éviter la transmission.

Mode de détection

Afin d’être correctement interprétés, les résultats des tests biologiques, marqueurs indirects (détection des anticorps) et directs (détection du génome ou d’antigène) de l’infection, ne peuvent être dissociés du contexte global [environnemental, clinique, vaccinal, immunitaire, thérapeutique (transfert passif d’anticorps par injection d’immunoglobulines (Ig) ou transfusions, etc.)].

Le diagnostic virologique de l’hépatite A aiguë s’appuie sur la mise en évidence des IgM anti-VHA dans le sérum (tableau 1). La fenêtre sérologique correspond à la période d’incubation (30 jours en moyenne) et les IgM sont détectables concomitamment à la cytolyse hépatique, ce qui permet la plupart du temps de poser aisément le diagnostic. L’hépatite A aiguë est une maladie à déclaration obligatoire et la présence de ce marqueur correspond au critère de notification auprès des autorités sanitaires (ARS ; www.formulaires.modernisation.gouv.fr/gf/cerfa_12614.do). Toutefois, les IgM persistent pendant 8 à 12 semaines (exceptionnellement jusqu’à un an) : elles peuvent donc aussi témoigner d’une hépatite A aiguë récente déjà résolue. Les IgM peuvent également apparaître au décours d’une vaccination ou correspondre à une réactivité non spécifique. La prescription des analyses biologiques doit mentionner « recherche d’IgM anti-VHA » car la prescription « sérologie VHA » correspond à la détermination du statut sérologique, avec le dosage des IgG anti-VHA ou des anticorps totaux (IgG + IgM) anti-VHA. La détection du génome viral et le génotypage sont réalisés dans le cadre du suivi épidémiologique des souches circulant en France par le Centre National de Référence (CNR). La recherche de l’ARN VHA par technique de biologie moléculaire (réalisable dans le sang et dans les selles) peut être requise en cas de suspicion d’hépatite A avec deux pics cytolytiques.

Le diagnostic virologique de l’hépatite B aiguë s’appuie sur la détection simultanée dans le sérum de l’AgHBs et des IgM anti-HBc. L’AgHBs est déjà détectable environ un mois après la contamination, alors que la détection des anticorps anti-HBc est concomitante à la cytolyse hépatique, soit trois mois en moyenne après la contamination par le VHB. L’hépatite B aiguë est une maladie à déclaration obligatoire et la présence d’IgM anti-HBc dans un contexte de cytolyse hépatique aiguë correspond au critère de notification auprès des autorités sanitaires (notification conjointe prescripteur-biologiste via des feuillets autocopiants fournis par l’ARS). Les IgM persistent pendant quatre à six mois ; elles peuvent réapparaître en cas de poussée aiguë d’hépatite B chronique, mais ont habituellement dans ce cas, un niveau de réactivité plus faible. À noter, dans un contexte d’immunodépression (infection VIH par exemple…), les anticorps anti-HBc peuvent manquer. En cas de positivité isolée de l’AgHBs, il est indispensable qu’un test de confirmation (par technique de neutralisation) ait été effectué par le laboratoire pour écarter tout résultat faussement positif. En raison de l’extrême sensibilité des tests de dépistage de l’AgHBs, il est possible de détecter l’AgHBs vaccinal si la recherche est effectuée dans les jours qui suivent la vaccination. En ce qui concerne les autres marqueurs virologiques de l’infection par le VHB, tels que la recherche de l’antigène HBe, des anticorps anti-HBe ou la détermination de la charge virale (quantification du génome), ils ne sont pas discriminants entre une hépatite B aiguë ou une hépatite B chronique, la séroconversion HBe pouvant notamment être constatée dès la phase aiguë. En cas d’infection par le VHB établie, il est nécessaire de chercher une infection par le virus de l’hépatite delta.

L’infection aiguë par le VHD peut survenir de façon simultanée (co-infection) à l’infection aiguë par le VHB, ou compliquer une hépatite B chronique (sur-infection). Le marqueur à demander en première intention est la « sérologie VHD » cherchant les anticorps totaux dirigés contre le VHD. Des tests détectant les IgM anti-VHD sont disponibles, mais les IgM peuvent être détectées en phase aiguë et en phase chronique. En cas de positivité de la sérologie VHD, la recherche du génome viral par techniques de biologie moléculaire s’avère nécessaire.

Pour réaliser le diagnostic virologique de l’hépatite C aiguë, il est nécessaire d’associer la recherche des anticorps spécifiques du VHC (sérologie VHC) à la détection du génome viral par des tests de biologie moléculaire. L’ARN VHC est détectable environ deux semaines après la contamination, alors que les anticorps apparaissent habituellement au moment de la cytolyse hépatique, soit environ deux mois après la prise de risque. Il n’existe pas de test détectant les IgM et la prescription d’une « sérologie VHC » consiste le plus fréquemment à chercher les anticorps totaux ou IgG anti-VHC ; à noter, des tests combinant la recherche des anticorps et la détection de l’antigène viral sont disponibles, raccourcissant la fenêtre sérologique. Les anticorps apparaissant en phase aiguë vont persister quelle que soit l’évolution de l’infection (guérison ou passage à la chronicité) ; attention, en cas de guérison spontanée ou post-thérapeutique, une réinfection reste possible. Le diagnostic de l’infection aiguë par le VHC peut être aisé en cas de détection d’une réplication virale associée à la mise en évidence d’une séroconversion (positivité de la sérologie VHC avec notion de sérologie connue antérieurement négative, ou négativité de la sérologie VHC au moment de la cytolyse hépatique se positivant ultérieurement). Cependant, en dehors de ces situations, les résultats positifs de sérologie et de détection d’ARN VHC ne permettent pas de discriminer une infection aiguë (primo-infection ou réinfection) d’une infection chronique, et seront à interpréter en fonction du contexte clinique.

Le diagnostic virologique de l’hépatite E aiguë s’appuie sur la détection des IgM anti-VHE qui sont détectables lors de la cytolyse hépatique, en moyenne une quarantaine de jours après la contamination. Elles persistent pendant deux à six mois. En cas de contexte immunitaire particulier (infection par le VIH, grossesse, thérapeutique immunosuppressive, etc.), les IgM peuvent être absentes, et il est indispensable de chercher dans le sérum le génome viral par des techniques de biologie moléculaire. Le virus est excrété dans les selles pendant trois à quatre semaines suivant la phase aiguë, et la recherche de l’ARN VHE dans les selles est habituellement utilisée pour vérifier la clairance virale (hépatite aiguë survenant chez un patient immunodéprimé ou suivi de l’efficacité du traitement en cas d’hépatite chronique).

Du fait de la séroprévalence de l’EBV élevée dans la population adulte, le diagnostic d’une hépatite sévère à EBV est une situation rare chez le sujet immunocompétent. En raison du manque de spécificité du MNI test, c’est la prescription d’une sérologie EBV spécifique (recherche des IgG anti-VCA et des anticorps anti-EBNA) qui est à réaliser : la positivité de ces deux marqueurs témoigne d’une infection datant de plus de trois mois et permet la plupart du temps d’écarter l’hypothèse d’une primo-infection par EBV. En dehors de ce cas, il est nécessaire de compléter le bilan virologique par la recherche des IgM anti-VCA et la réalisation de tests de biologie moléculaire quantifiant le génome viral dans le sang. Le virus peut être détecté sur biopsie hépatique. À noter, une sérologie initialement négative sans détection d’IgM n’écarte pas le diagnostic, et il peut être nécessaire de suivre l’évolution de la sérologie EBV sur un deuxième prélèvement.

Le diagnostic virologique d’hépatite à CMV est très délicat du fait de la détection possible des IgM anti-CMV dans différentes situations cliniques, dont la primo-infection. Après une période d’incubation de 28 à 60 jours (40 jours en moyenne), la primo-infection à CMV induit la production d’IgM suivie par une production d’anticorps IgG. Cependant, les IgM persistent ensuite pendant plusieurs mois après la phase aiguë et elles peuvent être détectées également en cas d’infection dite secondaire, c’est-à-dire réactivation ou ré-infection ; de surcroît, leur détection peut être la conséquence d’une réactivité croisée avec des IgM résultant d’une primo-infection avec un autre virus (par exemple Parvovirus B19, Epstein-Barr) ou être observée du fait d’une stimulation polyclonale du système immunitaire. La détection du génome viral (ADN CMV) dans le sang par technique de biologie moléculaire met en évidence la réplication virale et l’existence d’une infection active, mais ne différencie pas une primo-infection d’une infection secondaire.

Pour établir le diagnostic virologique de l’hépatite herpétique, les tests sérologiques doivent être associés à la recherche du virus par détection du génome viral sur sang total ou sur la biopsie hépatique.

Prévention

Parce que le risque varie en fonction du type de relations sexuelles, des recommandations concernant la prévention des hépatites sexuellement transmissibles (HST) chez les jeunes adultes diffèrent pour ceux présentant une relation stable monogame et ceux ayant de nombreux partenaires sexuels. Ce dernier groupe est à haut risque d’HST (tableau 2). L’usage du préservatif est donc recommandé dans cette population notamment en cas de présence d’autres IST, en cas de relations sexuelles pendant les règles, et en cas de pratiques sexuelles pouvant traumatiser la muqueuse génitale, anale ou le rectum [30].

L’usage du préservatif est recommandé

La prévention de l’hépatite A est représentée par un vaccin sûr et efficace, disponible en Europe depuis 1991. Il confère une protection pendant une durée de 10 à 20 ans (si schéma vaccinal à deux injections), est sans effet secondaire notable et entraîne un taux de séroconversion supérieur à 95 % après la première injection (tableau 3). Celui-ci est plus bas chez les patients séropositifs pour le VIH comparés aux patients séronégatifs. Les recommandations vaccinales de l’OMS sont les suivantes :

  • vaccination universelle pour les pays d’endémie intermédiaire ;
  • vaccination uniquement pour les groupes de personnes à risque dans les pays d’endémie basse ou très basse.

Actuellement en France, la vaccination de l’hépatite A est recommandée pour les patients atteints de maladies hépatiques chroniques, pour les HSH et les personnes vivant ou voyageant dans des zones endémiques [31]. Lors de l’épidémie du VHA chez les HSH en 2016-2017, une campagne efficace de vaccination ciblée et gratuite auprès des HSH a été mise en place en 2017. Des brochures spécifiques sur la vaccination ont été déposées dans les différents lieux de rencontres, dans la presse gay et des séances de vaccination spécifiques ont été annoncées sur les applications mobiles [20].

La vaccination contre l’hépatite A est recommandée chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes

À noter qu’en cas d’hépatite A aiguë, la vaccination de l’entourage proche est recommandée dans les 14 jours suivant l’apparition des premiers symptômes. Toutefois, afin d’éviter la vaccination des personnes déjà immunisées (notamment personnes nées avant 1945 ou ayant séjourné plus d’un an en zone de forte endémicité), une sérologie VHA peut être préalablement réalisée [31].

La prévention de l’hépatite B repose principalement sur la vaccination anti-VHB et les mesures préventives des IST. Les expositions à risque relevant d’une indication vaccinale sont les suivantes : partenaire sexuel Ag HBs positif, partenaires sexuels multiples, soins invasifs tels que la dialyse et la transplantation d’organe, voyage en zone d’endémie du VHB, porteur chronique de l’AgHBs dans l’entourage familial, séjour en institution, usage de drogues, exposition professionnelle [31]. Il est à noter que ce vaccin protège également contre l’infection par le VHD.

La PrEP, qui signifie Prophylaxie Pré-Exposition (ou PRe-Exposure Prophylaxis en anglais), s’adresse aux personnes qui ne sont pas infectées par le VIH et consiste à prendre un médicament afin d’éviter de se faire contaminer (tableau 4). Il est important de souligner que la PrEP, tout comme le traitement post-exposition (TPE), ne protègent pas du VHC. Il ne faut pas confondre la PrEP avec le TPE qui doit être pris au plus tard dans les 48 heures après un risque de transmission puis tous les jours pendant un mois. À l’heure actuelle, le seul médicament utilisé pour la PrEP associe deux antirétroviraux contre le VIH : l’emtricitabine et le ténofovir disoproxil. La PrEP est actuellement indiquée pour toutes les personnes, de plus de 18 ans, qui n’utilisent pas systématiquement le préservatif lors de leurs rapports sexuels et qui sont à haut risque de contracter le VIH. La PrEP se délivre au cours d’une consultation de « santé sexuelle » qui permet également le dépistage des IST, des informations sur la réduction des prises de risque, les vaccins disponibles, le dépistage des partenaires, la prise en charge des addictions. Une consultation de suivi est nécessaire tous les trimestres avec une vérification de la sérologie VIH et le dépistage des autres IST. La PrEP est actuellement remboursée à 100 % par la Sécurité Sociale [32].

La Prophylaxie Pré-Exposition protège du VIH et s’accompagne d’une consultation de « santé sexuelle »

Conclusion

Les hépatites virales de transmission « sexuelle » sont des infections fréquentes. Il est important d’orienter l’interrogatoire du patient afin de chercher des pratiques à risque (chemsex, plan slam et HSH). Cela permettra de demander des tests virologiques adaptés qu’il faudra parfois répéter en fonction des fenêtres sérologiques. Enfin, les préventions primaires et secondaires sont primordiales dans les populations à risque : vaccination contre l’hépatite A, port du préservatif ou PrEP.

Remerciements

À Simone pour son écoute attentive.

Liens d’intérêts

les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

Take home messages

  • Les virus des hépatites A, B (±D), C, ainsi que les VIH, CMV, EBV et HSV peuvent être transmis lors de pratiques sexuelles.
  • Trois modes de contamination « sexuelle » sont possibles : par les fluides sexuels et la salive, par le sang (traumatisme des muqueuses ou risque lié à la contamination de matériel de toxicomanie) et féco-oral (contact direct ou indirect).
  • La pratique du chemsex ou du slam (usage de substances psychoactives pour booster ses performances et sensations sexuelles) avec multipartenaires augmente de 30 % le risque d’infections sexuellement transmissibles.
  • Les hommes ayant des relations avec des hommes et les patients porteurs du VIH sont à haut risque d’infections sexuellement transmissibles.
  • La vaccination contre l’hépatite A et l’hépatite B dans les groupes à haut risque et l’usage des préservatifs sont les principaux moyens de prévention.

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