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Environnement, Risques & Santé

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Santé environnement et économie : partageons nos connaissances Volume 17, numéro 4, Juillet-Août 2018

Les 7 et 8 décembre 2017, la Société française de santé et environnement (SFSE) a tenu son 8e congrès à Paris. Plus de 100 participants, issus des champs de la santé environnement et de l’économie, se sont retrouvés autour du thème « Tout a un coût ! L’apport des analyses économiques en santé environnement ».

Ce congrès avait pour objectifs de :

  • faire prendre conscience que tout a un coût, même ce qui paraît gratuit ;
  • répondre à plusieurs questions comme : les grandes campagnes de prévention en santé utilisent-elles des concepts et mesures cohérents avec ceux des décisions sur la pollution ou les substances chimiques ? Quel consensus derrière la définition des coûts ? Pourquoi et comment se construisent des démarches économiques en santé environnement ? Quels sont leurs impacts sur la décision, sur les comportements individuels, collectifs dans les politiques publiques santé environnement ? Comment est prise la décision et pourquoi est-elle prise ?

Jean-François Husson, sénateur de Meurthe-et-Moselle et président de la Commission d’enquête du Sénat sur la pollution de l’air, a présenté le rapport de la Commission. Ce rapport attribue à cette pollution la responsabilité de plus de 43 000 décès par an. Publié le 15 juillet 2015 sur « Pollution de l’air : le coût de l’inaction », il est une véritable prise de conscience politique et sociétale de l’impact économique, financier et humain de la pollution de l’air en France.

À travers les différentes interventions, examinant à la fois les aspects théoriques et pratiques, le congrès s’est articulé autour de quatre grandes thématiques : « Les différentes méthodes d’analyse », « Les visions dans les principaux domaines », « L’applicabilité d’une approche commune des coûts » et « De l’analyse économique à la décision ».

« Les différentes méthodes d’analyse », présentées par Nicolas Treich (Toulouse School of Economics), ont permis d’appréhender notions et concepts économiques à intégrer à la réflexion santé environnement, en particulier ceux de la valeur statistique de la vie humaine (Value of Statistical Life – VSL), du consentement à payer (CAP), véritables reflets de ce qui est perçu par les citoyens sur les risques environnementaux (amiante, silicose, etc.), des avantages et limites du concept de valeur de la vie.

« Les visions dans les principaux domaines » et en particulier le « coût économique et social » des pollutions sur la santé humaine ont permis une approche sur le coût de la mortalité. Ce coût, qui représente la consommation à laquelle nous sommes prêts à renoncer pour réduire le risque de mourir prématurément, est la « valeur d’une vie statistique ». Nils Axel Braathen (Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE) a également présenté le concept de « valeur pour un individu » qui se définit par quatre items : consommation, loisir, santé et vie.

« L’applicabilité d’une approche commune des coûts » ne peut se faire sans la pertinence de l’analyse des coûts/efficacité (ACE), des coûts/bénéfices (ACB) alliée à une cohérence des approches santé et environnement. Les cobénéfices, les aspects redistributifs ainsi que la prise en compte de l’incertitude des impacts en situation de précaution ne doivent pas être négligés (Dominique Bureau – Délégué général pour le développement durable au ministère de la Transition Écologique).

« De l’analyse économique à la décision », le chemin est parfois long et difficile. Il n’est pas seulement basé sur la réduction de la mortalité ; il passe par les différents usages possibles du calcul socio-économique en santé ainsi que par l’analyse et la mesure des bénéfices associés à la réduction de la morbidité (Lise Rochaix – professeur de sciences économiques – Paris 1 Panthéon Sorbonne).

La question « les analyses économiques en santé environnement sont-elles utiles ou non en termes d’effectivité, d’efficacité et d’efficience ? » a été abordée sous la forme d’une table ronde qui a clôturé le congrès.

Pour Carlos Dora (Organisation mondiale de la santé – OMS), les outils économiques, vrais soutiens des décisions, sont essentiels pour l’évaluation économique. Ils permettent d’interagir avec d’autres secteurs et de considérer plusieurs facteurs de risque. Le travail en multifactoriel en est la base. Les enjeux santé environnement, et par ricochet politique au sens politiques publiques, sont importants et deviennent de plus en plus prioritaires.

Pour Alexis Tsoukias (université Paris Dauphine, Laboratoire d’analyse et de modélisation de systèmes pour l’aide à la décision – LAMSADE), le calcul économique autorise l’introduction d’éléments de rationalité dans un contexte de décision. L’analyse économique est un standard qui permet de fonder une décision et d’en mesurer les effets. Elle permet de mesurer la valeur d’une politique de santé avec d’autres valeurs que l’argent qui n’est pas une mesure universelle et sans valeur dans le temps. La valeur doit être quantifiée sur une échelle d’intervalle par un système ordinal.

Pour Olivier Chanel (université Aix-Marseille, Centre national de la recherche scientifique – CNRS, Groupement de recherche en économie quantitative Aix- Marseille – GREQAM), il est nécessaire de chiffrer bénéfice et coût. En effet, pour le décideur, qui est souvent un élu, la part du non-marchand est difficile à quantifier et à valoriser. Le décideur, lorsqu’il est un élu, prend en compte plus que d’autres la temporalité de mise en œuvre et d’application de la décision.

Pour Alain Chabrolle (France Nature Environnement – FNE) connaître les pollutions et leurs sources (par exemple, pollution de l’air et bateau de croisière) est nécessaire. Pour cela, il est important de soutenir la recherche scientifique pour rendre les analyses économiques efficaces et pour préconiser des actions. Ces analyses peuvent être des éléments déclencheurs pour les décideurs, comme par exemple les polychlorobiphényles (PCB) qui sont devenus des enjeux dans le cadre des mesures prises pour l’épuration d’usines filières de la pêche (Programme Accelera).

La conclusion s’est posée sous forme de question : « la qualité de vie ne pourrait-elle pas être une référence ordinale et multifactorielle et devenir ainsi un indicateur d’effectivité, d’efficacité et d’efficience ? »

Bien sûr, ce congrès n’a pas répondu à toutes les interrogations, mais il a permis de poser des concepts et de porter des regards croisés, complémentaires, différents sur des sujets communs aux disciplines de la santé environnement et de l’économie. Il a également permis aux professionnels de chaque discipline de s’approprier et de partager des notions propres à chacune de leurs sciences. C’est un premier pas vers une interdisciplinarité qui doit se développer et dans laquelle les « sciences » doivent s’enrichir mutuellement les unes les autres pour plus d’effectivité, d’efficacité et d’efficience, dans la mise en place des politiques publiques en santé environnement. L’analyse économique des actions et l’évaluation de leurs impacts seront ainsi mieux prises en compte dans le déploiement de futures démarches en santé environnement.

Remerciements et autres mentions

Financement : aucun ; liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt.

L’éditorial n’engage que son auteur.

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