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Les perturbateurs endocriniens : de l’objet scientifique à la catégorie réglementaire. Analyse d'une histoire politico-réglementaire (1990-2019) Volume 19, numéro 5, Septembre-Octobre 2020

Auteur
Univ Rennes, EHESP, CNRS, ARENES-UMR_F6051, Inserm, IRSET (Institut de recherche en santé, environnement et travail)-UMR_F1085
9, avenue du Prof. Léon Bernard
35000 Rennes
France
* Tirés à part

Cet article retrace la prise en charge scientifique, politique et réglementaire des perturbateurs endocriniens entre 1990 et 2019 afin d’expliquer comment ces substances sont passées d’un objet scientifique à une catégorie réglementaire. L’histoire scientifique des perturbateurs endocriniens, l’estimation des coûts qu’ils engendrent et leur responsabilité dans les pathologies humaines modernes font déjà l’objet de nombreux travaux. Nous proposons une approche originale issue d’une étude en sciences sociales s’appuyant sur des entretiens, l’étude d’archives et de documents scientifiques, administratifs et associatifs, en vue de comprendre pourquoi, encore aujourd’hui, la question de la définition et de l’identification des perturbateurs endocriniens fait débat. Ce travail montre que dans les années 1990 l’invention et la diffusion de l’expression « perturbateurs endocriniens » suscitèrent le rassemblement de scientifiques de disciplines différentes (biologistes, écotoxicologues, chimistes, épidémiologistes, endocrinologistes, etc.) en vue de créer une communauté de recherche. C’est au gré des transferts dans les espaces administratifs, politiques et médiatiques que les perturbateurs endocriniens sont devenus une catégorie réglementaire. À partir de leur inscription dans le droit européen en 2009 dans le Règlement (CE) N̊ 1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, les experts scientifiques, fonctionnaires européens et parties prenantes ont dû élaborer de nouvelles manières de caractériser cette catégorie de substances chimiques. Ne pouvant pas reproduire les modes de gestion classiques reposant sur l’identification d’un effet néfaste comme dans le cadre du règlement relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges (par exemple, pour les substances cancérigènes), une identification en trois étapes a été proposée, fondée sur l’identification d’un effet néfaste d’un mode d’action endocrinien et l’établissement d’un lien causal entre le mécanisme et l’effet.