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Hépato-Gastro & Oncologie Digestive

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Critères de qualité du compte rendu de coloscopie – Recommandations du CNP-HGE et de la SFED Volume 26, numéro 1, Janvier 2019

Tableaux

Préambule

La promotion de la qualité est une priorité pour notre discipline ; elle dictée par une volonté commune de toutes les composantes du Conseil National de la Profession (CNP-HGE) d’encourager les meilleures pratiques parmi les gastroentérologues et de favoriser des soins fondés sur des preuves. La qualité peut être mesurée en comparant la performance d’un individu ou groupe d’individus avec une référence. Les paramètres utilisés pour la comparaison sont appelés indicateurs de qualité. Ces indicateurs permettent de mesurer un état de santé, une pratique ou la survenue d’un évènement, et ainsi d’évaluer la qualité des soins et ses variations dans le temps. Ils évaluent les structures, les processus ou les résultats, et peuvent être recueilli à partir de différentes sources de données. Ce sont des éléments indispensables pour le suivi et le pilotage des démarches d’amélioration de la qualité des soins, notamment pour mesurer l’impact des actions entreprises.

L’activité endoscopique est au cœur du métier de l’hépato-gastroentérologue. Le CNP-HGE a mis en place une commission représentative de la profession chargée d’aboutir à une position consensuelle sur les critères de qualité de la coloscopie. Le pilotage a été assuré par la Société Française d’Endoscopie Digestive (SFED) qui a coordonné trois groupes de travail :

Le Groupe de travail sur les critères de qualité de la coloscopie :

  • Responsables : Stanislas Chaussade et Jean Lapuelle (SFED) ;
  • Composition : Philippe Bulois (SFED), Christophe Cellier (SNFGE), Bernard Denis (SNFGE), Jean Paul Jacques (Synmad), Patrice Pienkowski (SNFGE), Éric Vaillant (SFED), Frank Zerbib (SNFGE).

Le Groupe de travail sur la qualité du compte rendu de coloscopie :

  • Responsables : David Bernardini et Michel Robaszkiewicz (SFED).
  • Composition : Erwan Bories (SFED), Patrick Delasalle (CREGG), Franck Devulder (Synmad), Olivier Gronier (SFED), Stéphane Koch (SFED), Anne-Laure Tarrerias (SFED).

Le Groupe de travail sur la formation et l’amélioration des pratiques :

  • Responsable : Xavier Dray (SFED).
  • Composition : Frédéric Cordet (Synmad), Emmanuel Coron (SNFGE), Arthur Laquière (SFED), Thierry Ponchon (SFED), Vincent Quentin (SFED).

Les différentes recommandations publiées ont été discutées au cours de plusieurs réunions. Une réunion visuelle a eu lieu au cours des JFHOD 2018 pour trancher les points de litige avec l’ensemble des participants en ayant à l’esprit que ces recommandations devaient être faisables en pratique quotidienne très rapidement et en distinguant les critères majeurs de qualité qui doivent être mis en place très rapidement et des critères mineurs dont la mise en route pouvait être différée dans le temps. La commission a bien souligné que l’objectif de ces recommandations était d’aider la profession à améliorer les performances de la coloscopie et non à gêner le fonctionnement de l’endoscopie digestive et des endoscopistes. Ces recommandations ne sont qu’une étape intermédiaire qui devra être revue régulièrement au fil du temps. La mise en place par la profession de critères de qualité de la coloscopie est une étape indispensable pour démontrer aux patients et aux pouvoirs publics que les endoscopistes et les gastroentérologues sont engagés dans une démarche de qualité visant à proposer aux patients des coloscopies obéissant à un cahier des charges bien précis.

Ce document est le rapport établi par le deuxième groupe de travail.

Introduction

Le compte rendu d’endoscopie est assimilé à un compte rendu opératoire et fait partie intégrante du dossier médical (Article R1112-2 du CSP). Le compte rendu permet l’échange indispensable d’informations médicales entre médecins mais également entre le médecin et le patient. Il est donc indispensable et obligatoire. Il a de fait une valeur médico-légale. En cas de litige ou de plainte, l’expertise se base sur les éléments explicites du compte rendu d’endoscopie. En conséquence toute coloscopie doit faire l’objet d’un compte rendu rédigé avec le plus grand soin

Le compte rendu doit être descriptif et suffisamment précis ; les informations retranscrites ne doivent pas être redondantes avec le dossier médical. Il doit être le reflet du déroulement de l’examen et contenir tous les éléments pertinents à la prise en charge, ainsi qu’au suivi du patient et attester de l’ensemble des indicateurs de qualité tel qu’ils sont définis. Ce document doit être remis au patient à l’issue de l’examen. À défaut un compte rendu provisoire doit être établi, le définitif étant envoyé dans les meilleurs délais.

Méthodologie

Le groupe de travail a analysé les recommandations des principales sociétés savantes, SFED [1], ASGE [2], ESGE [3] concernant les critères de qualité de la coloscopie et la structure du compte rendu d’examen afin de déterminer les critères et les items à retenir pour établir un compte rendu structuré. Le groupe de travail a fait des propositions avec pour objectif d’obtenir un compte rendu idéal regroupant l’ensemble des critères indispensables et optionnels et de proposer une version minimale nécessaire pour une évaluation des indicateurs de qualité de la coloscopie [4-7]. Une méthode de type Delphi a été utilisée avec votes successifs pour définir les critères indispensables et les critères optionnels devant figurer dans le compte rendu de coloscopie.

Les propositions qui suivent sont le fruit d’une réflexion d’experts. Les avis exprimés s’appuient à chaque fois que possible, sur des données cliniques validées ou des éléments de jurisprudence.

Définition des critères indispensables et optionnels

Le groupe de travail a examiné selon les données de la littérature des critères qualités pré, per et post-procédures selon le tableau 1.

Pour chaque item, chaque membre du groupe de travail s’est exprimé de façon individuelle. La position de chacun a été reconsidérée à la lumière de l’avis de chaque participant au groupe, si celle-ci était divergente. L’objectif était d’établir une position convergente et un consensus pour chacun des items, afin de les classer comme critères indispensables ou optionnels du compte rendu de coloscopie.

Les critères pré-procédure

Seul le critère respect des indications a été retenu comme critère indispensable et devant figurer dans le compte rendu. Les autres items sont retenus comme optionnels à l’unanimité sous réserve du respect de leur traçabilité dans le dossier du patient.

Les critères per-procédure

Six items ont été considérés comme indispensables à l’unanimité :

  • 1)La qualité de la préparation, évaluée selon un score adapté, connu et partagé.
  • 2)La traçabilité de l’anesthésie : elle doit être notamment indiquée concernant le type d’anesthésie et l’identité de l’anesthésiste.
  • 3)L’atteinte caecale doit être formellement signifiée. La preuve de l’atteinte caecale par une photo peut être apportée et l’organisation d’un archivage adapté dans le dossier du patient doit se développer.
  • 4)La description précise des lésions (taille, morphologie, localisation) permettant d’évaluer le notamment le TDA qui est considérée comme un critère indispensable à l’unanimité.
  • 5)La technique et la méthode de résection adaptée à la lésion et décrite précisément doit figurer en clair dans le compte rendu à l’unanimité. Il doit être également précisé si le polype ou la lésion a été récupéré pour une analyse anatomopathologique.
  • 6)Toute complication et sa prise en charge adaptée doit être notifiée.

La description du déroulement de l’examen et des difficultés rencontrées ainsi que la durée totale de l’examen ont été considérées comme des critères optionnels à la majorité.

Les critères post-procédure

Un item a été considéré comme indispensable à l’unanimité : les recommandations pour le suivi et la surveillance en accord avec les recommandations doivent figurer dans le compte rendu à l’unanimité, qui doit être impérativement remis au patient sous sa forme définitive ou à défaut provisoire.

En ce qui concerne le vécu et la satisfaction du patient comme la définition des critères de sortie, le groupe a considéré que ces items étaient indispensables à établir et à évaluer mais qu’ils relèvent de l’organisation de l’établissement en accord avec la politique de démarche qualité mais pas du compte rendu.

Structure et contenu du compte rendu

Les membres du groupe de travail ont procédé selon la même méthodologie pour définir dans le détail la structure et le contenu du compte rendu et retenir les critères indispensables et optionnels des items suivants :

Partie administrative :

  • Références de la structure où se déroule l’endoscopie.
  • Identité et statut du patient.
  • Identité des correspondants.Partie relative à la réglementation :
  • Information et consentement éclairé du patient.
  • Vérification de la « Check List » – Statut ATNC.Partie médicale :
  • Circonstances de l’examen :
    • Indication de l’examen.
    • Antécédents du patient.
    • Situations particulières pouvant avoir un impact sur l’examen.
  • Environnement technique de l’examen :
    • Identification des intervenants.
    • Identification du ou des endoscopes utilisés.
    • Identification du petit matériel utilisé.
  • Anesthésie générale ou autres :
    • Type d’anesthésie.
    • Nom de l’anesthésiste.
  • Descriptif de l’examen :
    • Type et qualité de la préparation.
    • Segments digestifs explorés (niveau atteint).
    • Recours à une technique de chromoscopie.
    • Durée totale de l’examen et durée au retrait de l’endoscope.
    • Déroulement de l’examen : tolérance ; difficultés rencontrées ; complications éventuelles.
    • Analyse descriptive des lésions observées, (terminologie standard adaptée, notamment classification de Paris).
    • Description des gestes complémentaires.
  • Conclusion : Synthétique mentionnant les hypothèses diagnostiques.
  • Iconographie.
  • Recommandations pour le suivi immédiat.
  • Recueil des événements indésirables.
  • Recommandations pour la suite de la prise charge et la surveillance à distance.
  • Signature et communication du compte rendu.

Partie administrative

Concernant la partie administrative ont été considérés comme critères indispensables à l’unanimité : les références de la structure où se déroule l’endoscopie, l’identité et statut du patient. L’identification des correspondants figurant dans le dossier patient a été considérée comme optionnelle.

Partie relative à la réglementation

Concernant la partie relative à la réglementation, le groupe de travail a considéré que les mentions relatives à l’information du patient (explication de l’examen, risques spécifiques et alternatives possibles) et au recueil de son consentement devaient figurer dans le dossier du patient, mais pas obligatoirement dans le compte rendu de coloscopie à condition que leur traçabilité soit assurée.

Partie médicale

Concernant la partie médicale, ont été considérés comme critères indispensables à l’unanimité :

– Les circonstances de l’examen : Indication de l’examen, antécédents du patient. Les situations particulières pouvant avoir un impact sur l’examen telles que la nécessité d’une antibioprophylaxie ou la gestion des traitements anticoagulants et antiagrégants plaquettaires doivent figurer dans le dossier médical du patient mais pas obligatoirement dans le compte rendu de coloscopie. La gestion de l’anticoagulation constitue une procédure à risque de complications ; elle doit faire l’objet de protocole conjoint, dans chaque unité, entre l’hépato-gastroentérologue qui connait le niveau du risque hémorragique du geste pratiqué et l’anesthésiste qui en collaboration avec le cardiologue maitrise au mieux les possibilités d’arrêt du traitement. Ce protocole validé conjointement doit être connu et partagé par tous. Celui-ci doit définir les règles et missions de chacun à tous les instants de l’arrêt et de la reprise du traitement et de la surveillance.

– L’environnement technique de l’examen : le type d’endoscope et le petit matériel utilisé doit être indiqué dans le compte rendu. En revanche, le groupe de travail a considéré que le nom des intervenants, les références des endoscopes et les références du petit matériel relevaient des procédures et des systèmes de traçabilité utilisés au sein des unités d’endoscopie et ne devaient pas obligatoirement figurer dans le compte rendu.

– Les informations relatives à l’anesthésie : type d’anesthésie et nom de l’anesthésiste.

– La description de l’examen : type et qualité de la préparation ; segments digestifs explorés (niveau atteint) ; déroulement de l’examen : tolérance ; difficultés rencontrées ; complications éventuelles ; analyse descriptive des lésions observées, (estimation de la taille, situation, morphologie selon une terminologie standard adaptée, notamment classification de Paris) ; recours à une technique de chromoscopie ; description des gestes complémentaires en particulier des techniques de résection qui doivent être appropriée à la taille et morphologie des lésions ; récupération des lésions. Le groupe de travail a considéré que l’atteinte caecale devait être formellement signifiée et qu’elle devait être documentée. Le temps de retrait ainsi que le temps d’examen ont été largement débattus. En effet, ce temps n’a qu’une valeur relative pour un examen donné et n’a d’intérêt qu’en valeur moyenne. Le temps de retrait de l’endoscope a été considéré comme critère optionnel pour le compte rendu de coloscopie.

– Le recueil des événements indésirables : la tolérance de l’examen, les complications, leurs causes, les traitements mis en œuvre doivent être décrits.

– Les recommandations pour la surveillance à distance : le groupe de travail recommande que la date du prochain examen figure dans le compte rendu lorsqu’elle peut être déterminée à l’issue de l’examen ; lorsqu’une analyse histologique est nécessaire pour déterminer un intervalle de surveillance, un courrier doit être adressé au patient et à son médecin traitant, l’invitant à respecter le délai préconisé pour la surveillance. Concernant le suivi immédiat, le groupe de travail a considéré que les recommandations devaient figurer dans un document de liaison et pas nécessairement dans le compte rendu.

– La conclusion et la signature du compte rendu. La rédaction de la conclusion doit être claire et sans ambiguïté. Elle rappelle les données à prendre en compte sans ajouter à cette étape de nouvelles descriptions de lésions ; elle doit également comporter les gestes effectués et les hypothèses diagnostiques

– La signature de l’endoscopiste doit être précédée de son nom en toutes lettres. Elle doit être apposée par l’auteur après relecture et éventuellement correction.

Le groupe de travail recommande l’utilisation de systèmes de numérisation d’archivage des images générées en cours de la coloscopie ; l’atteinte caecale peut être ainsi être documentée et attester de la complétude de l’exploration ; la documentation des lésions significatives facilite et améliore la communication entre les intervenants notamment s’il faut référer un patient.

Conclusion

Le compte rendu d’endoscopie doit être établi avec le plus grand soin, il est intégré au dossier patient mais ne s’y substitue pas. Il doit être structuré, témoigner de la qualité de la prise en charge et être en accord avec les recommandations. Il doit rendre compte au minimum des éléments considérés comme indispensables afin de pouvoir évaluer les indicateurs qualité d’une coloscopie définis par le groupe de travail. Cependant le compte rendu reste modulable en fonction des pratiques et des conditions d’exercice de chacun. Le groupe de travail recommande une standardisation des comptes rendus d’endoscopie et une évolution vers un format informatisé afin d’homogénéiser les pratiques, d’améliorer la communication entre les intervenants, le patient et de promouvoir la qualité ainsi que la clarté des études ultérieures.

En synthèse, le compte rendu minimal permettant d’évaluer la qualité d’une coloscopie doit comporter :

Partie administrative :

  • Références de la structure où se déroule l’endoscopie.
  • Identité et statut du patient.Partie médicale :
  • Circonstances de l’examen :
    • Indication de l’examen.
    • Antécédents du patient.
    • Situations particulières pouvant avoir un impact sur l’examen.
  • Environnement technique de l’examen :
    • Identification des intervenants.
    • Identification du ou des endoscopes utilisés et du petit matériel utilisé.
  • Données relatives à l’anesthésie :
    • Type d’anesthésie.
    • Nom de l’anesthésiste.
  • Descriptif de l’examen :
    • Type et qualité de la préparation (score de Boston).
    • Segments digestifs explorés (niveau atteint).
    • Recours à une technique de chromoscopie.
    • Déroulement de l’examen : tolérance ; difficultés rencontrées ; complications éventuelles.
    • Analyse descriptive des lésions observées (estimation de la taille, situation, morphologie selon une terminologie standard adaptée, notamment classification de Paris).
    • Description des gestes complémentaires (technique de résection appropriée à la taille et morphologie des lésions ; récupération des lésions).
  • Conclusion : synthèse des constatations endoscopiques et des gestes réalisés ; hypothèses diagnostiques.
  • Iconographie.
  • Recueil des événements indésirables.
  • Recommandations pour la surveillance à distance.
  • Signature et communication du compte rendu.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent les liens d’intérêts suivants : Stanislas Chaussade : Présentation pour Olympus, Norgine, Medtronic, Fujifilm. Philippe Bulois : Consultant pour Norgine Pharma. Emmanuel Coron : interventions ponctuelles pour Fujifilm, Mayoly-Spindler, Medtronic, Norgine (conférences ou invitations en qualité d’auditeur). Patrick Delasalle : secrétaire général du centre de coordination du dépistage des cancers Sud-PACA. Franck Devulder : Activité de conseil au sein du board « coloscopie » du laboratoire Norgine (une réunion annuelle). Activité de conseil ponctuelle au sein d’un bord organisé par la firme Medtronic (2 réunions annuelles). Xavier Dray : conférence pour Norgine, Bouchara-Recordati, Alfasigma. Versements substantiels au budget d’une institution dont il est responsable : Norgine, MSD. Patrice Pienkowski : Conseil pour la rédaction d’une brochure sur le TDA pour le compte du laboratoire Norgine. Thierry Ponchon : participation à des essais clinique en qualité d’investigateur principal : laboratoires Olympus et Fujifilm ; interventions ponctuelles pour les laboratoires Norgine et Ipsen. Anne-Laure Tarrerias : participation à des essais clinique en qualité de co-investigateur AIN3 et Radiofréquence des hémorroïdes.

David Bernardini, Jean Lapuelle, Michel Robaszkiewicz, Erwan Bories, Christophe Cellier, Frédéric Cordet, Bernard Denis, Olivier Gronier, Jean Paul Jacques, Stéphane Koch, Arthur Laquière, Vincent Quentin, Éric Vaillant et Frank Zerbib déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec le texte publié.

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