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Hématologie

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La mise au ban de la rémission avec récupération incomplète Volume 25, numéro 2, Mars-Avril 2019

Il est gravé dans nos têtes d’hématologues que la rémission complète (RC) est un sésame pour une amélioration de la survie globale (SG). Cependant, en quête de nouveaux et/ou de meilleurs indicateurs d’efficacité pour les nouvelles thérapeutiques testées, nous avons accepté que puissent y figurer des « pseudo-RC », ne remplissant pas les critères de la RC, qui ont été combinées dans ce qui a été appelé la « réponse globale » : il s’agit de la rémission avec récupération plaquettaire incomplète (RCp), de la rémission avec récupération incomplète des polynucléaires neutrophiles (PnN) ou plaquettes (RCi) [1], et de l’hematological improvement (Hi) dans les syndromes myélodysplasiques (SMD) [2].

Cette concession est-elle pertinente ?

Les auteurs de cette étude ont étudié, rétrospectivement, quatre grands essais du Southwest Oncology Group (SWOG) [3] :

  • le S117, phase II et III, portant sur les SMD de hauts risques, randomisant vidaza versus vidaza + lénalidomide ou versus vidaza + vorinostat (n = 277, âge médian 70 ans)
  • le S0703, phase II sur les leucémies aiguës myéloïdes (LAM) unfit, testant l’association azacitidine + mylotarg (n = 133, âge médian 73 ans)
  • le S0106 et le S1203, phases III avec induction 3+7 sur les LAM sujets jeunes (n = 301 et 261, âge médian 48 ans)

Leur première conclusion est que la RC reste, en analyse multivariée, garante d’un avantage en SG, qu’il s’agisse d’une LAM ou d’un SMD de haut risque, et que cette RC ait été obtenue au prix d’un traitement intensif (type 3+7) ou moins intensif. Nous pouvons souffler : il n’y a pas de chamboulement des dogmes de l’hématologie ! L’avantage absolu et relatif en survie était cependant de moindre magnitude dans le bras LAM azacitidine + mylotarg où, du fait d’un traitement moins intensif, d’avantage de patients en RC devaient avoir une maladie résiduelle (MRD) positive (paramètre cependant non évalué).

Leur deuxième interrogation était de savoir si, finalement, la RCi conférait les mêmes avantages en SG que la RC. Ils ont cette fois exclu de l’analyse les patients de l’étude S117 portant sur les SMD de haut risque ainsi que les 301 patients du protocole S0106, puisque ce protocole considérait la RCi comme un échec du traitement d’induction, et que ces patients ne bénéficiaient donc pas de traitement « postinduction ». Leurs résultats montrent de manière formelle que les patients en RCi ont une SG statiquement inférieure à ceux en RC. Plus encore, leur SG se rapproche d’avantage de celle des patients « non en RC » que de celle des patients en RC. Si, dans les SMD de haut risque, le statut Hi, bien qu’inférieur à celui de RC, confère tout de même un avantage de survie par rapport à « non RC », dans les LAM, la SG des patients en RCi n’est pas différente de celle des patients « non en RC »…

Ces données sont en désaccord avec ceux de Walter et al., qui montraient un avantage en SG à trois et à cinq ans chez les patients qui atteignaient la RCp, sur ceux « non en RC » [4]. L’hypothèse principale des auteurs est que les patients en RCp, contrairement à ceux en RCi pour cause de non-récupération des PnN, ont tous un taux de PnN > 1 000/mm3 ce qui leur confère une protection par rapport au risque infectieux, ce dernier étant la première cause de mortalités dans les LAM et SMD de hauts risques.

De même, trente années séparent ces deux études, et les outils de nos statisticiens (landmark à J30 versus réponse observée à la date du landmark utilisant un modèle de régression temps-dépendant) ont bien évolué.

Depuis le début de ce travail, l’European LeukemiaNet (ELN) a établi de nouveaux critères de réponses incluant la RC à maladie résiduelle (MRD) négative, ce qui nous permettra probablement d’encore mieux différencier ces groupes pronostiques [5].

Les auteurs comptent sur de futures études prospectives pour nous donner le fin mot de l’histoire et permettre qu’enfin nous sachions formellement si nos patients en RCi doivent rester dans nos protocoles de première ligne, ou s’ils doivent malgré leur clairance de blastes médullaire satisfaisante, recevoir une annonce « d’échec thérapeutique » et un traitement de rattrapage…

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