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Hépato-Gastro & Oncologie Digestive

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Apport de la pharmacocinétique des anticorps monoclonaux thérapeutiques en cancérologie digestive Volume 25, numéro 7, Septembre 2018

Illustrations


  • Figure 1

  • Figure 2

  • Figure 3

  • Figure 4

Introduction

Comme dans de nombreuses autres pathologies, les anticorps monoclonaux (AcMo) thérapeutiques ont profondément enrichi l’arsenal thérapeutique de l’oncologie digestive. Ils sont une approche thérapeutique idéale pour induire un effet antagoniste sur des voies de signalisation dérégulées associées aux cancers et pour recruter des effecteurs immunitaires. Cependant, une grande variabilité interindividuelle de la pharmacocinétique (PK) des AcMo est observée y compris pour ceux prescrits en cancérologie digestive. L’existence d’une relation entre l’exposition et l’effet thérapeutique d’un AcMo, rapportée dans plusieurs études pour plusieurs AcMo, implique que la variabilité PK influence la variabilité de son effet thérapeutique (figure 1). Il est donc nécessaire de décrire les facteurs influençant cette variabilité PK.

Une relation entre l’exposition et l’effet thérapeutique d’un anticorps monoclonal implique que la variabilité pharmacocinétique influence la variabilité de son effet thérapeutique

Mécanismes impliqués dans la pharmacocinétique des anticorps monoclonaux thérapeutiques

La PK est l’étude du devenir des médicaments dans l’organisme au cours du temps. Elle repose, pour les AcMo administrés par voie intraveineuse en oncologie digestive, sur l’étude de leur distribution et de leur élimination.

Les AcMo sont principalement éliminés par deux mécanismes indépendants : un catabolisme non spécifique suivant leur endocytose passive et une élimination faisant suite à leur fixation sur l’antigène cible (Target-Mediated Drug Disposition, TMDD).

Catabolisme non spécifique des anticorps monoclonaux suite à leur endocytose passive

Comme l’ensemble des protéines circulantes, les AcMo qui sont des IgG pénètrent dans les cellules endothéliales vasculaires par endocytose passive [1]. Le récepteur FcRn (neonatal Fc receptor) qui reconnaît la portion Fc des IgG (figure 2), protège les IgG du catabolisme endolysosomial et permet leur exocytose (figure 3). La demi-vie (t1/2) d’élimination des IgG endogènes (à l’exception de celle des IgG3) est d’environ 21 jours chez l’homme, ce qui est plus long que celle des autres protéines (entre 2,5 et 6 jours). L’albumine suit également cette voie de recyclage. Puisque le FcRn est ubiquitaire et présent en quantité importante, ce mécanisme n’est pas saturé lorsque le FcRn est à concentration physiologique. Le gène FCGRT code le FcRn. L’influence de la répétition du VNTR (variable number of tandem repeat) dans la région promotrice du FCGRT sur l’expression de ce récepteur a été montrée. Ainsi, les patients homozygotes pour 3 répétitions (VNTR 3/3) présentent plus de transcrits de FCGRT que les autres patients.

Élimination des anticorps monoclonaux après fixation sur la cible et PK dose-dépendante

Le mécanisme d’action des AcMo thérapeutiques repose sur leur fixation spécifique sur un antigène-cible circulant ou membranaire. La vitesse d’élimination par cette voie est limitée par la quantité de cible. Lorsque la portion Fab d’un AcMo de type IgG1 se fixe sur son antigène-cible, la portion Fc peut avoir la capacité de recruter des cellules effectrices telles que des cellules NK et, par conséquent, d’induire une cytotoxicité dépendante des anticorps (ADCC pour Antibody-Dependent Cell cytotoxicity) (figure 2). Ce mécanisme est également responsable d’un catabolisme de l’AcMo. Les patients peuvent développer des anticorps dirigés contre l’AcMo, pouvant entraîner une perte d’efficacité, secondaire à des diminutions de concentrations de l’AcMo.

Les anticorps monoclonaux sont éliminés par deux mécanismes indépendants : un catabolisme non spécifique suivant leur endocytose passive et une élimination faisant suite à leur fixation sur l’antigène cible

Modélisation pharmacocinétique-pharmacodynamique des anticorps monoclonaux en cancérologie digestive

L’étude des facteurs de variabilité de la PK des médicaments et de l’adaptation posologique individuelle repose sur la modélisation PK compartimentale. Cette approche a été utilisée pour étudier la PK des AcMo en cancérologie digestive chez l’Homme [1]. Après administration IV, les concentrations d’AcMo décroissent généralement de façon bi-exponentielle et les modèles utilisés pour décrire la PK des AcMo sont le plus souvent de type bi-compartimental. Les anticorps se distribuent en effet dans deux types de tissus (ou compartiments) décrits par un volume central de distribution V1, un volume périphérique V2, une clairance de distribution intercompartimentale Q et une clairance d’élimination CL (figure 4).

Une élimination dépendante de la cible antigénique a été décrite pour près de la moitié des AcMo commercialisés [2]. Elle est par définition saturable puisqu’il y a un nombre fini de cibles. La PK devient alors dose-dépendante, ce qui s’exprime par une élimination plus rapide pour de faibles doses. Les modèles de type « élimination dépendant de la cible » (TMDD) sont théoriquement les mieux adaptés à la description mécanistique de cette élimination. Ils décrivent simultanément les cinétiques de l’AcMo, de son antigène cible et du complexe AcMo-antigène cible au cours du temps, et permettent de prendre en compte l’influence de la masse antigénique sur l’élimination de l’AcMo. À défaut de pouvoir mesurer l’antigène-cible, son influence sur l’élimination de l’AcMo est quantifiée par une équation de type Michaelis-Menten, qui fait notamment intervenir la vitesse maximale d’élimination (Vmax)[3] ou par un paramètre constant (indépendante de la concentration) décrivant une saturation permanente de l’élimination médiée par l’antigène.

L’élimination cible-dépendante est, par définition, saturable puisqu’il existe un nombre fini de cibles

Cétuximab

Le cétuximab est un AcMo thérapeutique de type IgG1 dirigé contre le récepteur de l’Epidermal Growth Factor (EGFR). Sa PK a d’abord été décrite au moyen d’une analyse non-compartimentale [4-6]. Cependant, la PK du cétuximab est non-linéaire car est influencée par la quantité d’EGFR [7-9] et l’analyse non compartimentale n’est alors pas pertinente. L’approche compartimentale est donc la seule approche qui permet de décrire l’élimination du cétuximab.

Dirks et al. ont décrit la PK du cétuximab chez des patients traités pour un carcinome épidermoïde de la tête et du cou par cette approche compartimentale. L’élimination y était quantifiée grâce à une équation de type Michaelis-Menten [10]. Dans cette étude, le poids idéal (Taille – 100 – (Taille – 150)/4 pour un homme, /2 pour une femme) et la numération leucocytaire étaient des facteurs influençant significativement la vitesse maximale d’élimination Vmax, tandis que le poids influençait significativement le volume de distribution V1. Azzopardi et al. ont étudié la PK du cétuximab chez des patients traités pour un cancer colorectal métastatique (CCRm) à l’aide d’un modèle à deux compartiments qui associait une élimination linéaire (CL) et une élimination constante [11]. Dans cette étude, les patients dont la clairance globale était inférieure à la valeur médiane (0,66 L/jour) avaient un temps de progression de la maladie médian plus long que ceux dont la clairance globale était supérieure à la valeur médiane (8,9 mois vs. 3,3 mois). De plus, la clairance globale du cétuximab et la concentration sérique résiduelle de cétuximab (Cres) à J14 étaient significativement associées et une relation significative entre une concentration élevée de cétuximab à J14 et une survie sans progression (SSP) allongée était également observée. L’élimination du cétuximab et l’exposition du patient jouent donc un rôle prépondérant dans la réponse au traitement dans le CCRm. Ces résultats suggèrent le bénéfice potentiel d’une posologie individualisée [5, 11].

Panitumumab

Le panitumumab est également un AcMo anti-EGFR mais de type IgG2. Dans les études de phase I, il existait une relation entre la dose administrée et la toxicité cutanée. À partir de 2,5 mg/kg toutes les semaines, la toxicité cutanée atteignait un plateau (> 90 %) témoignant d’une occupation maximale des récepteurs, avec des Cres indiquant des concentrations pharmacologiquement actives. La posologie de 6 mg/kg toutes les deux semaines permettait d’obtenir des Cres similaires à celles de la posologie hebdomadaire, tout en s’adaptant aux schémas habituellement de chimiothérapies utilisées dans le traitement du CCRm.

Une étude sur 1 200 patients traités pour des tumeurs solides avancées avec différentes posologies a décrit la PK du panitumumab à l’aide d’un modèle bi-compartimental avec une élimination mixte : linéaire (cohérente avec une élimination non spécifique) et non linéaire (de type Michaelis-Menten, cohérente avec une élimination spécifique, saturable, dépendante de la quantité limitée de cible). Le volume central de distribution V1 était similaire au volume du secteur vasculaire, indiquant que le panitumumab était principalement distribué dans celui-ci. La posologie basée sur le poids expliquait environ 70 % de la variance totale de l’exposition médicamenteuse. Il ne semblait pas exister de différence notable en terme d’exposition entre les patients n’ayant pas développé d’anticorps et ceux en ayant développés (sous réserve d’un très faible effectif dans ce dernier groupe ; 3,4 % des patients) [12]. Il n’existait pas de modification significative de la PK en cas d’insuffisance hépatique ou rénale (rapportée à partir de l’analyse PK individuelle d’un patient dans chaque cas).

Bévacizumab

Le bévacizumab se lie sélectivement au Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF) et inhibe ainsi l’angiogenèse nécessaire à la croissance tumorale.

La PK du bévacizumab a été analysée chez 130 patients traités par bévacizumab pour un CCRm avec métastases hépatiques en première ligne dans le but d’étudier les facteurs influençant les concentrations de bévacizumab au cours du temps [13]. Le volume de distribution était plus élevé chez les patients de grande taille et de polymorphisme 3/3 pour le VNTR du gène codant pour le FcRn. Le volume de distribution apparent augmentait, entraînant des concentrations sériques plus basses, pouvant s’expliquer par une augmentation de la transcytose. La clairance d’élimination du bévacizumab augmentait avec la concentration sérique pré-thérapeutique de VEGF, d’ACE ou la présence de métastases extrahépatiques ce qui est en faveur d’une élimination du bévacizumab médiée par l’antigène cible (TMDD).

En analyse multivariée, une première concentration résiduelle de bévacizumab faible (≤ 15,5 mg/L) était associée de façon significative à des SSP et survie globale (SG) plus courtes. Les patients avec une forte masse tumorale semblaient donc sous-exposés au bévacizumab avec pour conséquence une efficacité moindre de celui-ci, ce qui pose la question chez ces patients d’augmenter les doses ou d’utiliser une autre molécule.

Cette relation concentration-effet explique probablement en partie les résultats négatifs de l’étude AVAGAST qui a évaluée le bévacizumab dans le traitement de l’adénocarcinome gastrique avancé [14]. Dans cette étude, la clairance du bévacizumab, estimée à partir d’un modèle de PK de population, était supérieure de 50 % à celle observée pour les autres localisations tumorales avec pour conséquence une exposition plus faible au bévacizumab. L’augmentation de la clairance était particulièrement marquée chez les patients non gastrectomisés. Les mécanismes de cette augmentation de la clairance ne sont pas élucidés.

Les patients traités pour un cancer colorectal métastatique avec une forte masse tumorale semblent sous exposés au bévacizumab avec pour conséquence une efficacité moindre de celui-ci

Ramucirumab

Le ramucirumab cible spécifiquement le récepteur du VEGF de type 2 (VEGF-R2), bloquant ainsi l’action angiogénique du VEGF.

Dans une étude de phase 1 évaluant des doses de 2 à 16 mg/kg [15]l’élimination du ramucirumab était plus importante pour les doses faibles. Cette dose-dépendance n’était plus visible pour les doses supérieures à 8 mg/kg, suggérant une saturation des récepteurs VEGF-R2. Ce résultat est en partie la raison du choix de la dose de 8 mg/kg pour le développement du ramucirumab.

Une étude évaluant le ramucirumab en association avec des sels de platine et du 5-FU chez des patients japonais traités en première ligne d’un adénocarcinome gastrique ou de la jonction œsogastrique (JOG) métastatique a montré que l’administration de ramucirumab à la dose de 8 mg/kg à J1 et J8 tous les 21 jours permettait d’obtenir des concentrations à l’état d’équilibre (Css) plus élevées qu’un schéma tous les 14 jours (posologie actuellement utilisée en association avec le paclitaxel) et de dépasser la Css cible efficace, évaluée à 50 μg/mL selon la modélisation [15].

Une analyse PK a été réalisée à partir 1639 patients traités par ramucirumab 8 mg/kg tous les 14 jours ou 10 mg/kg tous les 21 jours pour différents types de cancers [16]. La PK était bien décrite par un modèle à deux compartiments. La clairance et le volume central de distribution augmentaient avec le poids suggérant la nécessité d’adapter la posologie au poids. Il n’a pas été observé d’autres facteurs influençant la PK. La co-administration du paclitaxel n’influence pas la PK du ramucirumab et une faible immunisation des patients contre le ramucirumab a été constatée, dont l’effet était donc difficile à apprécier.

L’étude RAISE a démontré l’efficacité du ramucirumab à la dose de 8 mg/kg tous les 14 jours en association avec le FOLFIRI dans le traitement du CCRm [17]. Le ramucirumab n’est toutefois pas disponible en France dans cette indication alors qu’il l’est dans le traitement du cancer de l’estomac avancé avec un accès limité en raison de ses conditions de remboursement (non en sus du GHS c’est à dire à la charge des établissements). Dans cette étude, une Cres élevée était significativement associée à de meilleures SG et SSP en analyses univariée et multivariée. De même, dans une analyse réalisée à partir des résultats de deux études de phase III validant l’intérêt du ramucirumab dans le cancer gastrique en monothérapie (étude REGARD) et en association avec le paclitaxel (étude RAINBOW), la Cres était significativement associée à la SG et la SSP en analyse univariée et multivariée [18]. Dans le bras ramucirumab, la médiane de SG était de 6,6 mois pour les patients avec une Cres < médiane versus 10,7 mois chez les patients avec une si Cres ≥ médiane. À noter que dans cette étude, les patients avec une progression rapide n’avaient pas été inclus dans l’analyse.

Dans l’étude RAINBOW, une Cres élevée était significativement associée à la survenue à certains effets indésirables tels qu’une hypertension artérielle, une leucopénie et une neutropénie de grade ≥ 3. Les résultats de ces travaux sont en faveur d’une relation concentration-effets en termes d’efficacité et de tolérance. Des études sont actuellement en cours pour évaluer l’intérêt d’une augmentation de la posologie (deux études de phase II de traitement de l’adénocarcinome gastrique et de la JOG étudiant différentes posologies du ramucirumab en monothérapie ou en association avec le paclitaxel). Sur ces données, il a été décidé d’augmenter la posologie du ramucirumab, soit 8 mg/kg à J1 et J8 tous les 21 jours, dans l’étude RAINFALL qui évalue son efficacité dans le cancer gastrique/JOG en première ligne en association avec la capécitabine et le cisplatine.

Plusieurs travaux sont en faveur d’une relation concentration-effets du ramucirumab en termes d’efficacité et de tolérance

Trastuzumab

Le trastuzumab est un AcMo dirigé contre le récepteur de transmembranaire HER2 qui est indiqué dans le cancer gastrique avancé HER2 positif (IHC +++ ou IHC ++/FISH+).

Dans l’étude ToGA [19], qui a permis d’établir l’efficacité du trastuzumab en association avec le 5-FU et le cisplatine dans le cancer gastrique ou de la JOG avancé surexprimant HER 2, la clairance du trastuzumab était plus élevée comparativement à celle rapportée chez les patients traités par trastuzumab pour un cancer du sein métastatique. Une analyse PK de population avec un modèle à deux compartiments et une élimination à partir du compartiment central, linéaire et non linéaire (constante d’élimination de type Michaelis-Menten) a été réalisée. Une élimination non linéaire prédominait pour les faibles concentrations de trastuzumab attribuée à l’interaction trastuzumab-cible antigénique qui est la principale voie d’élimination du trastuzumab jusqu’à ce que la cible soit saturée. Pour les concentrations les plus élevées, l’élimination linéaire prédominait, attribuée à un phénomène de saturation de la cible antigénique. Un poids élevé et une albuminémie basse étaient associés à une augmentation de la clairance d’élimination du trastuzumab alors qu’un antécédent de gastrectomie était associé avec une diminution de la clairance.

L’exposition du patient au médicament était plus faible chez les patients avec une maladie progressive. Le bénéfice en terme de survie globale n’était pas significativement différent entre les patients ayant les Cres de trastuzumab les plus faibles (1er quartile) et les patients du groupe placebo. Ces résultats suggèrent une relation concentration-effet. Une étude est actuellement en cours (étude HELOISE, NCT01450696) pour évaluer une stratégie d’augmentation de la posologie du trastuzumab dans cette indication.

Aflibercept

L’aflibercept est une protéine de fusion recombinante avec les domaines extracellulaires du VEGFR1 et VEGFR2 et une portion Fc d’IgG1. Il a une forte affinité pour le VEGF-A, et lie également le VEGF-B et le PIGF.

Dans les études pré-cliniques, l’effet biologique de l’aflibercept était corrélé au taux d’aflibercept libre, donc en excès par rapport à l’aflibercept lié au VEGF. Plusieurs études, où il était utilisé seul ou en association avec la chimiothérapie ont montré que l’aflibercept libre était en excès par rapport à l’aflibercept lié au VEGF à la posologie de 4 mg/kg tous les 14 jours chez la plupart des patients [20]. Ce résultat explique en partie le choix de cette posologie.

Dans une analyse de PK de population [21], l’élimination de l’aflibercept a été décrite par une équation de type Michaelis Menten, qui reflète un phénomène de type TMDD. La clairance et le volume de distribution de l’aflibercept libre augmentaient avec le poids et étaient plus élevés chez les hommes. La clairance de l’aflibercept était d’autant plus élevée que les concentrations sériques d’albumine étaient basses et celles des phosphatases alcalines étaient élevées. Il s’agit de deux facteurs généralement associés à la sévérité de la maladie et à la masse antigénique. Peu de patients (moins de 5 %) ont développé des anticorps anti-aflibercept, à de faibles concentrations, et ceci n’influençait pas la PK de l’aflibercept.

Les anticorps monoclonaux thérapeutiques ciblant les points de contrôle immunitaire

Les AcMo thérapeutiques qui ciblent le programmed death 1 (PD-1) receptor ou son ligand (PD-L1) sont prometteurs dans le traitement du CCRm, en particulier en cas d’instabilité des microsatellites, ainsi que dans le traitement du cancer gastrique et du carcinome hépatocellulaire avancé.

Le nivolumab et le pembrolizumab sont des AcMo de type IgG4κ qui se fixent sur le récepteur PD-1 et inhibent ainsi son activation. L’avelumab est un AcMo neutralisant le ligand du récepteur PD1 (PD-L1).

Dans le cadre du développement de ces AcMo, la dose maximale tolérée n’a pas été atteinte Le choix des doses a été établi à partir des résultats d’une analyse de la relation dose-exposition-réponse pour l’efficacité et la toxicité. Le nivolumab était bien tolérée jusqu’à 10 mg/kg et le taux de réponse pour plusieurs types de tumeur n’augmentait plus à partir de la dose de 3 mg/kg toutes les deux semaines. Des analyses de la relation exposition-réponse ont permis de confirmer la posologie du pembrolizumab. Pour l’avelumab administré à la dose de 10 mg/kg, tous les patients avaient des concentrations résiduelles permettant de saturer 90 % de la cible.

Le modèle le plus adéquat pour décrire la PK de ces AcMo était un modèle à deux compartiments avec une élimination linéaire. Le volume de distribution central était faible, comparable au volume plasmatique. L’élimination associait deux phénomènes : une élimination non linéaire médiée par la cible (TMDD) et une élimination non spécifique linéaire. Aux concentrations d’AcMo saturant la cible, obtenues avec les doses sélectionnées, c’est l’élimination non spécifique linéaire qui prédominait. Plusieurs cofacteurs influençant la PK étaient statistiquement significatifs mais jugés comme cliniquement non pertinents en termes d’exposition [22].

Dans la plupart des études publiées, il n’a pas été observé de relation significative entre l’exposition des anticorps anti-PD1 et anti-PD-L1 et leur efficacité ou leur toxicité aux posologies utilisées. Compte tenu des éléments disponibles aujourd’hui sur la PK des anti-PD1 et anti-PD-L1, il ne semble pas pertinent de développer des stratégies d’optimisation de la prescription de ces anticorps basée sur des adaptations PK de leurs posologies.

Conclusion

L’influence de la masse antigénique assimilée au volume tumoral sur la PK des AcMo et sur leur efficacité est bien documentée pour plusieurs AcMo prescrits en cancérologie digestive. La masse antigénique est donc à prendre en compte dans les stratégies d’optimisation de la prescription de ces médicaments qui constituent un grand défi pour les années à venir. Il sera nécessaire de développer des modèles plus complexes qui feront intervenir éventuellement la quantité d’antigène-cible et/ou l’influence d’autres facteurs associés. Les résultats obtenus pourraient permettre de mieux prédire la PK des AcMo et ainsi de proposer une optimisation individuelle des posologies à l’initiation, mais également en cours de traitement.

Take home messages

  • Il existe une relation entre l’exposition et l’effet thérapeutique d’un anticorps monoclonal, rapportée pour plusieurs anticorps monoclonaux.
  • La variabilité PK d’un anticorps monoclonal influence la variabilité de son effet thérapeutique.
  • Les anticorps monoclonaux sont en partie éliminés suite à leur fixation sur l’antigène cible.
  • La masse antigénique assimilée au volume tumoral influence profondément la PK de certains anticorps monoclonaux.
  • Une meilleure compréhension des facteurs influençant la PK des anticorps monoclonaux permettrait une optimisation individuelle des posologies à l’initiation mais également au cours du traitement.

Liens d’intérêts

NA, TL, BA et DR déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article. MC : Bourse Angiogenèse et tumeurs de Roche. GP : Cofinancement de projets de recherche par Novartis, Roche Pharma, Sanofi-Genzyme, Chugai et Pfizer.

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