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Bulletin Infirmier du Cancer

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Programme de pré-habilitation au stress chirurgical en cancérologie. Institut de cancérologie de l'Ouest (ICO) Volume 19, numéro 4, Octobre-Novembre-Décembre 2019

Illustrations


  • Figure 1

  • Figure 2

Définition

La réhabilitation améliorée après chirurgie (RAAC) est une approche de prise en charge globale du patient favorisant le rétablissement précoce de ses capacités après la chirurgie. Ce programme est réservé aux patients relevant d’une chirurgie digestive et/ou gynécologique carcinologique lourde.

La pré-habilitation est un concept récent qui permet d’optimiser l’état de santé des patients en amont de la chirurgie et s’inscrit parfaitement dans la RAAC.

Présentation

Les études les plus récentes ont démontré que plus la préparation préopératoire avant une chirurgie majeure est précoce et bien menée, plus les capacités de récupération et les suites opératoires sont bonnes pour le patient. L’état physique du patient conditionne le risque per- et postopératoire.

L’acte chirurgical entraîne une diminution des capacités physiques, une dénutrition et une anxiété. Ces facteurs sont tous susceptibles de prolonger la période de convalescence, voire d’entraîner des complications postopératoires.

Le programme est donc construit pour améliorer la capacité d’adaptation à cette situation stressante. Il propose un suivi au minimum dans trois domaines :

  • activités physiques ;
  • nutrition ;
  • bien-être psychologique/social.

Les objectifs sont d’augmenter la force musculaire et l’endurance cardiovasculaire, d’améliorer l’alimentation afin d’aider le patient à retrouver le plus rapidement possible une bonne santé et ses capacités antérieures.

La participation active et l’adhésion du patient sont essentielles à la réussite de ce projet.

Le premier bilan se déroule sur une journée en ambulatoire ; il permet d’évaluer au mieux l’état de santé du patient, de faire un bilan de ses capacités et d’évaluer ses besoins afin de lui proposer un programme adapté.

Une équipe pluridisciplinaire, composée de médecins anesthésistes et chirurgiens, diététiciens, kinésithérapeutes, psychologues, assistants sociaux et infirmier(e)s, accompagne le patient durant toutes les étapes du parcours de soins.

La mise en place d’un tel programme représente une démarche d’amélioration des pratiques pour toutes les équipes. Celle-ci nécessite une réorganisation des soins et des efforts combinés au sein d’une équipe pluriprofessionnelle impliquant tous les acteurs autour du patient, équipes hospitalières et de ville.

Contexte

Les chirurgies lourdes entraînent une durée d’intervention plus importante, des moyens techniques (perfusions, drainage), un stress psychologique et physiologique (iléus postopératoire en réponse au stress opératoire, retardant la reprise du transit) et une dénutrition.

Il est donc important de limiter les abords vasculaires ou de drainage et les enlever le plus rapidement possible (sondes, perfusions, drainages limités), de gérer la douleur et d’assurer une réalimentation et une motricité précoce.

Le patient est assis au bord du lit dès le lendemain de l’intervention, levé, mis au fauteuil le plus rapidement possible afin de réduire les complications broncho-pulmonaires, et de limiter le déconditionnement physique et la morbidité postopératoire.

Objectif

L’objectif est de préparer le patient au stress de la chirurgie, tel un sportif s’entraînant à une compétition.

On propose en rapport aux trois axes :

  • un entraînement physique adapté aux possibilités du patient et de la maladie ;
  • un support nutritionnel adapté aux besoins et à la pathologie du patient pour soutenir l’entraînement physique ;
  • un soutien social et psychologique ;
  • une évaluation médicale du programme et des prescriptions médicales.

Parcours patient (figure 1)

 

Inclusion

Lors de la consultation d’annonce préopératoire, le chirurgien évalue l’éligibilité à l’inclusion dans le programme de pré-habilitation en fonction de certains critères :

  • le type de chirurgie ;
  • la fin de la radiothérapie et/ou chimiothérapie ;
  • le temps entre la consultation et la date de la chirurgie (quatre à six semaines) ;
  • la participation active du patient, qui est absolument nécessaire pour mettre en œuvre un chemin clinique de pré-habilitation.

Suite à cette consultation, le patient est dirigé vers l’infirmier(e) diplômé(e) d’État (IDE) de consultation. Celui/celle-ci reprend les informations données par le chirurgien, présente le chemin clinique, pose la date de la journée et donne un livret de suivi.

Ce livret de suivi est un support d’informations utiles pour mieux comprendre et participer à ce programme. Il contient également des questionnaires d’évaluation personnelle qui seront remplis par le patient avant la journée de pré-habilitation et repris avec lui par les différents intervenants de la journée :

  • questionnaire Ricci & Gagnon pour l’activité physique ;
  • journal alimentaire sur trois jours ;
  • questionnaire d’auto-évaluation de l’anxiété, de la fatigue et du sommeil ;
  • questionnaire d’auto-évaluation de l’état de santé et de la douleur ;
  • questionnaire d’anesthésie.

Déroulement de la journée pré-habilitation ambulatoire

Accueil par l’IDE coordinateur(rice)

L’IDE assure le lien entre le patient et les différents professionnels, présente le parcours de la journée, reprend les questionnaires du livret et collecte les résultats sur le dossier informatisé.

L’IDE effectue les prescriptions (bilan sanguin, électrocardiogramme, etc.), coordonne les intervenants de la journée, reprend les rendez-vous des différentes consultations et hospitalisations.

Bilan de kinésithérapie

Le but du bilan de kinésithérapie est d’optimiser les capacités physiques et respiratoires avant l’intervention. Le kinésithérapeute organise avec le patient un programme évolutif de rééducation à l’effort et d’activités physiques adaptées (exercices respiratoires, cardiovasculaires et renforcement musculaire).

Bilan diététique

Le diététicien dresse un bilan nutritionnel en lien avec le recueil alimentaire des trois jours précédents, échange sur les habitudes alimentaires et conseille afin d’obtenir une nutrition optimale en fonction du goût et de l’appétit.

Il prescrit si besoin des compléments alimentaires protéinés.

Bilan psychologique et social

L’IDE évalue en fonction des scores des questionnaires remplis l’état émotionnel, l’état de fatigue du patient, sa capacité à faire face à la maladie et les répercussions sur sa vie quotidienne.

Un entretien avec un psychologue pourra être proposé.

Les conditions de retour à domicile en postopératoire seront abordées par l’infirmier(e) pré-habilitation afin d’anticiper les démarches pour la sortie d’hospitalisation : la mise en place d’une convalescence, de l’hospitalisation à domicile (HAD), de professionnels libéraux, etc.

Une consultation avec l’assistant social pourra être programmée dans cet objectif.

Consultation d’anesthésie

L’anesthésiste rencontre le patient, en fonction du bilan sanguin et des examens réalisés en préopératoire et prescrit des soins complémentaires (carence martiale).

Programme hebdomadaire avant l’intervention

Ce programme est personnalisé ; il est communiqué lors de la journée de bilan par l’infirmier(e) coordinateur(rice).

En résumé, il s’agira de réaliser quotidiennement différents exercices de musculation et un entraînement d’endurance, définis avec le kinésithérapeute, et d’appliquer les conseils diététiques qui auront été donnés par le diététicien (des compléments nutritionnels pourront y être associés en fonction des besoins).

Un suivi téléphonique hebdomadaire est réalisé par l’infirmier(e) pré-habilitation qui reprendra avec le patient les objectifs d’entraînement. À cette occasion, le patient peut faire part des éventuelles difficultés rencontrées et discuter avec l’IDE des solutions alternatives.

Hospitalisation

La veille de l’intervention

Le patient est convoqué la veille de l’intervention dans le service d’hospitalisation de chirurgie.

L’équipe de soin effectue un bilan final du programme de pré-habilitation : poids, bilan sanguin, kinésithérapie (spirométrie, mesure d’impédancemétrie), consultation avec un psychologue en fonction des besoins, etc.

Le patient est préparé pour l’acte chirurgical.

Pendant le séjour

L’équipe de chirurgie (médecin, infirmier(e), aide-soignant, kinésithérapeute, diététicien) continue la prise en charge sur un objectif commun : favoriser le retour à l’autonomie le plus précocement possible.

Les mesures physiques et diététiques seront au besoin adaptées à l’intervention et aux suites opératoires. À tout moment, une réévaluation globale des trois axes fondamentaux du programme pourra être réalisée.

La sortie est anticipée de quelques jours et les consignes nutritionnelles et d’exercices physiques à faire à la maison sont expliquées.

Un rendez-vous de consultation postopératoire avec le chirurgien est donné à la sortie de l’hospitalisation.

Un questionnaire de satisfaction est donné au patient avant la sortie d’hospitalisation afin d’évaluer la qualité du parcours du programme.

Après l’hospitalisation

Un suivi téléphonique est réalisé par l’infirmier(e) coordinateur(rice) au domicile du patient quatre et huit semaines après la sortie. L’IDE recueille les complications, les difficultés survenues au retour à domicile et les transmet au médecin référent. Au besoin, des consultations intermédiaires sont organisées, notamment pour le suivi des pansements.

Rôle de l’IDE coordinateur

L’IDE est l’informateur, le formateur et l’interlocuteur privilégié du patient qui :

  • renforce la continuité des soins en créant un lien formel entre le patient et l’équipe soignante intra- et extra-hospitalière aux trois temps de la prise en charge pré-, per- et postopératoire ;
  • assure une information et une éducation extensive pour permettre au patient de comprendre les éléments clés du parcours et les bénéfices qu’il peut en attendre ;
  • présente des mesures techniques du programme qui nécessitent la participation active du patient comme le lever et la nutrition précoce ;
  • réalise des soins prescrits lors de l’hospitalisation de jour ;
  • centralise les informations provenant du domicile afin d’assurer un suivi via un appel téléphonique hebdomadaire ;
  • contribue activement au projet : mise en place, suivi, évaluation ;
  • participe aux actions de communication du projet en interne et à l’extérieur.

Bilan

La RAAC est déployée avant et après la chirurgie et répond pour sa mise en place à un appel à projets de l’Agence régionale de santé (ARS) centré sur la pré-habilitation.

La pré-habilitation est initiée à titre expérimental depuis décembre 2018 à l’Institut de cancérologique de l’Ouest. La pré-habilitation est ouverte une journée par semaine, ce qui représente deux patients maximum.

Le programme de pré-habilitation a permis de fédérer les équipes chirurgicale, d’anesthésie, médicale et paramédicale autour d’un projet innovant.

Satisfaction des patients et témoignages (figure 2)

 

 

« La journée passée à la préparation à la chirurgie a été très profitable. Cela m’a permis de rencontrer les personnes qui allaient s’occuper de moi durant mon hospitalisation, d’avoir tous les renseignements nécessaires ; ce qui a fait diminuer mon stress. La préparation physique a été un plus. Cela a maintenu mon dynamisme et préparé mon mental. Cette prise en charge n’est que du plus dans la préparation à la chirurgie. Cela permet au patient d’arriver en toute confiance et en bonne forme. Merci à vous tous et toutes de votre gentillesse et de votre professionnalisme. »

« Ce programme m’a aidé à connaître mon état de santé avant l’intervention. Ce bilan complet est très appréciable, il permet de changer ses habitudes quotidiennes afin d’être en forme pour l’intervention et surtout pour la récupération après l’intervention. Il est parfois difficile d’adapter la diététique par rapport à la famille. Ce programme m’a permis de prendre conscience de l’état de forme qu’il fallait avoir. J’ai trouvé du personnel médical à l’écoute et prêt à me suivre. Je n’aurais sans doute pas fait et pas suivi le même programme si je n’avais pas eu ce suivi et ce programme. Il m’a permis d’être en forme pour l’opération et, le plus important, la récupération après. J’ai eu une opération du côlon et trois jours après je marchais, me lavais et allais aux toilettes seule.

Je recommande vivement ce programme à toute personne allant subir une intervention lourde. Il faut aussi le vouloir ; l’état psychologique est important. »

Liens d’intérêts

les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt.

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