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Bulletin Infirmier du Cancer

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Les patients atteints de cancer métastasé du sein et du poumon préfèrent la chimiothérapie orale - Stratégies et obstacles dans le traitement de la santé mentale et des tendances suicidaires chez les patients atteints de cancer Volume 19, numéro 4, Octobre-Novembre-Décembre 2019

Les patients atteints de cancer métastasé du sein et du poumon préfèrent la chimiothérapie orale

En 2013, environ 14,5 millions de personnes au niveau mondial étaient atteintes de cancer du sein et du poumon. Ces dernières décennies, de nouveaux traitements dans les cancers métastasés ont émergé. La chimiothérapie reste un traitement standard et peut être administrée seule ou en combination avec l’hormonothérapie/immunothérapie/thérapies ciblées. La chimiothérapie orale dans les cancers métastasés du sein et du poumon garantit une efficacité et une sécurité de ce mode de traitement. Lorsque le spécialiste doit prendre une décision concernant le mode d’administration de la chimiothérapie, il/elle prend en compte l’efficacité, la sécurité, les effets secondaires, l’observance et le coût du traitement. Il semblerait que les patients eux-mêmes préfèrent un traitement oral. Cependant, le risque de non-observance représente une préoccupation non négligeable. La thérapie orale nécessite une autogestion de la part du patient, l’oblige à prendre conscience des éventuels effets secondaires et à agir en conséquence. De plus, les patients ayant une/des maladie(s) concomitante(s) doivent suivre des schémas d’administration de chimiothérapie compliqués et doivent continuer à prendre leurs autres médicaments. Une étude clinique espagnole a récemment été publiée et avait pour objectif premier de déterminer les préférences thérapeutiques des patients atteints de cancer métastasé du sein et du poumon entre la chimiothérapie administrée par voie orale ou intraveineuse (IV). Tous les patients inclus avaient déjà eu un régiment de traitement par chimiothérapie IV et reçu au moins deux cycles de chimiothérapie orale. Un questionnaire non validé avec 16 items issu d’une publication de 20081 a été donné aux patients. Au total, 161 patients atteints de cancer du poumon et 251 patientes atteintes de cancer du sein ont rempli le questionnaire. La plupart des patients (73,5 %) ont pris leurs médicaments à la maison : 42 % sous la supervision du personnel soignant, généralement du personnel infirmier, et 47,8 % sous la supervision de membres de la famille (un pourcentage significativement plus élevé chez les patients atteints d’un cancer du poumon par rapport au cancer du sein). Une observance totale du traitement a été rapportée chez 87,9 % des patients. Peu de patients (5,8 %) ont reconnu des erreurs dans la prise de médicaments ou signalé des problèmes gastro-intestinaux. Presque 50 % des patients prenaient d’autres médicaments liés à d’autres pathologies. En ce qui concerne les préférences des patients, 77,7 % ont choisi un traitement oral (ils n’ont donc pas choisi la chimiothérapie IV). La plupart des patients (86,9 %) n’avaient aucun mal à avaler les gélules/comprimés et ne craignaient pas de les prendre sans supervision du personnel (para)médical (71,4 %). Fait important, 70,4 % considéraient que leur vie quotidienne était moins affectée par le traitement oral (p = 0,038). En revanche, la plupart des patients étaient préoccupés par des problèmes liés au traitement IV, tels que la douleur, les nausées et l’attente à l’hôpital. La plupart des patients ont exprimé leurs préoccupations concernant la voie IV et le désagrément de passer du temps à l’hôpital en attente d’une administration IV. Une majorité des patients (56,8 %) étaient inquiets par rapport à l’injection IV du traitement et surtout inquiets que l’infirmier(e) ait des difficultés à trouver une veine ; enfin, 63 % étaient très mécontents du temps d’attente à l’hôpital. Cette étude est conforme aux résultats d’autres publications à ce sujet. En résumé, la commodité, la facilité d’administration, la réduction des effets secondaires et une meilleure qualité de vie font que les patients atteints d’un cancer métastasé du sein ou du poumon préfèrent l’administration de médicaments anticancéreux par voie orale.

 

Ciruelos EM, Díaz MN, Isla MD, et al. Patient preference for oral chemotherapy in the treatment of metastatic breast and lung cancer. Eur J Cancer Care 2019 : e13164. Doi : 10.1111/ecc.13164

 

Stratégies et obstacles dans le traitement de la santé mentale et des tendances suicidaires chez les patients atteints de cancer

Il a déjà été démontré dans la littérature que l’annonce du diagnostic du cancer peut entraîner de l’anxiété, voire une dépression, ainsi que des idées sombres allant jusqu’aux idées suicidaires. Durant le traitement du cancer, les patients peuvent éprouver une détresse physique et émotionnelle. Les patients atteints de cancer ont un risque élevé d’idées suicidaires, de tentatives de suicide et de suicides. Bien que le dépistage et le traitement de la détresse mentale chez les personnes atteintes de cancer soient largement reconnus comme la norme de référence en matière de soins oncologiques, et bien que les recherches indiquent que les interventions psychologiques pour les personnes atteintes de cancer sont efficaces, beaucoup ne reçoivent aucun traitement pour leur détresse mentale. Une étude clinique a exploré la manière dont les infirmier(e)s travaillant en oncologie font face à la détresse liée à la santé mentale et aux tendances suicidaires chez les patients atteints de cancer. Au total, 20 infirmier(e)s en oncologie ont été interrogé(e)s sur les stratégies qu’elles/ils utilisent pour remédier à la détresse mentale et aux tendances suicidaires de leurs patients, ainsi que sur les obstacles auxquels elles/ils se heurtent dans ces tâches. Plusieurs thèmes sont ressortis de ces entretiens.

  • Stratégies de gestion de la détresse liée à la santé mentale
    • Être disponible émotionnellement : les infirmier(e)s ont déclaré manifester leur soutien en discutant longuement avec les patients, en les écoutant parler de leurs problèmes liés à la maladie et en leur apportant un soutien émotionnel.
    • Fournir un soutien pratique : en plus de fournir un soutien émotionnel, les infirmier(e)s ont indiqué qu’il était essentiel de fournir des informations pratiques aux patients.
    • Traiter les symptômes physiques : les infirmier(e)s ont constaté que la détresse mentale était souvent causée ou déclenchée par une douleur physique. Par conséquent, une des stratégies de traitement de la détresse liée à la santé mentale consiste à traiter d’abord les symptômes physiques pour tenter de remédier à la détresse.
    • Demander conseil : une autre stratégie pour faire face à la détresse mentale consiste à se référer à d’autres professionnels de santé tels que psychologues, assistants sociaux, consultants spirituels, membres de l’équipe de soins palliatifs et médecin (une infirmier[e] note l’importance d’une équipe multidisciplinaire).
  • Stratégies d’intervention chez les patients aux tendances suicidaires
    • Évaluer la situation : les infirmier(e)s ont indiqué que lorsque les patients exprimaient des idées suicidaires, elles réagissaient d’abord en parlant avec les patients de leurs sentiments pour évaluer leur état émotionnel et mettre en lumière ce qui les préoccupait.
    • Proposer des soins de fin de vie ou palliatifs : les infirmier(e)s ont le plus souvent constaté les idées suicidaires chez les patients qui étaient proches de la fin de vie. Une stratégie dans la lutte contre les idées suicidaires est de se concentrer sur les soins appropriés de fin de vie afin de soulager la souffrance physique et émotionnelle.
    • Traiter les symptômes physiques : en plus de soulager la détresse mentale, il faut traiter les douleurs physiques. Ce thème évoqué par les infirmier(e)s comprenait la possibilité de sédation palliative afin d’éliminer la douleur physique.
    • Référer le patient afin d’effectuer une évaluation de la souffrance mentale de celui-ci : les infirmier(e)s ont indiqué que lorsqu’elles/ils soupçonnaient des idées suicidaires chez un patient, elles/ils le transféraient immédiatement chez un psychiatre de l’hôpital, un assistant social ou un psychologue pour une évaluation plus approfondie.
  • Obstacles que rencontre l’infirmier(e) pour résoudre les problèmes de santé mentale
    • Manque de formation : les infirmier(e)s ont indiqué que, même si elles/ils souhaitaient avoir une meilleure formation et des instructions sur la manière de traiter la détresse mentale de leurs patients, elles/ils ne disposaient pas des outils et de la formation nécessaires pour le faire. Les infirmier(e)s n’ont pas de formation, ni d’instruments leur permettant d’identifier et de faire face à la souffrance mentale du patient.
    • Stigmatisation liée aux soins de santé mentale : les infirmier(e)s étaient confronté(e)s à la réticence du patient à recevoir des soins psychologiques d’un assistant social ou d’un psychologue en raison de la stigmatisation des soins liés à la santé mentale.
    • Charge de travail ou manque de temps : un autre obstacle important à la gestion de la détresse mentale est le manque de temps pour répondre aux besoins des patients, souvent en raison d’une charge de travail intense de l’infirmier(e).
    • Disponibilité et accessibilité limitées du professionnel auquel le patient est référé : un frein pour résoudre les problèmes psychologiques du patient est le manque (le nombre insuffisant) d’assistants sociaux, de psychologues ou psychiatres au sein de l’hôpital. Cela signifie que les professionnels susceptibles de pouvoir aider les patients sont moins disponibles.
  • Obstacles pour aider les patients ayant des idées suicidaires concrètes
    • Manque de connaissances et de formation : les infirmier(e)s ont déclaré de façon constante qu’elles/ils ne possédaient pas les compétences, la formation ou les connaissances nécessaires pour traiter les idées suicidaires des patients. En premier lieu, il est clair qu’il faut signaler le cas du patient à un médecin ou psychiatre. Une infirmier(e) indique que la difficulté n’est pas d’identifier les patients ayant des idées suicidaires mais de gérer le problème, de savoir quoi dire aux patients. En cela, il manque aux infirmier(e)s des outils et une formation qui pourraient les aider.
    • Réticence du patient à recevoir des soins : la réticence des patients à recevoir des soins psychologiques est un autre obstacle. Une infirmier(e) se rappelle un patient qui s’est suicidé. Son état suicidaire avait été signalé par l’équipe soignante. Le psychiatre a consulté le patient mais, malheureusement, celui-ci s’est quand même suicidé une semaine plus tard.
    • Manque de protocole, de directive : le dernier obstacle à la gestion des comportements suicidaires des patients est l’absence de protocole sur la procédure à suivre lorsque les patients expriment des idées suicidaires. Les infirmier(e)s ont expliqué que même s’il existait de nombreux protocoles de soins pour d’autres situations, il n’existait pas de procédure à suivre dans le cas d’un patient suicidaire.

Cette étude montre que certaines des stratégies efficaces utilisées par les infirmier(e)s pour faire face à la détresse liée à la santé mentale incluent de se rendre disponible émotionnellement et de fournir un soutien pratique à leurs patients. Les infirmier(e)s participant à cette étude ont souligné qu’en abordant la détresse mentale avec les patients, elles/ils offraient de l’écoute à ceux-ci, reconnaissaient leur mal-être et récapitulaient avec eux les options thérapeutiques possibles. Cette étude met en évidence la nécessité de mettre en place des protocoles standardisés. Élaborer des lignes directrices claires pour répondre à la détresse mentale et aux idées suicidaires des patients atteints de cancer est essentiel pour garantir à ceux-ci une qualité de soins optimale. Former les infirmier(e)s à des interventions fondées sur des données probantes telles que la thérapie cognitivo-comportementale de faible intensité pourrait non seulement aider l’infirmier(e) dans sa pratique mais aussi le patient. Les infirmier(e)s font preuve d’empathie mais cela n’est pas suffisant pour intervenir auprès d’un patient ayant des idées suicidaires.

 

Granek L, Nakash O, Ariad S, Shapira S, Ben-David M. Strategies and barriers in addressing mental health and suicidality in patients with cancer. Oncology Nursing Forum 2019 ; 46(5) : 561-71. Doi : 10.1188/19.ONF.561-571

 

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