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Environnement, Risques & Santé

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Rôle médiateur des attitudes dans la relation entre les nuisances industrielles et la santé perçue Volume 17, numéro 6, Novembre-Décembre 2018

Illustrations


  • Figure 1

  • Figure 2

  • Figure 3

  • Figure 4

Tableaux

En faveur d’une approche multifactorielle des risques industriels, des études montrent l’utilité de compléter l’évaluation de l’impact sanitaire des risques toxicologiques par l’analyse des facteurs de risques psychologiques et sociaux [1, 2]. Ces facteurs psychosociaux ont trait aux facteurs de stress psychologiques environnementaux [3, 4] qui tiennent en particulier aux nuisances d’origine industrielle. Ces nuisances environnementales ont en commun leurs propriétés organoleptiques, c’est-à-dire leur capacité à affecter les organes des sens. Elles présentent donc un caractère perceptible et ressenti par la personne qui y est exposée. Dans le cas particulier des nuisances industrielles, ce sont des substances chimiques odorantes [5, 6], des agents physiques comme le bruit ou la lumière [7, 8] et des facteurs de nature visuelle ou esthétique [9, 10]. L’exposition subie, chronique ou épisodique à l’une de ces nuisances est susceptible de provoquer de la gêne, une dégradation de la qualité de vie et des effets sur la santé physique et psychique [6, 11]. Le stress psychologique d’origine environnementale a été défini comme un processus qui survient lorsqu’il existe un déséquilibre entre la pression environnementale et la capacité de la personne à faire face à cette menace, conduisant ainsi à une altération de son bien-être voire de sa santé [3]. Ce processus semble le plus vraisemblable pour expliquer, à lui seul, l’augmentation de problèmes de santé dont se plaignent les populations riveraines d’activités industrielles, en particulier lorsque les mécanismes toxicologiques ne peuvent être mis en cause [12, 13].

L’approche transactionnelle, découlant des théories cognitives du stress psychologique environnemental de Lazarus et Folkman [14], considère le stress comme une interaction entre la personne et son environnement. Il s’agit d’un processus itératif qui met l’accent sur le rôle des représentations cognitives des situations stressantes, d’une part, et sur les efforts émotionnels et comportementaux déployés par les personnes pour s’y ajuster, d’autre part [4, 15]. Dans le cadre de ce processus, outre les caractéristiques situationnelles de l’environnement telles que les odeurs, le bruit, l’aspect visuel d’une installation industrielle, des caractéristiques individuelles opèrent dans la transaction de l’homme avec son environnement [16]. Parmi ces caractéristiques individuelles, les attitudes des personnes sont définies comme la disposition à réagir de façon favorable ou défavorable à un objet particulier, à l’égard des activités industrielles en l’occurrence [17]. Elles se composent de trois dimensions présentant des relations complexes entre elles [18] : une composante cognitive correspondant aux croyances relatives à l’objet, une composante affective qui se réfère aux émotions ressenties à l’égard de l’objet et une composante conative relative aux comportements associés à l’objet [19]. Dans la relation entre l’exposition aux nuisances industrielles et la santé perçue, la littérature rapporte notamment le rôle important des croyances relatives à l’existence d’une menace pour la santé représentée par le site industriel [20-23], des inquiétudes environnementales associées aux risques industriels [7, 24-26], ainsi que des stratégies d’ajustement, c’est-à-dire des efforts que la personne est prête à accomplir pour faire face à la situation menaçante [16, 27-29].

À partir du modèle transactionnel du stress psychologique environnemental, cet article a pour objectif d’étudier le rôle des attitudes de la population à l’égard d’un site industriel dans la relation entre des indicateurs de santé perçue et des indicateurs de l’exposition aux nuisances générées par les activités industrielles.

Cette étude est menée dans le cadre d’une enquête épidémiologique réalisée en 2012 sur la santé perçue par la population habitant à proximité d’une plateforme industrielle située à Salindres, dans le Gard (France).

Matériels et méthodes

L’étude épidémiologique de type transversale a été réalisée sur un échantillon aléatoire de la population des adultes résidant en périphérie de la plateforme industrielle de Salindres, dans les communes de Saint-Privat-des-Vieux, Mons, Servas, Rousson, Saint-Julien-les-Rosiers, Saint-Martin-de-Valgalgues et Salindres. Cette zone d’étude permet l’observation de contrastes d’exposition entre les personnes habitant à proximité des activités industrielles et celles qui en sont éloignées (jusqu’à 6 km).

Les activités de la plateforme industrielle et le contexte social, d’une part, et la stratégie d’échantillonnage et le recueil des données, d’autre part, ont été décrits précédemment [30, 31] (voir article État de santé perçue de la population riveraine d’une plateforme industrielle chimique : Salindres, p. 583-95).

Questionnaire

Les données ont été recueillies par questionnaire administré par téléphone. Parmi les 147 questions posées celles portant sur la santé perçue, l’exposition aux nuisances et les attitudes à l’égard du site industriel de Salindres sont détaillées dans cet article. Les questions portant sur les caractéristiques individuelles socio-économiques et socio-démographiques, les caractéristiques de résidence et les conditions de vie comme l’isolement social, les habitudes tabagiques, l’indice de masse corporelle ou les antécédents personnels de maladies chroniques ont été décrites précédemment (voir p. 583-95).

Indicateurs de santé perçue : Les indicateurs de santé perçue retenus dans le cadre de cette étude sont, d’une part, un indicateur global de la qualité de vie psychique des personnes interrogées et, d’autre part, deux troubles psychologiques : l’anxiété et les troubles du sommeil de type insomnie.

Le score résumé psychique (MCS) du questionnaire standardisé Medical Outcomes Study Short-Form Health Survey dans sa version en 36 items (MOS SF-36) a été utilisé comme indicateur de la qualité de vie psychique. Il est construit à partir de huit dimensions de la santé perçue lors des quatre semaines précédentes [32, 33]. La qualité de vie psychique de la personne interrogée s’exprime notamment à travers les dimensions relatives à sa vitalité (énergie et fatigue), à ses troubles psychologiques (nervosité et anxiété), aux difficultés dans ses relations avec les autres et aux restrictions pour effectuer les tâches principales de la vie quotidienne en raison de son état psychique. Le score MCS est calculé à partir de la somme pondérée des scores standardisés des huit dimensions de l’instrument [34]. Ce score correspond à une variable continue dont les valeurs sont comprises entre 0 et 100. Plus la valeur du score est faible et plus la qualité de vie psychique de la personne est dégradée.

Le score d’anxiété (ANX) issu de la version révisée du Symptom Check-List en 90 items (SCL-90-R) a été évaluée à partir de 10 items de symptômes d’anxiété manifeste tels que des signes généraux de nervosité, de tension et de tremblement, de sentiments de terreur, et des items exprimant des sentiments d’appréhension et de menace ainsi que des composantes somatiques de l’anxiété [35, 36]. Chaque item évalue l’intensité du symptôme psychologique au cours des sept jours précédents par une échelle de Lickert en cinq classes [37]. Le score brut, calculé à partir de la somme pondérée des réponses aux 10 items, est une variable discrète dont les valeurs expriment le niveau d’anxiété dans un intervalle compris entre 0 et 4. Plus la valeur du score ANX augmente, plus la personne est anxieuse.

Les instruments de mesure génériques MOS SF-36 et le SCL-90-R ont été détaillés précédemment (voir p. 583-95).

La fréquence de troubles du sommeil (TDS) de type insomnie a été caractérisée à l’aide de sept items qui permettent de qualifier la présence de TDS de type insomnie selon les différentes classifications : la Classification internationale des maladies (CIM-10), le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders [DSM]) et la Classification internationale des troubles du sommeil (International Classification of Sleep Disorders [ICSD]). La présence de TDS est définie par le fait d’avoir au moins un problème de sommeil parmi quatre – difficultés d’endormissement, réveils nocturnes, réveil trop tôt le matin, sommeil non récupérateur –, plus de trois nuits par semaine et ce depuis au moins un mois, avec des répercussions négatives sur la vie quotidienne (un peu,moyennement, beaucoup ou énormément). L’ensemble d’items produit donc une variable catégorielle binaire qui permet d’estimer la fréquence des TDS dans la population étudiée.

Exposition aux nuisances industrielles : L’exposition aux nuisances générées par le site industriel de Salindres a été fondée sur l’expérience sensorielle et cognitive des personnes [3]. Trois dimensions présentant une fiabilité satisfaisante [38, 39] ont été caractérisées : la perception des mauvaises odeurs évaluées par leur fréquence et intensité (deux items, α de Cronbach = 0,92) ; la perception des bruits évalués par leur fréquence et intensité (deux items, α de Cronbach = 0,94) ; la perception des stimuli visuels qualifiés par la vue des bâtiments et des cheminées industriels, et de la lumière émise par le site industriel de jour comme de nuit (trois items, α de Cronbach = 0,92). Des scores normalisés correspondant à des variables continues comprises entre 0 et 100 ont été calculés pour chacune de ses dimensions. Plus les scores sont élevés et plus l’exposition aux nuisances générées par le site industriel est forte.

Attitudes à l’égard du site industriel : Les attitudes à l’égard de la plateforme en matière de croyances, d’émotions et de comportements associés au site industriel renseignent la transaction de la personne avec la plateforme [18].

Deux dimensions attitudinales ont été construites. La première porte sur l’attribution de la pollution des milieux de l’environnement aux activités de la plateforme industrielle – l’air extérieur, le sol, les cours d’eau, la végétation – et sur la relativisation de la pollution : « Pensez-vous que les anciennes activités du site industriel de Salindres ont pollué l’environnement par le passé ? » ou « Diriez-vous que votre environnement est plus pollué, autant pollué, moins pollué que celui d’une grande ville ? » (six items, α de Cronbach = 0,88).

La seconde relève du processus transactionnel à travers des caractéristiques comme les croyances, les inquiétudes, le contrôle perçu et les stratégies d’ajustement à l’égard du site industriel (10 items, α de Cronbach = 0,65) avec des items comme : « Pensez-vous que vous avez été ou que vous êtes actuellement exposé(e) aux rejets des activités du site industriel de Salindres ? », « Êtes-vous inquiet(e) de la qualité de l’environnement dans votre voisinage du fait des activités du site industriel de Salindres ? » ou « Vous sentez-vous à l’abri d’un accident industriel qui pourrait survenir sur le site industriel de Salindres ? ».

Ces deux dimensions permettent de construire des scores normalisés correspondant à des variables continues comprises entre 0 et 100. Plus le score est élevé et plus les attitudes à l’égard du site industriel de Salindres sont défavorables.

Les dimensions relatives à l’exposition aux nuisances et aux attitudes ont été construites à partir d’un ensemble d’items jugés pertinents et spécifiques de la situation étudiée, formulés et sélectionnés à partir d’entretiens semi-directifs (n = 21) réalisés auprès de riverains du site industriel [30] et des connaissances issues de la littérature sur l’exposition aux nuisances industrielles [5, 23, 28, 40, 41] et sur les attitudes à l’égard de sites industriels [27, 29, 42, 43].

Modélisation de la dispersion atmosphérique

L’exposition aux concentrations atmosphériques de polluants a été considérée comme un facteur d’ajustement de la relation entre la santé perçue et l’exposition aux nuisances. Les concentrations atmosphériques tiennent compte à la fois des émissions canalisées des activités de la plateforme industrielle de Salindres [44] et des émissions de polluants issus du transport routier. Trois polluants ont été sélectionnés au regard de leur toxicité, notamment leurs propriétés irritantes, et des quantités émises par le site industriel : les particules (PM10), le dioxyde d’azote (NOX équivalent NO2) et l’ammoniac (NH3).

Les émissions de polluants issus du transport routier ont été calculées à partir des données de trafic moyen journalier pour l’année 2011 (TMJA) et des facteurs d’émission du programme COPERT IV. La quantification des émissions de polluants a été réalisée avec le logiciel CIRCUL’AIR développé par l’Association pour la surveillance et l’étude de la pollution atmosphérique en Alsace (Aspa). La dispersion des émissions du trafic routier a ensuite été modélisée avec le logiciel ADMS-ROADS©.

À l’adresse de chaque personne enquêtée a été affectée une valeur de concentration atmosphérique liée au trafic routier et aux activités industrielles de Salindres. La procédure de géocodage des adresses de résidence a été décrite précédemment [44].

Analyses statistiques

Les variables relatives à l’exposition aux nuisances et aux attitudes ont été mesurées par l’agrégation de l’information portée par un ensemble d’items décrivant le concept à mesurer. L’unidimensionnalité des items, définis a priori pour construire chaque dimension, a été vérifiée à l’aide d’une courbe pas à pas du coefficient α de Cronbach (CAC) suivant la théorie classique des tests [45, 46]. Seuls les items qui vérifient l’unidimensionnalité ont été conservés dans la dimension.

Les courbes pas à pas du CAC supposent que les réponses aux questions soient quantitatives et gaussiennes [46]. Les réponses étant en réalité discrètes, ces approches constituent une approximation de la réalité. Une analyse plus pertinente pour des réponses qualitatives ordinales, est l’analyse de Rasch de la théorie de réponse aux items (IRT) [47]. Pour les deux variables attitudinales, des analyses de Rash suivant un modèle partial crédit ont été réalisées de manière à étudier plus finement la structure dimensionnelle des groupes d’items constitués a priori[47, 48]. Les résultats des analyses de Rash confirment ceux obtenus à partir des analyses pas à pas du CAC.

Les scores de chacune des dimensions relatives à l’exposition aux nuisances industrielles et aux attitudes à l’égard du site industriel ont été construits, selon la théorie classique des tests, suivant une somme pondérée des réponses aux items.

Les courbes pas à pas du CAC et les analyses de Rasch ont été réalisées sous R v3.0.0 respectivement avec le package CMC [49] et le package eRM [50].

Des analyses multivariées ont été conduites pour étudier le rôle des attitudes à l’égard de la plateforme industrielle dans la relation entre l’exposition aux nuisances émises par les activités industrielles et la survenue des événements de santé perçue. Les trois variables portant sur la perception des mauvaises odeurs, des bruits et des stimuli visuels ont été étudiés comme facteurs de risque principaux de dégradation de la santé perçue.

La relation entre la santé perçue et l’exposition aux nuisances a été ajustée sur un ensemble de variables de confusion sélectionnées a priori à partir des relations connues de la littérature avec la qualité de vie psychique, notamment le score MCS du MOS SF-36. Les facteurs de confusion retenus étaient les facteurs sociodémographiques (l’âge, le sexe, le statut matrimonial) [51, 52], les facteurs socio-économiques [53, 54] (les revenus perçus, le niveau de diplôme, le groupe socioprofessionnel, le type de logement et le statut d’occupation du logement), le nombre de personnes dans le foyer, l’indice de masse corporelle [55], la consommation de tabac, les antécédents de maladies chroniques [56, 57]), la durée de résidence [23], le lien professionnel avec les activités du site industriel de Salindres [58-60], la perception des mauvaises odeurs et du bruit provenant d’autres activités que celle de la plateforme de Salindres et, enfin, les concentrations en NH3, NOx et PM10 émises par les activités industrielles de Salindres et le trafic automobile.

L’examen de la matrice des corrélations entre les variables et le calcul des facteurs d’inflation de la variance a permis d’identifier les fortes corrélations linéaires entre variables. Trois variables d’ajustement redondantes ont été exclues du modèle : le groupe socioprofessionnel, le type de logement et les concentrations en NOx.

En cohérence avec les théories transactionnelles du stress environnemental de Lazarus et Folkman, les deux variables attitudinales – l’attribution de la pollution des milieux aux activités industrielles et la relativisation de la pollution (ATT1), d’une part, et les croyances, les inquiétudes, le contrôle perçu et les stratégies d’ajustement à la plateforme (ATT2), d’autre part – ont été introduites dans le modèle comme variables médiatrices, c’est-à-dire intermédiaires dans la relation entre l’exposition aux nuisances et la santé perçue [61, 62]. Il s’agit d’un modèle à médiation multiple (figure 1) dans le sens où celui-ci évalue l’effet médiateur spécifique d’une variable médiatrice conditionnellement à l’autre variable médiatrice et aux facteurs de risque après ajustement sur les variables de confusion. Il permet ainsi de distinguer les effets directs et indirects spécifiques de chaque facteur médiateur et d’estimer un effet indirect total de l’ensemble des facteurs médiateurs [63].

Les effets directs et indirects de la perception des odeurs (PO), du bruit (PB) et des stimuli visuels (PV) s’obtiennent à partir des équations de régression suivantes :

ATT1 = a1o PO + a1b PB + a1v PV + Covariables

ATT2 = a2o PO + a2b PB + a2v PV + Covariables

Y = b1 ATT1 + b2 ATT2 + c’o PO + c’b PB + c’v PV + Covariables

Avec Y : la variable relative à un indicateur de santé perçue (MCS, ANX ou TDS).

L’effet direct de la perception des odeurs (c’o), du bruit (c’b) et des stimuli visuels (c’v) correspond aux relations directes entre l’exposition aux nuisances et la santé perçue ajustée sur les attitudes (ATT1 et ATT2).

L’effet indirect total de la perception des odeurs (a1o b1 + a2o b2), du bruit (a1b b1 + a2b b2) et des stimulivisuels (a1v b1 + a2v b2) correspond à la part de la relation entre l’exposition des nuisances et la santé perçue médiée par les attitudes (ATT1 et ATT2), c’est-à-dire liée aux attitudes. Les effets indirects de la perception des odeurs, du bruit et des stimuli visuels spécifiques aux attitudes ATT1 sont respectivement : a1o b1,a1b b1 et a1v b1. Enfin, les effets indirects de la perception des odeurs, du bruit et des stimuli visuels spécifiques aux attitudes ATT2 sont respectivement : a2o b2, a2b b2 et a2v b2.

Enfin, les effets totaux de la perception des odeurs, du bruit et des stimuli visuels, correspondant à la somme de l’effet direct et des effets indirects spécifiques, sont respectivement :

co = c’o + a1o b1 + a2o b2

cb = c’b + a1b b1 + a2b b2

cv = c’v + a1v b1 + a2v b2

La médiation est parfaite lorsque la variable médiatrice attitudinale transmet l’intégralité de l’effet de l’exposition aux nuisances sur la santé perçue. Les effets directs sont alors nuls et les effets indirects expliquent à eux seuls la relation. Dans une médiation parfaite c’j = 0 et cj = aij bi. Dans une médiation partielle c’j ≠ 0 et cj > c’j [61, 64].

Pour l’ensemble des analyses multivariées, les variables d’ajustement continues ont été introduites dans les modèles à l’aide de fonctions splines. Une transformation Box-Cox a été appliquée aux variables à expliquer, MCS et ANX, afin d’obtenir des distributions des résidus se rapprochant de la normalité.

Pour l’une ou l’autre des variables du modèle, 17,3 % des personnes interrogées présentaient des données manquantes. Celles-ci ont été imputées à l’aide de la méthode Hot Deck [65].

Toutes les estimations prennent en compte le plan d’échantillonnage après calcul des poids de sondage définis comme l’inverse de la probabilité d’inclusion en considérant le nombre de personnes et de lignes de téléphone fixe par ménage.

Les intervalles de confiance des coefficients pour estimer les effets directs et indirects ont été obtenus par une procédure de bootstrap avec un échantillon de 5 000 répétitions [66].

L’ensemble des analyses multivariées a été réalisée sous R v3.0.0 avec le package Survey [67].

Résultats

Un échantillon de 1 495 personnes tirées au sort a répondu au questionnaire, correspondant à un taux de participation de 52,6 %. Les caractéristiques de la population ont été présentées précédemment (voir p. 583-95).

Le score résumé psychique (MCS) mesuré par le MOS SF-36 est estimé à 48,52 [48,03 ; 49,01] en moyenne dans la population. La valeur moyenne du score d’anxiété est estimée à 0,24 (IC 95 % [0,22 ; 0,26]). Enfin, 21,17 % (IC 95 % [18,95 ; 23,39]) des personnes présentent des troubles du sommeil de type insomnie.

Exposition aux nuisances émises par le site industriel

Le score de perception des odeurs provenant du site industriel de Salindres est estimé à 15,6 (IC 95 % [14,3-16,9]) en moyenne dans la population. Il ne diffère pas significativement suivant les caractéristiques sociodémographiques et socioprofessionnelles.

Le score de perception de bruits émis par le site industriel de Salindres est estimé à 5,7 (IC 95 % [4,8 ; 6,6]) en moyenne dans la population. Il est plus élevé chez les hommes (moy = 7,5 IC 95 % [5,9 ; 9,1]) que chez les femmes (moy = 4,1 IC 95 % [3,1 ; 5,1]). On observe une tendance à la diminution du score avec l’âge et à l’augmentation avec l’accroissement du niveau de diplôme.

Enfin, le score de perception des stimuli visuels agrégeant l’information sur la vue des bâtiments, des cheminées industrielles et de la lumière émise par le site industriel est estimé à 24,4 (IC 95 % [22,2 ; 26,6]) en moyenne dans la population. Comme pour la perception des odeurs, il ne diffère pas selon les variables socio-économiques et sociodémographiques.

L’ensemble des scores d’exposition aux nuisances décroît fortement avec la distance entre le lieu de résidence et le site industriel (tableau 1). En revanche, aucun des scores ne varie en fonction de la durée de résidence.

L’ensemble des scores d’exposition aux nuisances varie largement selon la situation professionnelle en lien avec les activités du site industriel. Les personnes qui travaillent actuellement dans les activités industrielles ou qui y ont travaillé par le passé perçoivent un niveau d’odeurs, de bruit et de stimuli visuels associés au site plus élevé que les personnes qui n’y ont jamais travaillé (tableau 1).

Enfin, on notera que les corrélations entre les scores de perception des odeurs, de bruit et de stimuli visuels sont faibles ; les coefficients de corrélation entre les variables étant compris entre 0,2 et 0,3.

L’exposition aux nuisances fait l’objet d’une publication spécifique [44].

Attitudes à l’égard du site industriel

Le score de la première variable attitudinale – l’attribution de la pollution des milieux de l’environnement aux activités du site industriel et la relativisation de la pollution (ATT1) – est estimé à 56,4 (IC 95 % [55,0 ; 57,8]) en moyenne dans la population. Le score des attitudes relatives aux croyances, aux inquiétudes, au contrôle perçu et aux stratégies d’ajustement à l’égard du site industriel (ATT2) est estimé à 37,2 (IC 95 % [36,2 ; 38,2]) en moyenne dans la population.

Ces deux variables attitudinales varient en fonction des caractéristiques sociodémographiques et socio-économiques des personnes interrogées : l’âge, le niveau de diplôme, le revenu perçu, le groupe socioprofessionnel, le statut matrimonial (tableau 2). Plus les personnes interrogées sont jeunes, fortement diplômées, appartiennent à des groupes socioprofessionnels supérieurs, mais aussi, déclarent des difficultés financières, et plus leurs attitudes sont défavorables à l’égard des usines. À l’inverse, plus les personnes sont âgées, présentent de faibles niveaux d’instructions, appartiennent à des groupes socioprofessionnels tels que les agriculteurs exploitants, les ouvriers et les employés, n’éprouvent pas de difficultés financières, et plus elles présentent des attitudes favorables aux usines. En outre, de manière spécifique aux attitudes ATT2, on observe que les femmes présentent des attitudes plus défavorables à l’égard du site industriel que les hommes.

Enfin, plus les personnes présentent un lien professionnel fort avec le site industriel et plus elles présentent des attitudes (ATT1 et ATT2) favorables aux usines. À l’inverse, les personnes n’ayant jamais travaillé dans les usines du site industriel de Salindres présentent les attitudes les plus défavorables aux usines (tableau 1). En revanche, à l’inverse de l’exposition aux nuisances industrielles, les deux variables attitudinales ne varient pas en fonction de la distance entre le lieu de résidence et la zone industrielle chimique.

Analyses multivariées

Les résultats des analyses multivariées qui étudient les relations entre les trois indicateurs de santé perçue (MCS, ANX et TDS) et les trois indicateurs d’exposition aux nuisances (PO, PB, PV) médiées par les attitudes (ATT1 et ATT2) sont présentés dans le tableau 3.

Qualité de vie psychique (MCS) : Un coefficient β (ou produit de coefficients β) négatif correspond à une diminution du score MCS et donc à une dégradation de la qualité de vie psychique pour une augmentation de l’exposition aux nuisances émises par les activités industrielle. Ainsi, les personnes qui perçoivent des mauvaises odeurs provenant du site industriel présentent une dégradation de leur qualité de vie psychique par rapport à celles qui n’en perçoivent pas (effet total significatif). Par ailleurs, on n’observe pas d’effet direct de la perception des odeurs sur la qualité de vie psychique, mais un effet indirect total médié par les attitudes.

En ce qui concerne l’effet de la perception des bruits sur la qualité de vie psychique, on ne montre ni d’effet total ni d’effet direct de l’exposition à ces nuisances. En revanche, l’analyse met en évidence un effet médiateur des attitudes dans la relation entre la perception des bruits et la qualité de vie psychique. À noter que l’effet médiateur d’un facteur de risque peut être mis en évidence bien que l’effet total de ce facteur de risque sur la variable dépendante ne soit pas significatif [66, 68].

Enfin, la perception de stimuli visuels émis par le site industriel n’est pas associée à la qualité de vie psychique. L’analyse multivariée ne met en évidence ni d’effet direct, ni d’effet indirect de l’exposition à cette nuisance sur la qualité de vie psychique.

Anxiété (ANX) : Concernant l’association entre l’anxiété et l’exposition aux nuisances, à l’inverse du score MCS, un coefficient β positif correspond à une augmentation du score d’anxiété, donc à une aggravation des troubles anxieux, pour une augmentation de l’exposition aux nuisances. Les résultats sont similaires à ceux observés pour la qualité de vie psychique, à l’exception de l’existence d’un effet total significatif de la perception des bruits sur l’anxiété.

Troubles du sommeil de type insomnie (TDS) : De la même manière que pour l’anxiété et la qualité de vie psychique, on constate un effet médiateur des attitudes dans la relation entre la perception des mauvaises odeurs et des bruits et les troubles du sommeil. En revanche, on observe un effet total uniquement pour la relation entre la perception des bruits et les troubles du sommeil. En outre, de manière spécifique, on observe un effet total et un effet direct de la perception de stimuli visuels sur la survenue de troubles du sommeil ; les attitudes ne sont pas des facteurs intermédiaires dans cette relation.

Le détail des effets spécifiques des variables attitudinales, l’une conditionnellement à l’autre, dans les relations entre les indicateurs de santé perçue et l’exposition aux nuisances est présenté dans les figures 2, 3 et 4. Dans le cas de l’anxiété, on observe des effets indirects des odeurs et des bruits spécifiques à chaque variable attitudinale. En revanche, pour la qualité de vie psychique et les troubles du sommeil, seuls les effets indirects de la perception des odeurs et des bruits spécifiques des attitudes ATT2 sont mis en évidence.

Discussion

Cette étude épidémiologique analyse les relations entre l’évaluation sensorielle de la situation environnementale à travers la perception de stimuli olfactifs, sonores et visuels émis par un site industriel et des événements de santé perçue par la population riveraine de ce site. S’ouvrant à un modèle biopsychosocial fondé sur les théories transactionnelles du stress environnemental, elle examine l’effet potentiellement médiateur des attitudes de la population à l’égard du site industriel dans la relation entre la perception des nuisances et la santé perçue.

Malgré les limites méthodologiques des études épidémiologiques transversales dans l’évaluation de la causalité, cette étude met en évidence des relations statistiques confortant différentes hypothèses. Les résultats des analyses multivariées montrent des associations entre les indicateurs de santé perçue (qualité de vie psychique, anxiété, troubles du sommeil) et l’évaluation sensorielle de la situation environnementale, après ajustement sur des variables individuelles comme les caractéristiques sociodémographiques, socio-économiques, et l’exposition à la pollution atmosphérique. Plus les personnes riveraines de la plateforme industrielle sont exposées aux nuisances émises par les activités industrielles et plus elles présentent de troubles psychologiques (anxiété, troubles du sommeil de type insomnie) et une qualité de vie psychique dégradée.

En outre, l’analyse multivariée confirme le rôle médiateur des attitudes à l’égard des activités industrielles, uniquement dans le cas des relations entre la perception des mauvaises odeurs et les trois indicateurs de santé perçue, d’une part, et la perception du bruit et les mêmes indicateurs de santé perçue, d’autre part. Cela signifie que lorsqu’il s’agit de nuisances olfactives et sonores, la relation entre la perception des odeurs et des bruits émis par les activités industrielles et la santé perçue passe par les attitudes des personnes à l’égard de la plateforme. En d’autres termes et suivant le modèle conceptuel, la perception d’un niveau élevé de mauvaises odeurs et de bruits associés à la plateforme industrielle conduirait à des attitudes négatives à l’égard du site industriel de Salindres et ces attitudes négatives conduiraient à leur tour à une dégradation de la santé perçue. Les attitudes correspondent ainsi à des variables intermédiaires dans la chaîne causale entre les facteurs de risque et les effets étudiés. À l’inverse de la confusion, l’effet d’une variable médiatrice ne constitue par une erreur d’appréciation de la relation entre le facteur de risque et l’effet, mais permet de comprendre le processus à l’œuvre dans la relation.

Toutefois, les caractéristiques des attitudes intervenant dans cette médiation sont difficiles à interpréter. En effet, il n’est pas possible de dissocier aisément les effets indirects partiels de chacune des deux variables médiatrices. L’autocorrélation entre les deux variables attitudinales est importante (r = 0,6) mais insuffisante pour conclure à un problème de colinéarité dans le modèle multivarié [63].

Enfin, les résultats indiquent que la médiation est parfaite dans la mesure où l’effet indirect est significatif alors que l’effet direct ne l’est pas. Ces résultats sont cohérents avec le modèle transactionnel du stress psychologique environnemental et confortent l’hypothèse d’un effet sur la santé perçue des facteurs de stress caractérisés par l’exposition de la population riveraine aux nuisances générées par le site industriel [4,14].

Ces observations rejoignent celles de deux études réalisées dans différentes situations industrielles en Suède : les activités industrielles sidérurgiques et manufacturières à Oxelösund et les activités de raffinement de biocarburants et de chauffage urbain à Värnamo [40, 69]. Alors même qu’elles mesurent différemment les variables du modèle, ces deux études aboutissent à la même conclusion : l’association entre l’exposition aux nuisances émises par les activités industrielles (perception de signes visuels de la pollution vs. perception des odeurs) et la déclaration de symptômes (symptômes respiratoires vs. symptômes physiques non spécifiques fréquemment associés aux odeurs) est médiée par les attitudes à l’égard des sites industriels (croyances relatives à l’existence d’une menace pour sa santé, inquiétudes et attribution des problèmes de santé à la présence du site industriel vs. inquiétudes pour sa santé).

Ces résultats ne rejoignent pas ceux d’une autre étude, réalisée autour d’une usine d’incinération d’ordures ménagères à Oporto au Portugal, qui examine la relation entre une variable relative à la gêne olfactive, auditive et visuelle et des symptômes psychologiques relevant du stress, de l’anxiété et de la dépression. L’auteur observe une interaction entre la gêne et une variable attitudinale portant sur les croyances dans l’existence d’une menace pour la santé associée au site industriel. Dans cette étude, les attitudes semblent jouer le rôle de variables modératrices dans la relation entre la gêne et la santé perçue, faisant ainsi référence à un modèle interactionniste [23].

Les rôles médiateurs ou modérateurs des variables attitudinales renvoient à deux modèles théoriques du stress distincts [61, 62, 70]. Alors que le modèle transactionnel de Lazarus et Folkman suppose un rôle médiateur des variables attitudinales dans la relation santé-environnement, le modèle interactionniste suppose un rôle modérateur des attitudes.

Un éventuel effet modérateur des attitudes a été testé dans notre étude (résultats non présentés) mais les termes d’interaction entre l’exposition aux nuisances et les attitudes n’étaient pas significatifs dans le modèle.

Le sens de la relation entre la santé perçue et la perception cognitive des stimuli émis par une source industrielle est souvent discuté dans la littérature [28, 69, 71]. L’hypothèse du stress d’origine environnementale repose sur le fait que l’exposition à des facteurs de stress environnementaux conduit à une dégradation de la qualité de vie psychique. C’est le sens de la relation étudiée dans le cadre de cette étude. Mais d’autres auteurs étudient la relation inverse dans laquelle les personnes qui présentent un état de qualité de vie psychique dégradé sont plus susceptibles de percevoir des facteurs de stress environnementaux que les personnes en bonne santé [72]. En conséquence la relation entre l’exposition aux nuisances et la santé perçue s’envisagerait de manière bilatérale au sein d’une causalité circulaire [10, 21, 73].

Enfin, les résultats de l’étude autour du site industriel de Salindres montrent un effet particulier des stimuli visuels dans la relation entre l’exposition aux nuisances et la santé perçue, différent de celui des odeurs et du bruit. Aucun effet indirect des attitudes n’est observé dans la relation entre la perception des stimuli visuels et la santé perçue quel que soit l’indicateur. En revanche, on observe un effet direct de la perception des stimuli visuels sur les troubles du sommeil de type insomnie. Cette relation suggère un effet physiologique de l’exposition à la lumière de nuit provenant de la plateforme industrielle qui est l’un des items de la dimension portant sur l’impact visuel du site [74, 75].

Dans la littérature, il existe très peu d’instruments de mesure valides et fiables de l’exposition aux nuisances. Les mesures sont réalisées le plus souvent à partir d’un item unique spécifique de chaque situation d’étude, plus rarement de plusieurs items agrégés en un score [23, 42]. Cependant, Steinheider et al. insistent sur l’importance d’évaluer l’exposition aux nuisances plus précisément que par la mesure à partir d’un seul item [24].

Dans le cadre de notre étude, l’évaluation sensorielle des nuisances émises par la plateforme industrielle est caractérisée par trois variables qui distinguent la perception des odeurs, du bruit et des stimuli visuels. L’analyse de la structure dimensionnelle de l’ensemble des items portant sur l’ensemble des trois nuisances (résultats non présentés) a montré que les perceptions des odeurs, du bruit et des stimulivisuels relèvent de trois dimensions différentes justifiant ainsi l’approche multifactorielle envisagée dans le cadre de cette étude. Il n’existe pas, à notre connaissance, d’étude qui examine les effets spécifiques de différents stimuli olfactifs, sonores et visuels émis par une même activité industrielle. La plupart des études réalisées autour de sites industriels portent exclusivement sur les nuisances olfactives. Les odeurs désagréables comme stimuliolfactifs sont considérées comme un facteur de stress majeur autour des zones industrielles [16, 26] et une littérature importante porte sur ces nuisances [41, 76].

Rarement étudiés, les bruits provenant des activités industrielles, notamment des transports, sont cependant cités parmi les plaintes des riverains comme une source importante de nuisances [9, 23, 60]. De la même manière, très peu d’études quantitatives évaluent la perception de stimuli visuels associés à la proximité d’activités industrielles [9, 23, 40, 42].

Quelques études caractérisent une exposition globale aux nuisances, par des indicateurs composites englobant différentes caractéristiques de la source de nuisances [23, 42]. En outre, la distance entre le lieu de résidence et le site industriel reste un indicateur très utilisé pour évaluer l’exposition globale aux facteurs de stress provenant d’une activité industrielle [5, 27, 77, 78]. Dans deux études, l’indicateur de proximité industrielle considère, outre la distance entre le lieu de résidence et le site industriel, le tonnage de rejets des activités sous l’hypothèse qu’il rend compte de la taille et de la visibilité de l’activité industrielle [60, 79].

Comme pour l’évaluation de l’exposition aux nuisances, la mesure des différentes composantes des attitudes à l’égard d’une pollution environnementale fait l’objet, soit d’une seule question [43, 69, 80], soit de regroupement d’items en instruments [23, 40, 81]. À l’exception de l’instrument Concern About Petrochemical Health Risk Scale (CAPHRS) [59, 82], il existe très peu d’instruments valides, fiables et spécifiques des attitudes à l’égard de la pollution de l’environnement générée par des activités industrielles.

Dans le cadre de notre étude, les attitudes qui évaluent le processus transactionnel sont spécifiques de la plateforme industrielle de Salindres. Le regroupement des caractéristiques attitudinales en deux variables distinctes résulte d’une démarche empirique qui vise à obtenir des mesures présentant des propriétés métriques satisfaisantes en matière de validité de structure et de fiabilité.

Les objectifs poursuivis par cette étude n’étaient pas orientés vers la compréhension détaillée des caractéristiques du processus transactionnel et des liens qui s’opèrent entre elles. L’étude se donnait à comprendre l’effet médiateur ou non de l’ensemble de ces processus transactionnels dans le cadre d’une relation épidémiologique entre une exposition à des nuisances et des effets sur la santé perçue. La distinction du rôle respectif des composantes du processus d’évaluation primaire, secondaire et d’ajustement du modèle transactionnel de Lazarus mériterait des études supplémentaires.

En outre, la transaction entre une personne et son environnement est un processus dynamique et itératif, dans le sens où il est conçu comme une réévaluation systématique des facteurs de stress, des ressources et des stratégies pour faire face à la situation [14]. Ce processus conçu comme dynamique ne peut être appréhendé à travers une étude transversale. Comme souligné dans la littérature, cette limite incite à une approche dynamique de la situation à travers le recueil longitudinal de mesures des effets sur la santé et des facteurs de risque [70, 78, 83].

La validité externe des résultats pour ce qui est de la représentativité de l’échantillon et de la validité des instruments de mesure de la santé perçue a été présentée précédemment (voir p. 583-95).

Conclusion

Les résultats de cette étude confirment l’importance des facteurs de stress psychologiques associés aux nuisances générées par les activités industrielles. Dans la situation de la plateforme de Salindres, les relations entre l’exposition à ces nuisances et les indicateurs de santé perçue étudiés sont observées alors même que la population interrogée évalue plus favorablement sa qualité de vie que le reste de la population française prise comme référence (voir p. 583-95). Dans un contexte environnemental ne révélant pas de risque toxicologique sur la santé de la population [84], les enseignements tirés de cette étude font apparaître l’intérêt de considérer l’impact sur la santé des nuisances industrielles.

Ces résultats orientent dans le cas de Salindres vers la mise en œuvre de mesures de gestion, dans le domaine de la prévention, ciblées sur la maîtrise des émissions des activités industrielles à l’origine de nuisances. D’une manière générale, il paraît nécessaire d’intégrer la perception sensorielle des odeurs, du bruit et des aspects visuels ainsi que la perception cognitive des risques dans l’évaluation et la gestion des plaintes sanitaires autour des zones industrielles génératrices de nuisances. En outre, les résultats montrent le rôle essentiel des attitudes dans la relation entre les nuisances émises par les activités industrielles de Salindres et les effets sur la santé. Ces attitudes tiennent aux savoirs, aux représentations que les riverains ont de la zone industrielle, de la pollution qu’elle génère et de son impact sur la santé et aux inquiétudes qui en découlent. Ces effets militent pour des approches axées sur le renforcement des capacités communautaires des habitants des agglomérations de la zone industrielle de Salindres par l’implication active et effective des citoyens dans le processus de gestion [85, 86].

Ces résultats démontrent également la capacité des indicateurs de santé perçue à mettre en évidence les effets d’une exposition aux nuisances industrielles. Les indicateurs de santé perçue permettent d’intégrer la perception que les populations ont de leur santé et ainsi d’appréhender les facteurs liés aux caractéristiques cognitives et émotionnelles associées à la perception des risques et au contexte social de la situation étudiée. Une meilleure connaissance de la façon dont ces facteurs modifient la relation entre l’environnement et la santé est à même d’apporter des éléments utiles à la prise en charge par le gestionnaire des situations de pollution environnementale.

Ce dispositif de surveillance épidémiologique fondée sur la mesure de la santé perçue peut ainsi faciliter la vigilance et la protection sanitaire.

D’autres contextes environnementaux variés devraient faire l’objet d’études portant sur la mesure de la santé perçue et ses relations avec des indicateurs de l’exposition aux nuisances industrielles et des attitudes des populations à l’égard des activités industrielles afin d’évaluer la cohérence des observations issues de cette étude.

Remerciements et autres mentions

Financement : Santé Publique France, ARS Occitanie, DREAL Occitanie ; liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt.

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