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Hématologie

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Avancées thérapeutiques dans les syndromes myélodysplasiques : quel traitement pour les bas risques en 2020 ? [1] Volume 26, numéro 4, Juillet-Août 2020

Illustrations


  • Figure 1

Les syndromes myélodysplasiques (SMD) sont un groupe très hétérogène de pathologies clonales de la moelle osseuse, caractérisées par une maturation hématopoïétique dysfonctionnelle, aboutissant à des cytopénies périphériques et à un risque variable d’évolution en leucémie aiguë myéloïde (LAM). Une estimation de ce risque de transformation peut être obtenu en considérant le nombre de cytopénies présentes, le pourcentage de blastes et les anomalies cytogénétiques, ainsi que d’autres facteurs non pris en compte dans les scores pronostiques mais qui se sont révélés aussi essentiels (i.e. comorbidités, lactate déshydrogénase [LDH], bilan mutationnel, etc.). Le score IPSS (pour international prognostic scoring system), et surtout sa forme révisée, l’IPSS-R, permet de stratifier les patients en cinq catégories, les patients présentant un score inférieur ou égal à 3,5 (risque très faible, faible et quelques cas de risque intermédiaire) étant considéré à « bas risque » – tous les autres étant à « haut risque ». Si les patients à haut risque nécessitent des thérapeutiques actives pour retarder ou empêcher l’évolution en LAM, la survie globale chez les bas risques dépend essentiellement des complications liées aux cytopénies : l’anémie étant la plus fréquente (80-90 % des cas au diagnostic), responsable de complications directes, liées par exemple à l’endommagement myocardique, et indirectes, liées aux polytransfusions de ces patients souvent âgés et porteurs des comorbidités. L’objectif est donc le maintien d’une qualité de vie optimale, en réduisant les symptômes liés à l’anémie et les besoins transfusionnels.

Traitement validé dans lessyndromes myélodysplasiques

À l’heure actuelle, pour les patients présentant un SMD à bas risque, peu de traitements sont validés. À l’exception des patients présentant une délétion du chromosome 5q chez qui le lénalidomide a démontré son efficacité sur l’anémie, l’érythropoïétine (EPO) reste le traitement de première intention, avec une efficacité plus marquée chez les patients présentant un taux sérique d’EPO < 200 UI/L. En cas d’échec, il n’y a pas de consensus. L’ajout du lénalidomide peut être une option, mais seulement chez un discret pourcentage de patients, ainsi que du facteur de stimulation des colonies de granulocytes (G-CSF) en association à l’EPO, mais ce dernier plutôt chez les porteurs de sidéroblastes en couronne, avec des données contradictoires. Des traitements immunosuppresseurs, comme la ciclosporine ou le sérum antilymphocytaire, peuvent également être instaurés avec une efficacité plus marquée dans une sous-catégorie très restreinte de patients (HLA-DR15+, clone HPN, caryotype normal, IPSS-R de faible risque et peu ou très peu transfusés). En dehors de ces traitements, aucune thérapeutique n’a obtenu d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans ce domaine depuis presque 15 ans. Pour autant, la recherche de nouvelles cibles thérapeutiques reste très active…

Nouvelles optionsthérapeutiques (figure 1)

Luspatercept [2]

L’érythropoïèse est en partie régulée par la voie de signalisation des facteurs de croissance transformants β (TGF-β) dont la suractivation est associée à une surproduction de SMAD2 et 3, protéines jouant un rôle dans l’inhibition de l’érythropoïèse tardive. Le luspatercept est une protéine de fusion recombinante qui, via sa liaison au récepteur TGF-β, stimule les phases tardives de l’érythropoïèse par la voie des SMAD. Son efficacité a été démontrée, à la posologie de 1,0 mg/kg toutes les trois semaines par voie sous-cutanée, sur la réduction de la fréquence transfusionnelle, spécifiquement chez les patients atteint de SMD avec sidéroblastes en couronnes (SMD-SC). Dans l’essai de phase III MEDALIST, 229 patients atteints de SMD-SC (SC ≥ 15 % ou mutation SF3B1 [pour splicing factor 3b, subunit 1] ≥ 5 %), dépendants de transfusions et réfractaires ou non éligibles à l’EPO, ont été randomisés en 2:1, pour recevoir soit luspatercept, soit un placebo. Une indépendance transfusionnelle a été obtenue chez 38 % des patients (versus 13 % dans le bras placebo, p < 0,0001) avec une durée médiane de réponse de 30,6 semaines et ce, indépendamment de l’âge, du score IPSS ou du taux d’EPO sérique. Une étude internationale de phase III, COMMANDS (NCT03682536), est en cours pour comparer son efficacité à celle du traitement standard en première ligne, l’EPO.

Roxadustat [3]

Le facteur induit par l’hypoxie (FIH) est une protéine agissant comme facteur de transcription d’EPO. En situation de normoxie, elle est rapidement détruite par hydroxylation par l’enzyme FIH-prolyl-hydroxylase. Le roxadustat agit en inhibant la FIH-prolyl-hydroxylase et permet ainsi, en augmentant le taux de FIH actif, d’augmenter la synthèse endogène d’EPO. Les résultats préliminaires de la phase d’escalade de dose sont plutôt encourageants. Sur 24 patients inclus, neuf (38 %) ont obtenu une indépendance transfusionnelle et 14 (56 %) une réduction de plus de 50 % de leurs besoins transfusionnels. Une étude de phase III (NCT03263091) comparant le roxadustat à la posologie de 2,5 mg/kg par voie orale à un placebo est en cours.

Imételstat [4]

Les télomères sont des fragments d’ADN situés à l’extrémité des chromosomes dont le rôle est d’assurer la conservation du patrimoine génomique lors de chaque mitose. Des dysfonctions de l’activité des télomérases sont responsables d’anomalies de l’hématopoïèse. L’imételstat est un inhibiteur des télomérases dont l’efficacité sur le rendement transfusionnel a été démontrée dans la phase II de l’étude IMerge. Dans cette étude, 38 patients présentant un SMD de bas risque, réfractaire à l’EPO (ou avec un seuil d’EPO > 500 mUI/mL), naïfs au lénalidomide et aux hypométhylants et porteurs d’une dépendance transfusionnelle, ont été inclus pour recevoir l’imételstat à la dose de 7,5 mg/kg par voie intraveineuse toutes les quatre semaines. Au total, 42 % des patients ont obtenu une indépendance transfusionnelle à huit semaines, avec une durée médiane de réponse de 86 semaines. Le profil d’effets secondaires reste plus que raisonnable. La phase III de cette étude (NCT02598661) est actuellement ouverte aux inclusions.

Agents agonistes de la thrombopoïétine

La thrombocytopénie est présente chez la moitié des patients atteints de SMD au diagnostic. Le mécanisme est mixte, lié à la fois à une diminution de la production de thrombopoïétine (TPO), du fait de la dysmégacaryopoïèse, et à une augmentation de la destruction périphérique. Les deux agonistes de la TPO (eltrombopag et romiplostim) ont été testés dans ce contexte et ont démontré des réponses plaquettaires dans des études à un seul bras ou contre placebo, surtout chez les patients peu transfusés en plaquettes et avec un taux bas de TPO. La sécurité de ces médicaments a été un souci majeur dans les essais, avec le risque d’augmentation du pourcentage de blastes in vitro et donc le risque potentiel d’évolution en LAM. Ce risque s’est avéré transitoire dans les études avec un suivi à cinq ans et dans les méta-analyses faites par la suite, mais ce sont des données à prendre avec précaution du fait du biais de sélection présent.

Autres molécules en développement

D’autres thérapeutiques déjà utilisées dans les LAM ou les SMD haut risque pourraient avoir un intérêt dans le traitement des SMD bas risque comme le CC-486, une forme orale de l’azacitine, ou l’ivosidénib et l’énasidénib, respectivement inhibiteurs des isocitrate déshydrogénases 1 (IDH1) et 2. L’apport du séquençage de nouvelle génération (NGS) pourrait permettre le développement de thérapies ciblées et ainsi de proposer un traitement à la carte. À l’heure actuelle il n’y a pas de consensus sur la nécessité d’un bilan mutationnel systématique pour les patients atteints d’un SMD, même si certaines données plaident en faveur de cette approche, comme les preuves d’une meilleure réponse aux agents hypométhylants chez les porteurs de mutations en DNMT3A ou TET2, ou l’absence de réponse durable chez les patients porteurs de quatre mutations, au moins, de l’ASXL1 (pour additional sex combs-like 1). Il est important de rappeler que le but, dans cette population n’est pas fondamentalement de modifier la physiopathologie de la maladie, mais plutôt d’agir sur son retentissement.

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